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Concerts

Soirée Ici d’Ailleurs – Paris, La Maroquinerie, 6/10/2009 : Matt Elliott, Chapelier Fou, Orka (avec Yann Tiersen)

SOIRÉE ICI D’AILLEURS – Paris, La Maroquinerie, 6/10/2009 : Matt Elliott, Chapelier Fou, Orka (avec Yann Tiersen)

Surtout connu pour avoir lancé la carrière de Yann Tiersen, le label nancéen Ici d’Ailleurs affiche depuis sa création en 1997 un catalogue pour le moins varié : pop, chanson, folk, electronica (sur la sous-division 0101), musiques dites nouvelles, noise, parfois tout cela mélangé… L’une des dernières sorties, un superbe album de reprises du groupe Coil par le collectif This Immortal Coil (rassemblant des artistes signés ou non sur le label), symbolise bien cette ouverture d’esprit et cette ambition. La récente soirée programmée à la Maroquinerie, avec Matt Elliott, Chapelier Fou et Orka, aura également prouvé que des musiques patiemment élaborées en studio pouvaient brillamment passer l’épreuve de la scène.

Matt Elliott

On est arrivé pour le dernier morceau de Matt Elliott. Heureusement, celui-ci durait dix bonnes minutes et était à proprement parler inouï. L’Anglais joue d’abord quelques paisibles arpèges de guitare acoustique, puis lance plein pot une rythmique digitale accidentée (dans le style de son projet Third Eye Foundation), ajoute un peu de guitare électrique, avant de sortir des flûtes d’allure orientale et de déclamer d’obscures paroles. Tout est samplé, mis en boucle, superposé, déformé, jusqu’à ne plus former qu’une pâte sonore insaisissable, qui finit par se désagréger en une longue coda bruitiste. Très fort.

Chapelier fou

C’est un autre homme seul pratiquant l’autosampling qui lui succède : le Français Chapelier Fou qui, avec seulement un EP à son actif, commence déjà à faire beaucoup parler de lui – Julian et Mickaël, nos envoyés spéciaux aux Eurockéennes cet été, avaient été totalement conquis par sa prestation. Allure juvénile et silhouette de hipster à la John Lurie circa ’84 (il porte le chapeau, bien sûr), le Messin jongle entre violon, guitare électrique, claviers et machines. On pourrait décrire sa musique comme un mélange d’Andrew Bird, Yann Tiersen et DJ Shadow, mais ce serait un peu réducteur. Chapelier Fou a déjà un vrai univers, où se mêlent de façon très empirique réminiscences du conservatoire, goût pour l’électronique de pointe et sens de la mélodie pop. Un univers dans lequel on ne rentre qu’au bout de quelques morceaux, mais où l’on se sent vite très bien. A suivre de près.

Orka

Généralement, on parle des îles Féroé quand l’équipe de foot locale joue contre la France (qui, pour une fois, est à peu près sûre de l’emporter). Mais ce département danois – bénéficiant d’une grande autonomie – a aussi des groupes de rock. Enfin au moins un, et qui est en fait aussi peu rock que Matt Elliott et Chapelier Fou : Orka, dont Ici d’Ailleurs a sorti l’album en France. On en avait parlé dans notre compte rendu des dernières Transmusicales, la formation se produisant à l’Aire libre dans le cadre d’une mini-résidence. Outre son relatif exotisme, elle avait attiré l’attention grâce à un invité de choix : Yann Tiersen. Le Breton et les Féroïens se sont visiblement bien entendus, et ont décidé de poursuivre leur collaboration scénique. Et Orka, sur scène, c’est quelque chose…

Dans la lignée de groupes de la mouvance industrielle comme Einstürzende Neubauten, Test Department ou Savage Republic, les insulaires utilisent des instruments peu conventionnels : meule, tonneaux métalliques, bouteilles en plastique remplies d’eau… Le "violon" de Tiersen est un bout de bois avec des cordes, la "contrebasse" est fabriquée sur le même modèle (mais là, c’est carrément un tronc). Quand il ne triture pas son étrange instrument, l’auteur du "Phare" est penché sur un rack de pédales d’effets grand comme une table de cuisine ; loin des mignardises d’"Amélie Poulain", il peut ainsi laisser libre cours à ses pulsions bruitistes et expérimentales. Parfois, c’est un peu pénible (on aurait pu se passer du long rappel), mais ce grand écart entre folklore immémorial et pulsations des machines est le plus souvent fascinant. Des moments d’une grande intensité, portés par des percussions tribales, alternent avec des passages plus calmes et dépouillés, souvent magnifiques, mettant en valeur la voix de la chanteuse, proche de celle de Björk. Pendant une heure, Orka et Yann Tiersen nous auront vraiment emmenés… ailleurs.

Texte : Vincent Arquillière
Photos : Marie Gallic

Merci à J.-P. Béraud

 

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