HOT CHIP – One Life Stand
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Quel démon m’habite ? A mesure que je lis la presse dithyrambique sur un groupe (que j’apprécie, par surcroît), pourquoi lentement me vient l’idée que ce n’est pas si bien que ça, que tout le monde exagère comme à l’ordinaire, vil contradicteur que je suis ? L’expérience récente s’est présentée avec le nouveau Hot Chip. Un coup d’oeil aux archives m’a appris que POPnews n’avait jamais traité leurs disques. Je m’y colle donc, la bouche en coeur. Rappel des épisodes précédents : cinq Anglais ressemblant à pas grand-chose inventent, il y a quelques années, une électro lo-fi tout en petits bouts de rien, qu’ils engraissent doucement, année après année, jusqu’à signer deux ténias à oreilles ("Over & Over", "Ready for the Floor"). Aidons le néophyte : Hot Chip, c’est un coeur d’agneau new-wave qui languirait après un méchoui de musiques noires, Jimmy Sommerville se prenant pour Prince sous la haute bénédiction de Robert Wyatt. Plus clair ? Non ? Bon, prenons "One Life Stand" qui fait se pâmer des quatre côtés de l’Atlantique (je compte l’Arctique et l’Antarctique, les pingouins dansent encore sur "Boy From School"). Indubitablement, c’est un bon disque, si l’on se réfère à notre règle des trois morceaux. Ceci dit, y a-t-il vraiment de quoi déchirer ses vêtements en se roulant par terre d’extase ? Non. Hot Chip garde toujours cette patine curieuse qu’il doit à ses instruments vintage et à son déhanché pudique. Mais le groove de Hot Chip, comme les anges, n’a pas de sexe ; on bouge parce qu’on est une petite fleur romantique (les pics euro-dance "We Have Love" et "Thieves in the Night"). Au fond, cette singularité appréciable devient vite un handicap quand les BPM se calment. Et de fait, les ballades de Hot Chip sont rarement convaincantes. "One Life Stand" en aligne trois tout à fait empruntées et inopérantes, version électro ("Brothers"), soul ("Slush") ou funk ("Alley Cats"). Des flèches molles d’un Cupidon qui rate sa cible. La fixation amoureuse qui constitue le premier sujet des Anglais semble bloquée sur la phase adolescente : rêves d’union et de pureté. "Aime-moi pour ce que je suis au fond, pas pour ce que je montre" : des tenues volées aux poubelles de puces bulgares, des airs de communiant formolé (Alexis Taylor, le haut perché) ou de bibendum exponentiel (la basse Joe Goddard, qui prend dix kilos par album). Quelque chose de malade travaille Hot Chip sans trouver d’exutoire autre qu’une naïveté de bien mauvais aloi. C’est là qu’on a envie de fesser la vox populi qui en fait un parangon de danse mélancolique. Ce soi-disant supplément d’âme (Ella, elle l’a ?), au lieu d’être combattu par le groupe, devient son plus grand handicap sous couvert de marque de fabrique. Est-il loisible de rejeter ce que tout le monde semble aimer ? Condamné au mièvre catchy, Hot Chip ose rarement retrousser les babines, et c’est dommage (le furieux, à leur échelle, "Bendable Posable" sur "Made in the Dark", "Take It In" sur "One Life Stand") On enrage un peu car ce groupe n’a toujours pas enregistré le grand disque qui lui semblait promis, et "One Life Stand" plafonne une fois de plus au B alors que le A était à portée. "Maybe the next time, baby".
Christophe Despaux
Thieves In the Night
Hand Me Down Your Love
I Feel Better
One Life Stand
Brothers
Slush
Alley Cats
We Have Love
Keep Quiet
Take It In