LEVON HELM – Dirt Farmer
(Dirt Farmer Music / Vanguard Records) [site] – acheter ce disque
Le vieux et vénérable monsieur sur la photo sépia a survécu à tout. Au fait d’être le seul Américain dans un groupe de Canadiens. Aux hordes haineuses de spectateurs, lors des concerts de Bob Dylan, pour son passage à l’électrique au milieu des années 60 (bon, il a surtout survécu en abandonnant rapidement ces tournées, et en étant remplacé par Mickey Jones). Au caractère difficile, du talentueux quoique visiblement dictatorial Robbie Robertson. A un titre en son hommage d’Elton John (tout le contraire de la princesse Diana en somme), il est vrai à une période (l’album "Madman Across the Water") où le gros binoclard savait trousser de fantastiques chansons ("Tiny Dancer", pour ne citer que la plus évidente). Et plus récemment, à un cancer de la gorge, qui l’a rendu pratiquement aphone. La simple existence de l’album de Levon Helm (c’est lui, le grand-père de la pochette), le batteur de The Band (quel nom, hein ?) est donc un véritable miracle.
Mais le miracle ne saurait s’arrêter là (nous sommes aux Etats-Unis), parce qu’entouré du fidèle Larry Campbell (le guitariste de "Love and Theft", quand même), de sa fille (la très jolie Amy) et de la chanteuse Teresa Williams, le brave Levon livre ici, ce qui pourrait tout simplement être le meilleur disque de la première moitié du XXe siècle, et ce en 2008… Respect. En effet, ici foin d’expérimentations sonores, foin d’effets techniques, foin des compositions alambiquées du folk et de la country modernes. Foin donc, ce qui pour un album, qui s’appelle "Dirt Farmer" est plutôt normal (je sais, c’est facile). Les chansons sont pour la plupart des airs traditionnels. Cela sent les veillées au coin du feu, le crottin de cheval, les cliquetis d’éperons, les Stetson, la Bible belt (programme de géographie de la classe de terminale), mais miracle (encore) à aucun moment le crétinisme réactionnaire. Si on veut des influences, on cherchera donc du côté de l’anthologie d’Harry Smith, et de la Carter Family ("Single Girl, Married Girl"), plutôt que de celui de Tim Mc Graw (ce qui n’est pas plus mal).
Enfin (et pour ne rien gâcher, même si là n’est pas l’essentiel), on notera que Levon Helm dédie cette merveille à ses parents, et qu’il a préféré fêter l’anniversaire de son petit fils, plutôt que de se rendre à la cérémonie des Grammy Awards pour recevoir le Grammy du meilleur album de musique folk traditionnel. La famille, y a que ça de vrai…
Emmanuel Beal
False Hearted Lover Blues
Poor Old Dirt Farmer
The Mountain
Little Birds
The Girl I Left Behind
Calvary
Anna Lee
Got Me a Woman
A Train Robbery
Single Girl, Married Girl
The Blind Child
Feelin’ Good
Wide River to Cross