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Disques

Swans – To Be Kind

Swans - To Be Kind 

Depuis une trentaine d’années, l’écoute intégrale d’un album de Swans requiert une abnégation certaine, un sens de l’investissement personnel suraiguisé ainsi qu’une infinie patience. Surtout depuis que la durée des enregistrements de la géniale équipe de Michael Gira s’est considérablement étirée, à compter de la parution du saisissant « The Seer » (2012), avant-dernier album en date et deuxième volet d’une (involontaire) trilogie débutée au terme de douze années de silence avec « My Father Will Guide Me Up a Rope to the Sky » (2010).

Son triptyque parfait des années dix se voit donc dûment complété en cette année 2014 avec deux grosses heures de feu d’artifice maîtrisé, parsemé ici d’un mantra du plus bel effet (« Some Things We Do », cinq minutes d’apaisement sous forme de fausse piste, plus proche du Styx que de l’Eden) et là d’une hypnotique sorte de post-punk très « free », sans équivalent, dansante et presque groovy à partir de la seconde moitié (« She Loves Us », machine infernale de dix-sept minutes impossible à zapper). Parmi les indépassables sommets de ce gargantuesque triple album vinyle, l’hommage inattendu adressé à Toussaint-Louverture, homme politique ayant joué un rôle crucial de chef dans la révolution haïtienne survenue à la fin du dix-huitième siècle, résonne de manière inédite sur un épique morceau de trente-quatre minutes extrêmement riche en sueurs froides (« Bring The Sun/Toussaint L’Ouverture »).

Bien entendu, on n’omettra pas de mentionner l’impressionnant « Oxygen », qui échappe totalement aux grilles de lecture stylistique (punk, rock, metal…), tant « le style Swans » ne ressemble qu’à lui-même, et dans lequel on finit même par ne plus reconnaître certains instruments, ce qui en dit long sur l’éternel brio du sexagénaire et de ses brillants collaborateurs, capables d’aller là où bon leur semble, lorsqu’ils le désirent.

 À croire que ces oiseaux anatidae savaient déjà quelle direction ils allaient prendre dès 1983 (année de parution de l’album inaugural « Filth », qui débute par le prémonitoire « Stay Here ») sur cet immense lac, inquiétant et séduisant à la fois. Car n’oublions jamais qu’un cygne, c’est méchant et majestueux à la fois, à l’image de ce que la troupe nous donne à entendre depuis trois décennies.

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