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Disques

Keren Ann – Nolita

KEREN ANN – Nolita
(Capitol / EMI)- [site]

KEREN ANN - Nolita"Je pourrais bien brouiller les pistes, changer cent mille fois de visages, rayer mon nom de toutes les listes et m’effacer du paysage" ("Que n’ai-je ?"). Nous y voilà. Le même sillon. Le même fil directeur instable, l’hésitation prolongée entre la métamorphose (la double silhouette de la pochette, la renaissance en papillon américain diapré de couleurs country) et la disparition pure et simple, fantasme et réalité mêlés (la voix le plus souvent au plus second plan, la neurasthénie partout : "Mon désespoir sur le quai des au revoir, je suis bien mieux sur le quai des adieux", sur "Midi dans le salon de la duchesse"). Keren Ann, petite soeur d’Anna Karénine, en est à l’Acte IV, celui d’avant le dénouement de la crise, la mutation décisive ou la fin tragique, et l’acte IV réclame à égalité la suspension du temps et l’accroissement de l’intensité, principes joliment mis en valeur, sur cet opus, par la linéarité et l’étirement des morceaux, par les motifs récurrents qui tirent l’obsession vers le climax (les accords de guitare sur "Que n’ai-je ?", les violons et soupirs de "Nolita", les rondeurs de basse sur "La forme et le fond"). Sur cette trame mi-morose mi-amère, Keren Ann surprend à nouveau par la diversité de ses talents (mélodies, arrangements, production) et de ses propositions musicales, par la simplicité et le sérieux avec lesquels elle se prête à des exercices de style réussis, défiant Mazzy Star sur son terrain ("Chelsea Burns", "Roses & Hips"), tutoyant Stina Nordenstam sur le registre de la délicatesse autiste ("Nolita"), intégrant toute sorte d’éléments disparates à ses compositions (rythmes de bossa, insert de voix lyrique, lecture d’acteur, choeur pop, etc.). Tous ces indices tendent vers l’évidence d’une maturation artistique, évidence que la musicienne continue de dénier, semant partout les signes contraires d’une fragilité et d’une incertitude existentielle tenaces, mais personne ne peut désormais s’y tromper : il faut plus que jamais compter avec elle, pour prolonger en beauté certains héritages folk, pour décloisonner chanson française et pop, pour ouvrir les horizons de la musique d’ici.

David Larre

Que n’ai-je ?
L’Onde amère
Chelsea Burns
Midi dans le salon de la Duchesse
Nolita
Roses & Hips
One Day Without
La forme et le fond
For You and I
Song Of Alice
Greatest You Can Find (morceau caché)

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