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The Magnetic Fields – Realism

THE MAGNETIC FIELDS – Realism
(Nonesuch) [site] – acheter ce disque

THE MAGNETIC FIELDS - RealismDifficile d’écouter les Magnetic Fields sans entendre l’ironie de son mentor Stephin Merritt, et sans s’émerveiller des cathédrales pop qu’il construit. Après le titanesque "69 Love Songs", triple album sorti chez Merge en 1999, les rois de la pop de chambre clôturent leur triptyque chez Nonesuch par un prétendu retour au réel. "Realism" succède donc à "I" (2004) – composé, rappelons-le, de titres démarrant par ledit pronom – et à "Distortion" (2008), dont il est la face inversée, aux dires de Merritt lui-même qui aurait voulu que les deux albums s’intitulent "True" et "False" mais sans pouvoir déterminer lesquels. La multiplication des chœurs et des voix féminines (une des surprises de l’album) laisse penser que "Realism" serait un envers féminin de "Distortion", comme le suggèrent les silhouettes sur les pochettes.

Annoncé comme "l’album folk" du groupe, doté d’une instrumentation incroyablement riche (des bouzoukis, des bongos et des banjos, des accordéons et des tubas…) "Realism", à l’inverse du saturé "Distortion", semble être enregistré en plein air sans amplification. Pourtant il a été entièrement produit en studio dans les alentours de Los Angeles, contrairement au précédent album gravé depuis l’appartement new-yorkais de Merritt. Les deux respectent la consigne du triptyque : pas de synthétiseurs.

Si "Realism" s’inspire de façon évidente d’un folk psychédélique de la fin des années 60-70, il déjoue les attentes d’une oreille formée chez Dylan pour traverser l’Atlantique. C’est à Judy Collins que Stephin Merrit a emprunté l’hétéroclite folklore britannisant. Les compositions mêlent variété populaire, écriture orchestrale et théâtralité… Tout y passe : polka dadaïste, musique précieuse de boîte à poupées ("Dolls Tea party" ou "Painted Flowers"), même le traditionnel chant de Noël ("Everything Is One Big Christmas Tree"). Mais rien n’échappe aux consignes ironiques, bien sûr ! Le refrain du chant de Noël est en allemand, la hootenanny ("We Are Having a Hootenanny" – performance groupée folk qui fleurit dans le Greenwich Village des années 1960) est enthousiaste et sonne comme une marche turque…

Du cruel "You Must Be Out of Your Mind" au berçant – jusqu’à la nausée – "From a Sinking Boat", en passant par le presque absurde et déchirant "I Don’t Know What to Say", les textes rappellent que, derrière les apparences, le monde réel est bien plus torturé qu’il n’y paraît. Et qu’il existe d’insondables sensibilités comme celle de Stephin Merritt pour le mettre en musique, au risque de se perdre dans les méandres de leur très soupçonneuse ironie.

Stephan Éloïse Gras

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You Must Be Out of Your Mind
Interlude
We Are Having a Hootenanny
I Don’t Know What to Say
The Dolls’ Tea Party
Everything Is One Big Christmas Tree
Walk a Lonely Road
Always Already Gone
Seduced and Abandoned
Better Things
Painted Flower
The Dada Polka
From a Sinking Boat

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