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M83 – Hurry Up, We’re Dreaming

M83 - Hurry Up, We’re Dreaming

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Anthony Gonzalez, le petit prince shoegaze validé à l’export a-t-il révolutionné le double-album concept avec « Hurry Up, We’re Dreaming » ou commis une grosse chose épique, épique et colégram ?

La parole est à l’accusation !

« Depuis toujours, M83 court après ses idoles, My Bloody Valentine, Cocteau Twins, aujourd’hui les Smashing Pumpkins. Refaire « Mellon Collie  » en 2011, sur fond d’adolescence fantasmée, est tout à fait superfétatoire, pour ne rien dire de ce son de stade multi-couches qui rappelle le pire des années 80 : quand même, « Claudia Lewis » avec cette basse slappée à la Level 42 et ce refrain Toto ! Et « Midnight City », que j’entends déjà mon contradicteur qualifier de « grand single », on dirait du Laura Branigan gonflé aux hormones jusqu’à l’indispensable saxo à la fin. On pinaille sur des détails, mais l’enjeu du double-album redonde et patine à la fois : une face chacune pour les frère et soeur de la pochette, heureusement que la maman n’a pas accouché de quadruplés ! En plus, le séquençage est d’une naïveté extraordinaire puisque les deux « siblings » éprouvent les mêmes émotions dans la continuité, d’où rock pompier, ballade tristouille et instru vaporeux disposés aux mêmes endroits des deux faces, bonjour la surprise ! On appelle ça un effet-miroir… Miroir aux alouettes, oui ! »

Bien noté. Qu’a à dire la défense ?

« Plein de choses, Votre Honneur ! Permettez que je pointe l’usage du terme « séquençage » dans la bouche du procureur auto-désigné : cela pointe un certain âge, bien pesé ; nous dirions de notre côté « tracklisting », mais bon… Il est clair que M83 n’est pas le groupe le mieux désigné pour faire monter des frissons à un auditeur qui scrute l’andropause de son mât de misaine en fredonnant du Leonard Cohen, du Shannon Wright ou même Bonnie « Prince » Billie Jean (permettez que je me signe). Non que je fasse du jeunisme, loin de moi, cette idée. Il y a juste que « Hurry Up, We’re Dreaming » capture incroyablement bien ce qu’on peut appeler la magie de l’adolescence. C’est un disque plein de rêves, ils débordent littéralement. Et parmi ces rêves, un ou deux cauchemars, « Wait » et « Splendor » qui évoquent la peur de la solitude, de l’abandon. Je veux bien qu’on renâcle devant « Wait » en criant à la grandiloquence (quoique l’adolescence est grandiloquente !), mais « Splendor » est splendide, il pourrait figurer sur « Ava Adore », le plus beau Smashing Pumpkins, groupe qu’il est de bon ton d’haïr (ce sont les Yes d’aujourd’hui) alors que leur discographie n’est pas univoque d’horreur. Prenons de la hauteur – mais pas jusqu’au mât de misaine. Avec « Hurry Up », Anthony Gonzalez réussit la synthèse de tous ses albums : l’ancrage teen de « Saturdays=Youth » heureusement débarrassé du côté twee-pop qui le rendait indigeste, les guitares traitées de ses albums « Valentine » – non plus la base, mais le condiment de compostions en expansion – et son côté ambiant à la « Digital Shades » exprimé dans de belles vignettes instrumentales qui font respirer l’ensemble. Le son qui fait rager notre ami soupe-au-lait est celui qui fleurit partout aujourd’hui ; mais alors que ces restes de disco-gloss new-wave sont compressés jusqu’au barbouillement chez Toro Y Moi, Neon Indian ou autre funkinet d’aspirateur, Anthony Gonzalez les dilate jusqu’à l’explosion. De ce point de vue-là, « Hurry Up » est la carte de France la plus énorme qu’on entendra cette année. »

Bien noté, il est temps de faire la synthèse façon François-Martine. En mon âme et conscience, j’ai écouté « Hurry Up » avec attention, et c’est vrai que de prime abord, la pompe assomme un peu (sans vider de surcroît). Mais, à l’usage, ce disque m’apparaît moins vulgaire qu’au hasard le dernier Bon Iver qui importe en contrebande des sons décriés d’un espace-temps fort éloigné de lui pour les plaquer sur son vague-à-l’âme rototo. Le saxophone de « Midnight City » s’inscrit parfaitement dans cette recherche d’un idéal pop-FM années 80 que poursuit Gonzalez, alors qu’un morceau comme « Beth/Rest » sur l’album de Vernon me semble absolument indéfendable. Mais je n’ai pas à statuer sur cette chose, Dieu m’en garde ! Revenons à nos moutons : dans le fond, « Hurry Up » est peut-être exagérément gonflé, à tous les sens du terme. Il est trop tôt pour savoir s’il vieillira bien, mais je rajeunis à son écoute : les guitares Simpleminds/U2 de « Reunion » me sont comme un baume au coeur, j’ai dix-sept ans à nouveau, sans besoin pour cela d’enfourcher un skate ou de flirter avec des vierges boutonneuses. Et « Steve Mc Queen », avec cette pyramide de synthés se grimpant les uns aux autres comme des ménades ivres, c’est tout simplement le morceau le plus galvanisant de l’année, à cette date d’octobre, non ?  Aussi Anthony Gonzalez est acquitté et toute personne me contrariant devra écouter « Hurry Up, We »re Dreaming » sous surveillance policière jusqu’à ressentir les mêmes effets que votre serviteur. Dont acte !

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