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Disques

Motorama – Poverty

 Motorama - Poverty

On avait découvert Motorama grâce au superbe « Calendar« . Il s’agissait pourtant de leur second format. Un an après, Talitres, le label bordelais des Russes de Rostov-sur-le-Don, rééditait leur première autoproduction « Alps ». La pochette de « Calendar » représentait une embarcation d’une dizaine d’hommes sur un lac au milieu de montagnes. Avec « Poverty », c’est un autre tableau que Motorama donne à voir, dans une nuance de noirs que Pierre Soulages ne renierait point. 

A l’écoute de la musique de Motorama, il est tentant de surfer sur la vague des traditionnels qualificatifs employés pour trouver des successeurs à la cold-wave anglaise des années 80. Incipit utile à ce qui va suivre, la chronique de « Calendar » permet de référencer les influences du groupe. Leur oeuvre est synonyme d’univers unitaire, un antre qui s’apprivoise un peu plus à chaque écoute, dont aucun titre ne peut se revendiquer single. Difficile de préférer une piste plutôt qu’une autre car c’est l’album dans son ensemble qui nous enveloppe. Avec neuf titres pour une demi-heure, « Poverty » s’écoute en une pièce sans zapper mais de façon répétée. La filiation avec Joy Division est peut-être à chercher dans la noirceur des textes de Vladislav Parshin et sa bande, sur lesquels ne pas s’attarder serait passer à côté de l’étendard « No future », qui touche notre corde sensible.

L’album s’ouvre sur « Corona » : passé l’introduction, une rythmique continue de batterie se fait rejoindre par le clavier qui s’adonne alors à une course opposant deux corps fébriles, avançant sans but dans une vie sans fin, un éternel recommencement d’une existence dans laquelle on ne sait où réside notre planche de salut. Il y a comme une transition avec « Dispersed Energy » où la batterie de Roman Belenky est cette fois en retrait des claviers d’Alexander Norets. Mais quel peut bien être le papier peint dans la tête de Motorama évoquant un air pourri d’une odeur de cheveux brûlés dans une foule de corps sales ?

On pourrait trouver « Red Drop » plus allègre tant l’association des instruments est enjouée et parfaitement équilibrée. Guitare, clavier, basse, batterie se font distincts pour mettre en musique un corps pourtant aliéné, aveuglé. « Heavy Wave » s’inscrit dans un même tempo, une introduction d’une vingtaine de secondes avant de dérouler le fil d’une chanson à la structure linéaire. Inutile de chercher des couplets et refrains, Motorama cisèle une prose homogène. Cette vague amère en est le plus bel exemple. « Heavy wave is coming – Heavy wave on the way – Heavy wave from immense loss – Heavy wave from a weird dream » avant de répéter inlassablement pendant la dernière minute « Forever Alone ».

« Impractical Advice » s’offre une introduction de plus d’une minute mais constitue la clé de voûte pour comprendre de quelle « Pauvreté » il s’agit. Car le conseil qui suit est celui d’une quête intérieure, celle du dénuement, d’une vision dépouillée de la vie, à l’image de la musique du groupe, minimale et réduite à sa valeur intrinsèque. 

Avec « Lottery », on joue sa vie à la roulette, en tournant le globe terrestre, en y pointant du doigt le lieu où il s’agira de mourir, entre blancheur et noirceur infinies. « Old » pourrait symboliquement se placer en amont pour décrire le cheminement dans le couloir de la mort, celui consistant à consumer la vie par les deux bouts, faire partir sa vie en fumée puis se préparer à la fin.

A-t-on conscience que le rapport à la vie, et donc à la mort, est omniprésent en écoutant « Poverty » ? « Quelle trace laissons-nous sur terre ? Faut-il faire quelque chose de sérieux de sa vie ? Qu’est-ce qui nous distingue les uns des autres ? » interroge « Similar Way ». Est-ce inconsciemment la mise en musique de ce questionnement qui touche au tréfonds de nos émotions ?

L’album se referme sur « Write To Me », Vladislav Parshin implore qu’on lui écrive car parler lui est insupportable, les voix n’ont pas de sens, pourtant celle de Motorama en a un.

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