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Concerts

Festival des Inrocks – Paris, Tourcoing, Nantes

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La 26ème édition du Festival des Inrocks a comme à son habitude fait la part belle à de nombreux jeunes musiciens (Breton, London Grammar, Laura Mvula, Suuns, Gessafelstein…), promis à coup sûr pour quelques-uns d’entre eux à un avenir radieux. Avec, comme toujours dans cette programmation ambitieuse, la présence d’un ou de plusieurs groupes aînés : après Pulp, c’est Suede et sa brit pop virevoltante qui occupa à merveille ce rôle de passeur (entre Bowie et les nouvelles générations anglo-saxonnes) cette année.

Notons qu’en plus des traditionnelles scènes parisiennes, le festival a fait son retour à Bordeaux dont il était absent depuis 2004, tout en quadrillant assez bien le territoire national avec des concerts à Tourcoing, Nantes, Nancy et Toulouse, le concert de Caen ayant été malheureusement annulé. Petit parcours sélectif, en 3 étapes, 3 villes et 3 jours, et comptes-rendus pour quelques-unes de ses têtes d’affiche.

 

Vendredi 8 novembre – Lucius, Jacco Gardner, Valerie June. Le Grand Mix, Tourcoing.

La plus grande surprise de cette soirée au Grand Mix de Tourcoing fut pour moi le premier groupe, Lucius, venu de Brooklyn. Composée de trois garçons et de deux filles hyper charismatiques au look très étudié, cette formation enthousiaste qui puise dans la pop américaine sophistiquée des années 60 et 70 m’a éblouie. L’atout majeur de la formation américaine est sans hésiter ce duo féminin gémellaire (même robe, même coupe de cheveux) qui centralise l’attention du public. Leurs titres « Turn it around » et « Don’t Just Sit There » séduisent d’emblée. Une excellente découverte pleine de promesses.
Autre ambiance avec le jeune chanteur néerlandais Jacco Gardner et ses quatre musiciens. La salle écoute sagement la voix du jeune homme et sa musique aérienne, fortement inspirée par la pop baroque et psychédélique. « On croirait entendre un mélange de Tame Impala et Electric Guest », me souffle-t-on à l’oreille. C’est un peu l’idée. Le tout fut bien joli mais je dois avouer que le jeune homme manquait un poil de charisme, et que j’ai fini par m’ennuyer sur la fin du set.
Venait ensuite le tour de la tête d’affiche de la soirée : Valérie June. A peine arrivée sur scène, elle en impose déjà avec sa cascade de cheveux digne d’une Gorgone. Et soudain, elle commence à chanter avec pour seul accompagnement quelques notes de guitares et une choriste discrète. Quel beau moment ! Ce morceau d’ouverture est d’un minimalisme et d’une délicatesse rares. Toute la salle est suspendue aux lèvres de l’Américaine. Nous voilà un peu plus du côté du blues. Envoûtante, Valérie June nous offre un set très élégant qui se déroule tranquillement. Même si ce n’est pas mon style de prédilection, je n’ai pas vu le temps passer.

Ce fut donc une très belle soirée pleine de découvertes. Le public sort de la salle sous la lourde pluie lilloise, mais avec un grand sourire sur les lèvres.

Samedi 9 novembre – Young Fathers, Papa, These new Puritans, Suuns. Stereolux, Nantes.

Foule des grands soirs à Stereolux en ce samedi pluvieux, pour la deuxième soirée nantaise du Festival. Soirée où le déluge n’est pas seulement climatique – des trombes d’eau s’abattent à peine franchi le seuil de la salle -, mais aussi sonore. Car ce qui marque, c’est avant tout une balance pour le moins approximative, rendant toute prestation à la limite de l’audible.

Les Californiens de Papa et leur batteur-chanteur n’en ont cure et débarquent avec décontraction. Un premier titre furieusement efficace, bien servi par un orgue qui arrondit les angles et assure une qualité mélodique à l’ensemble. Si le groupe parvient à faire mouche sur deux ou trois morceaux, il manque nénamoins un supplément d’âme à des compositions somme toute assez scolaires, à l’image d’une reprise monocorde et manquant singulièrement de souffle du « Because the Night » de Patti Smith. Fermez le ban.

Quelques minutes après la sortie des Américains, les These New Puritans joueront eux dans une autre division, et une toute autre dimension. Sept musiciens concernés qui interprètent de manière puissante plusieurs titres de leurs trois albums, parfois de manière approximative, comme sur « Attack Music » et « We Want War », moyennement convaincants. D’une voix blanche, dans un état de transe proche de celle de Robert « 3D » Del Naja de Massive Attack, Jack Barnett atteint pourtant quelques sommets, porté par un groupe au diapason. Celui qui est peut-être le plus singulier des groupes anglais actuels apparaît comme la réunion des contraires, entre les silences, les dissonances et les montées orchestrales élaborées avec précision. Le groupe nous emporte assez loin dans son univers duel, avec un final à couper le souffle, assurément l’un des titres de l’année, schizoïde et vénéneux, « Field of Reeds », qui donne son titre à l’album qui l’est tout autant, sorti avant l’été.

Pour finir la soirée de manière tout aussi radicale, les Canadiens de Suuns joueront à leur rythme, bruitistes et habités, les titres d' »Images du futur », avec une conviction jamais démentie. En déconstruisant la pop song avec son riff obsédant, « 2020 » est un modèle du genre. Et si le groupe semble à ce jour souffrir de certaines limites mélodiques, son évolution sera à coup sûr digne d’intérêt. Un groupe en devenir, à l’image sans nul doute de la ligne de toujours du festival. Une soirée qui se conclut par des promesses.

Lundi 11 novembre :  Teleman, Temples, Suede. La Cigale, Paris.

Suede à la Cigale

Le 11 novembre, on allait voir les anciens combattants de Suede à la Cigale en espérant simplement nourrir un peu notre nostalgie britpop. On est finalement reparti avec la sensation d’avoir rajeuni de vingt ans et d’avoir assisté à un concert exceptionnel. Pas déméritantes, les deux formations débutantes servies en apéritif, Teleman et Temples, paraissaient sages et presque arthritiques en comparaison. Et pourtant, Suede démarre en douceur, par un “Still Life” dépouillé et acoustique. Suivent deux morceaux du nouvel album, pas mauvais, avant que ne commencent les choses sérieuses, soit une succession de tubes impérissables qui mettent le feu à la salle, remplie de fans français et britanniques (garantie d’une ambiance très chaude).

Tandis que le groupe assure, offrant un son à la fois clair et puissant, Brett Anderson fait le show, ne s’économisant pas, ainsi qu’en témoigne sa chemise trempée de sueur et déboutonnée comme aux plus beaux jours. Pour “The Drowners”, premier single publié, et l’un des sommets de leur discographie, il descend carrément dans la fosse, au milieu des groupies des deux sexes qui chantent les paroles avec lui et le touchent comme s’il venait de ressusciter. C’est ridicule, c’est sublime. “The Two of Us”, l’un des chefs-d’œuvre de “Dog Man Star”, est livré dans une version belle à pleurer.  Après une heure intense, les Anglais reviennent pour un bref rappel  : “She’s in Fashion” tenté et réussi dans une version acoustique inattendue (un coup d’œil aux setlists de la tournée montre qu’elles varient sensiblement chaque soir, le groupe aimant offrir des morceaux rares et d’autres surprises : classe), puis “New Generation” qui vient clore superbement cette prestation de très haute volée.

 

Les trois chroniqueurs : Camille Grumellon à Tourcoing, Hugues Blineau à Nantes, Vincent Arquillière à Paris.

 

 

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