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Disques

Jack White – Blunderbuss

Jack White - Blunderbuss

Devinette : c’est l’histoire d’un garçon qui se prenait pour l’as de pique mais n’était que le valet. Ses dames en allées, la pique et la coeur, il s’entoure et se livre comme jamais. Qui ? Jack White. Quoi ? « Blunderbuss », premier projet solo d’un homme de duos, trios, quatuors, virtuose virtuosant de la guitare, sorcier analogique, compulsif obsédé par le blues, les racines, le terreau suintant de l’Amérique. Le crédit dont il jouit en fait l’une des figures récentes les plus surprenantes et identifiées du rock, l’équivalent dans son domaine d’un Tim Burton ou Johnny Depp. Et malgré tout ça, nous restons à l’extérieur de « Blunderbuss », monstres néo-gothiques que nous sommes. Pourquoi ? Comment ?

Revenons aux White Stripes, ce petit groupe de banlieue colorée grandi sur une philosophie du primaire et un tube accidentel, le pénible « Seven Nation Army » rendu encore plus irritant par l’usage démesuré qu’en firent les conglomérats semi-humains des stades et de la télé-réalité (« POOO PO-PO-PO-PO-PO POOO »). Les « rayures à Jack » bigarrées, chamarrées, ce qu’on veut, offraient toujours au moins deux innocents moments de charme par album. Qu’importait alors la limitation du format guitare-batterie, les efforts paroxystiques de White pour se renouveler (piano, mariachi, son gonflé à l’hélium), et sa voix mi-ressort, mi-trompe de brume : un éclat cassant d’enfance nous rentrait dans le pied, mais l’on ne saignait même pas à se délecter de l’indépassable « Fell In Love With A Girl » ou d’un Led Zep de maternelle (« Girl, You Have No Faith In Medicine », personal favourite, permettez…).

Et voilà que Jack White, comme son compère du haricot magique, a voulu monter pour voir plus haut. Groupes-accessoires hystériques ou plats (Dead Weather, Raconteurs), production Pliz de vieilles gloires (Loretta Lynn, Wanda Jackson), dernier album des Stripes totalement dispensable (« Icky Thump »), la rentrée dans le rang s’est faite d’elle-même, autre nom du succès.

Aujourd’hui, « Blunderbuss », sage et varié, exhibe les nombreuses cordes à son arc : duo country, blues « comme là-bas, dis ! », power-ballades fétichisées, on en passe. Et le néophyte que nous sommes, rien qu’au son, de sentir les instruments de valeurs collectionnés, chéris, bichonnés comme des maîtresses, le groupe au taquet, dents longues, ray-bans virtuelles ou pas sur le nez. Un CV vivant, une forme de mort dont n’émergent guère que « Sixteen Saltines » hanté par le fantôme de Meg White, et la rythmique mille-pattes de « Freedom at 21 ». Le reste embaume le Rock’n’Roll Hall Of Fame et les repas de gala avec Bon Jovi ou Aerosmith (où il aura quand même une meilleure table). J’anticipe peut-être, mais ne pas oublier : le valet de pique apporte les mauvaises nouvelles.

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