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Pascal Comelade – Interview, deuxième partie

PASCAL COMELADE

Interview, deuxième partie

Suite et fin de l’interview de Pascal Comelade. Dans ce deuxième volet, le musicien évoque, entre coups de cœur et coups de gueule, son goût pour les belles pochettes d’album, son rapport à la scène, la contrefaçon japonaise…

Lire la première partie de l’interview.

Pascal Comelade

Quand on est novice, de quoi a-t-on besoin pour rentrer dans l’univers de Pascal Comelade ?
De la compilation que je viens de sortir, « Monofonicorama Best-off 1992-2005 ». Je l’ai conçue principalement pour ça. J’ai aussi ajouté des inédits pour intéresser ceux qui connaissent déjà mon travail. Je l’ai pensée comme un disque normal à écouter du début à la fin. Je mePascal Comelade suis arrangé pour qu’il n’y ait pas deux morceaux similaires. C’est deux ans de boulot pour faire ce disque. Aujourd’hui, ça suffit largement pour rentrer dans mon univers. Si on veut entendre autre chose, il y a aussi le dernier album (« La Mètode de Rocanrol »). Peut-être qu’un jour, on balancera sur internet le vieux catalogue mais la réédition des vieux albums n’est absolument pas à l’ordre du jour. À part l’avant-dernier, il n’y a pas un album que j’aime dans son intégralité.
Sinon, je crois aussi beaucoup à une relance du bel objet qui atterrirait chez les libraires. On est poings et pieds liés au format 15×15 du CD. Je crois beaucoup au retour du disque-objet, à des collaborations avec des plasticiens, des illustrateurs, des imprimeurs en limitant les tirages. Par rapport à ce que je fais et ce qui m’intéresse, c’est évident qu’il faut j’aille vers ça.

C’est déjà le cas avec vos pochettes d’album qui sont toujours très recherchées…
Voilà, mais c’est vrai que ce n’est pas tout le monde qui le dit. Ça aura été le problème de la musique populaire de ces vingt derniers années. Il aura fallu attendre des années pour que dans des musées d’art modernes comme le MACBA à Barcelone, il y ait des expositions de pochettes qui parlent de la relation entre l’art moderne et le vinyle. Il y a quand même des trucs hallucinants : Warhol, le Rauschenberg pour Talking Heads, la série Sol LeWitt pour Philip Glass, Basquiat, etc. Aujourd’hui avec le format CD, on ne peut pas aller très loin. Il faut revenir à ça, évidemment. Je ne dis pas qu’il faut revenir aux vinyles. Il faut aller vers les beaux objets.

Comment trouvez-vous encore du plaisir à faire de la musique avec une pratique musicale aussi figée ? Comment évolue t-elle, si évolution il y a ?
L’histoire de l’évolution, elle est liée au temps qui passe évidemment et aussi au changement de collaborateurs techniques. Je ne vais plus en studio par exemple. L’âge aussi joue énormément, je suis plus relax par rapport à tout ça. Avant je sentais le poids des regards. Je me mettais des freins tout seul. Mais cette idée d’évolution, je ne me la pose pas. Je ne suis pas encore arrivé au disque idéal. Je reste toujours sur ma faim après la sortie d’un disque. Je suis dans une quête mais toujours sur les mêmes schémas. Il y a des périodes où je ne trouve rien et des périodes de frénésie. Tant que ça existe, ça veut dire que je peux continuer. Mais, attention, je ne suis pas dans la posture du musicien contemporain d’avant-garde qui veut inscrire sa propre musique dans l’histoire de la musique. Je n’ai rien à voir avec tout ça.

Ça m’intrigue beaucoup cette notion de faire du spectacle sans vouloir faire de spectacle ?
Le paradoxe c’est que je réalise avec le temps qu’il y a une telle demande de spectacle de la part de tout le monde que quand je monte sur scène, le public a besoin d’un temps d’adaptation pour réaliser qu’il n’y aura pas de spectacle. C’est très palpable. Je sens que ma non-communication crée un manque. J’ai conscience que certains peuvent rester sur leur faim après mes concerts. Mais, on me le dit de moins en moins. L’affaire est entendue ! Quand je monte sur scène, si je me mets à parler, c’est foutu. Il faut que je recommence à zéro. C’est une histoire d’intensité. Je suis là pour faire de la musique uniquement et ça mobilise toute mon énergie.

Vous a-t-on déjà interpellé pendant un concert pour provoquer une réaction ou un échange ?
Oui, bien sûr, et pas toujours de manière très élégante. Et là, ça me casse tout. Je continue à jouer mais je me mets en mode automatique, j’abrège. J’ai qu’une envie, me casser.

Dans ces conditions, comment décririez-vous votre relation à la scène ?
Le fait de monter sur scène, ça a vachement à voir avec la prostitution, quand même. C’est putassier, tu fais de la retape, tu vas chercher le client. Moi, aussi, je monte sur scène, je veux faire connaître ma musique même si je refuse de faire du show. La différence, c’est que je ne mets pas le pistolet sur la tempe des gens en disant que je suis le meilleur. Je suis un peu nombriliste mais pas tant que ça. Je suis dans l’autocritique depuis le début. Parce que quand tu montes sur scène, que tu le veuilles ou non, tu n’es pas dans ton état normal, tu es en représentation. Je suis fasciné par les one man shows pour leur rapport frontal avec toute une salle.

Avec Because Music, quelle est la limite que vous vous fixez ? Qu’est-ce que vous vous refusez à faire ?
Je connais les membres historiques depuis vingt ans. Avec ce que je fais, me retrouver aujourd’hui sans problème dans une maison de disque, c’est du luxe. Je n’ai aucune concession à faire puisque je suis producteur de ma musique, en licence et pas en contrat d’artiste. En revanche, sur l’édition et les propositions de collaborations, on discute, bien évidemment. Si concession, il y a, c’est dans le travail de commande. Je l’ai fait pour des musiques de film, par exemple. Là, j’accepte les contraintes inhérentes à ce type de travail.

Et si vous deviez envisager une nouvelle collaboration, ce serait avec qui ?
Je suis en contact avec Elli Medeiros et Alan Vega, mais il n’y a rien de concret. C’est du genre : « un de ces quatre, je vais t’envoyer trois ou quatre mélodies et tu feras ce que tu voudras avec ». Alan Vega, c’est via des amis communs qui habitent en Suisse et qui ont longtemps été liés à Sonic Youth. Ils connaissent beaucoup de gens de cette époque-là. Oui, il y a peut-être un truc à faire…

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