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The Horrors – Primary Colours

THE HORRORS – Primary Colors
(XL / Beggars) [site] – acheter ce disque

THE HORRORS - Primary ColorsDe "La Guerre des Mondes" de H. G. Wells à The Good, The Bad and The Queen. De "28 jours plus tard" de Danny Boyle aux romans de J.G. Ballard. Dans l’imaginaire collectif, Londres et cet angoissant sentiment que la fin est proche, ont souvent fait bon ménage. Beaucoup d’oeuvres et d’artistes londoniens ont effectivement évoqué une Angleterre sombre, malsaine et au bord du gouffre. Le dernier album de The Horrors s’inscrit dans cette belle lignée d’oeuvres qui savent flairer leur époque.
Après leur découverte à la fin de l’année 2005, qui aurait parié sur ce groupe de branleurs bien décoiffés, déguisés en marionnettes gothiques et dont le moindre geste était relayé par les tabloïds anglais ? À l’époque de leur premier album ("Strange House", 2007), The Horrors jouaient un rock garage-punk fortement inspiré par les Cramps, allant jusqu’à utiliser des pseudos tels Faris Rotter ou Coffin Joe comme à la grande époque du psychobilly. Outre certains aspects grotesques, comme ces postures d’écorché-vif prises par le chanteur tête à claque Faris Badwan, une série de concerts marquants avait doucement évacué les premières moqueries. Ce n’est pas que le groupe était foncièrement mauvais. Mais plutôt trop caricatural pour être pris au sérieux, trop anecdotique pour susciter l’intérêt.
Aujourd’hui avec "Primary Colours", les cinq Londoniens ont laissé au placard (ou plutôt au garage !) leurs parfaites panoplies gothiques pour arborer les couleurs primaires du post-punk et du shoegaze. Celles-ci sont toujours très sombres mais d’un noir bien plus brut que sur leur album précédent. Magnifiquement produit par Geoff Barrow (membre de Portishead), le son est également plus puissant et la voix de Faris Badwan, plus profonde, se situe entre Ian Curtis et Nick Cave. Dès le vertigineux "Mirror’s Image" et son intro crépusculaire, le clavier tout en spirale et la rythmique implacable annonce cette sensation de catastrophe imminente qui plane au-dessus de l’album. Toujours très référencé – mais peut-on vraiment leur reprocher cela après tout ? – il est impossible de ne pas évoquer Joy Division à l’écoute de "Who Can Say", "Scarlet Fields" et "I Can’t Control Myself". Au beau milieu de ce magistral "Who Can Say", il y a également d’autres références. Deux énormes clins d’oeil : "She Cried" de Jay and the Americans, et la mythique intro du "Be My Baby" des Ronettes, usée jusqu’à la moelle par bon nombre de groupes dont les Jesus and Mary Chain en tête. L’influence des Écossais, mais aussi celles de My Bloody Valentine et de Spacemen 3, se fait également ressentir sur la plupart des chansons. Comme sur ce "Three Decades", où les guitares sursaturées recréent le même flou que celui de la pochette, et où la voix lointaine de Faris – plus grave que dans les habituelles productions shoegaze – fait écho à l’urgence de nos temps de crises. Enfin, il y a ces deux ovnis, deux longs morceaux hypnotiques, d’un noir absolu. Le premier, "I Only Think of You", convoque à la fois le Velvet Underground et Joy Division, une fois de plus. En effet, il est certain que John Cale n’aurait pas renié cette complainte au romantisme exacerbé avec sa boucle de violon en spirale. Le second est le final sublime, l’apothéose de "Primary Colours", le dernier soubresaut avant le chaos : "Sea Within a Sea". Soutenue par une batterie métronomique, guitares perçantes et nappes de claviers se relayent pour faire monter la tension et susciter une sensation oppressante et inquiétante d’étrangeté. Au regard du clip, on comprend que The Horrors a pris une autre envergure. Leur esthétique fait alors penser au Pink Floyd de Syd Barrett, au Velvet ou aux Jesus and Mary Chain, pour la flamboyante noirceur dont ils font preuve. Au final, le groupe aurait pu se perdre dans ce flot d’influences mais leur maîtrise et leur maturité acquise leur permet d’assurer avec de très bonnes chansons. Sombre, violent et angoissant, "Primary Colours" est ni plus ni moins le disque parangon de notre époque troublante.

Sébastien Jenvrin

Mirror’s Image
Three Decades
Who Can Say
Do You Remember
New Ice Age
Scarlet Fields
I Only Think of You
I Can’t Control Myself
Primary Colours
Sea Within a Sea

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