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Florent Marchet – Interview, partie 4

FLORENT MARCHET

FLORENT MARCHET AU ZEBRESuite et fin de l’interview du sieur Marchet, in extremis pour le dernier concert de sa résidence au Zèbre de Belleville. Au bout de quatre bières, on évoque paroles, site internet, Berry, littérature et Dominique A, la boucle est bouclée.

Je trouve que tu te tires très bien de thèmes assez casse-gueule comme sur "Le terrain de sport" ou "Avez-vous déjà songé ?". Comment on décide de traiter ce genre de thèmes, et comment on est sûr de les avoir traités sans être lourd ?
Ca part de l’émotion, tout simplement. Un copain qui te raconte qu’il était avec une fille superbe mais qu’il n’a pas pu, je trouve ça super beau. La faiblesse avouée chez les hommes me plaît. Je l’ai traité peut-être sur un ton ironique, mais je voyais ça surtout comme quelque chose de tendre, pas du tout comme quelque chose de casse-gueule. Le thème de la rupture amoureuse, je trouve ça beaucoup plus casse-gueule par exemple.

Parce qu’il a déjà été traité de nombreuses fois ?
Oui, voilà, les thèmes un peu moins explorés sont tout de suite beaucoup plus excitants, on a tout de suite plein d’idées qui sont raccrochées à des souvenirs, à des rencontres, à des lectures, et pas forcément à des chansons qui sont livrées clés en mains. C’est comme si on partait d’un sujet vierge, ou presque. Le thème du "Terrain de sport", c’est un thème qui me tenait tellement à coeur, qui m’obsédait presque. Le début est venu assez vite, avec la musique. C’est partout pareil, c’est de jeunes hommes, des ados, un petit peu machos, parce qu’ils se cherchent, parce qu’ils veulent s’affirmer, qui s’essaient aux jeux de l’amour sans trop avouer leurs sentiments, qui veulent devenir des petits mâles. Et très souvent les filles en font les frais. Et les filles, c’est encore une autre histoire. C’est le désir de se sentir aimée, de pas se sentir trop moche, de pas sentir trop grosse, de sentir que le regard des hommes est attiré par leur corps, par leur visage, et en fin de compte ce n’est pas pour les bonnes raisons. Ayant pu constater ça au collège ou au lycée, ça me fascinait, parce que les premières fois sont tellement importantes, surtout dans la vie d’une femme. Les hommes, dans leur spécialité, c’est plus facile, pas forcément pour faire l’amour, mais en tout cas pour obtenir une jouissance, c’est plus facile et moins mystérieux. Chez les femmes, il y a quelque chose de beaucoup moins physique, plus lié à l’imaginaire, aux fantasmes, et puis c’est quelque chose de plus tabou, le plaisir féminin. Chez les hommes il y a quelque chose de gaillard, de très militaire. Donc voilà, ça m’intéressait de savoir comment une jeune fille pouvait rentrer dans sa vie sexuelle. Ce sujet-là m’a fasciné parce que j’ai vu comme tout le monde des filles en souffrir et parce que j’ai été souvent le Saint-Bernard dans ce cas-là.

Voilà, je trouve que tu en parles très bien, et c’est ce qui m’a touché dans ce texte, ce côté très fin, ce qui n’est pas si fréquent. Sinon, je suis allé sur ton site officiel…
Il n’y a pas encore de site non officiel !

Ca va venir… justement, sur un site officiel hébergé par Universal, on s’attend souvent à quelque chose d’assez formaté, et là c’est assez personnel.
Oui, il y a un canevas de départ. J’ai décidé au minimum des rubriques, mais c’est tout. Au début, j’avais dessiné une petite rivière, avec une cabane et tout, et on m’a dit que ça coûterait trop cher.

Il y a aussi un forum assez vivant. Il y a plein de messages, qui te sont parfois directement adressés, de gens que tu sembles avoir rencontrés au fil des concerts par exemple…
Je n’ai pas perdu la mauvaise habitude que j’avais quand je jouais dans les bars. Après les concerts, ou pendant les pauses, je devenais serveur. A la fin des concerts, quand je suis en forme, je retrouve les gens, je passe la soirée avec eux, des fois je me retrouve à jouer de la guitare chez eux jusqu’à quatre heures du matin. Ca tisse des liens, après ils me reparlent des soirées, c’est marrant. C’est quelque chose que j’aime bien faire, ça donne lieu à des discussions intéressantes, ils me disent quels morceaux ils ont aimés, on parle de livres, de disques.

J’ai vu que tu allais faire des concerts au Zèbre de Belleville fin janvier, pendant presque une semaine. Tu prévois quelque chose de spécial pour ces concerts ?
Oui, on reste une semaine, il y aura des invités, ça va se faire, j’ai quelques idées déjà. J’espère qu’il y aura des nouveaux titres. Il y aura des lectures aussi.

Comme ce que tu as fait à Manosque ?
Oui, mais j’ai continué à le faire depuis, à mettre en musique d’autres textes. Le concert peut parfois durer plus d’une heure et demi. Ces lectures, j’y tiens beaucoup, je me sens à l’aise. Ces lectures à Manosque, c’est ce qui m’a redonné envie de faire de la scène, parce que j’étais dans un creux à ce moment-là. J’ai découvert que j’adorais habiter, dire des textes, et que j’avais très envie de me mettre à la prose, en tout cas en musique. Voilà, c’est une révélation (rires).

Là (fin décembre 2004, ndlr), tu vas faire un break ?
Oui, à partir du 25, pour un mois et demi, mais je vais tourner mon clip, pour "Je n’ai pensé qu’à moi", qui va être le nouveau single.

Ah, comme ça je l’entendrai sur France Bleu Berry Sud la prochaine fois que je rentrerai chez mes parents…
Tu rentres souvent ?

Régulièrement, oui, tous les deux mois environ…
Ah c’est bien. Moi j’y vais assez régulièrement, parfois je reste quinze jours. Toute ma résidence avec la Black Session, je l’ai faite à Lignières. On est resté trois semaines à répéter, c’était génial. Je vais aussi souvent à Gargilesse, j’ai une amie qui a une maison là-bas. C’est un endroit magique. Quand j’ai enregistré, j’avais la maison pour moi tout seul, une très belle maison qui donne sur le château, sur la rivière, avec trois paliers de terrasse sur la rivière. C’était en octobre, mais il faisait beau, je prenais le petit déjeuner sur la terrasse, le soir je dînais à l’Hôtel des Artistes. Mon frère et un autre cameraman sont venus tourner des images pour le DVD, on allait là-bas, je me mettais au piano et on chantait plein de trucs, des merdes, pour se marrer, en buvant de la poire jusqu’à deux heures du matin.

Ton deuxième album, tu penses l’enregistrer au même endroit du coup ?
Non, pas forcément. Je pense aussi le faire dans ce genre de lieu, mais pas forcément dans le Berry. Je pense en tout cas le faire dans un endroit très typé. J’avais pensé le faire près de Lignières pendant un moment, dans un château, le château du Plaix, qui est tenu par des gens que je connais, qui s’occupent d’une association de musique traditionnelle et qui pourraient me le prêter pendant un mois l’hiver. Il y a une petite chapelle, ce serait l’idéal pour faire les choeurs. J’aimerais bien avoir un fil conducteur pour le prochain album, j’aimerais bien qu’il y ait un lien entre les titres. J’ai envie qu’il y ait une histoire, que ce soit comme un roman, avec des chapitres. Ce qui permettra de mêler tout ce que j’aime, des chansons, des instrumentaux, des passages en prose, des textes lus.

Tu as fait des découvertes cette année en littérature ?
Ca fait un peu copinage, mais j’ai beaucoup aimé "Passé l’hiver", d’Olivier Adam, ça a eu un fort écho. Arnaud Cathrine aussi. J’ai relu des choses de Jim Harrison, qui m’ont plu. Je n’ai pas fait tellement de découvertes cette année. J’ai dû passer à côté de certaines choses. Le dernier Paul Auster, je l’ai bien aimé, mais ce n’est pas le meilleur non plus. Le seul truc qui m’a plu, c’est l’histoire de la collection de carnets, parce que je les collectionne moi aussi. Ca m’a vachement parlé cette histoire de couleur, l’idée de choisir son carnet. Ce n’est peut-être pas son meilleur roman, mais ça m’a donné l’envie d’écrire, d’avoir un contact physique avec le papier, et le lendemain je suis allé m’acheter un carnet. J’ai fait beaucoup de rencontres cette année aussi, des gens comme Pierre Bondu ou Dominique A, c’est important aussi.

Tiens, d’ailleurs, qu’est-ce que tu penses de son dernier album ?
Je l’aime beaucoup. Je sais que plein de gens l’ont critiqué. Moi je trouve que c’est une suite assez logique de ce qu’il avait fait avant. Il faudrait peut-être qu’il essaie de moins contrôler ce qu’il fait. Là, il a essayé de lâcher prise, il a fait appel à des stylistes, qui finalement sont peut-être trop précieux par moments. Parfois, il faudrait peut-être que ce soit plus fragile. A mon sens, il ne se sert pas assez sur les albums de ce qu’est Dominique A sur scène, il faudrait parfois enlever une sorte de voile. Il y a une grande émotion dans sa voix, dans ce qu’il raconte, des textes comme "Bowling", "Dans les hommes" ou "Elle parle à des gens" sont de très très beaux textes. Parfois il y a une sorte de pudeur, de peur, peut-être, d’être compris par un maximum de gens. Moi j’adhère complètement à cet album, mais je vois ce qui fait que beaucoup de gens n’y adhèrent pas. Il faut beaucoup de clefs, il faut parfois soi-même enlever le voile, on aimerait que ce soit plus direct, comme peuvent l’être des gens comme Elliott Smith. C’est quelqu’un qui a peur d’être populaire, peut-être parce qu’il recherche une sorte de tranquillité.

Propos recueillis par Guillaume Sautereau
Merci à Florent et à La Fred.

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