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Balthazar – Interview

Balthazar 2 Alex Salinas

Dix ans après sa fondation et cinq ans après son premier album « Applause » qui les a fait connaître au-delà des frontières du plat pays, Balthazar revient avec « Thin Walls », son troisième disque. Nous avons rencontré Maarteen Devoldere et Jinte Deprez, les deux chanteurs-compositeurs du groupe. Ils nous parlent de leur parcours, de la difficulté d’écrire en tournée et de la réalité de la scène « belge ».

L’album marque une décennie d’existence de Balthazar. Quel regard portez-vous sur votre parcours ?

Nous essayons de ne pas trop y penser, surtout que cela ne paraît pas être une décennie pour nous. En réalité, cela a seulement commencé avec notre premier album « Applause » en 2010. Avant nous étions vraiment jeunes, des adolescents qui jouaient de la guitare et du piano en racontant des histoires. Puis le premier album est arrivé et nous savions ce que nous voulions faire. C’est pour cela que nous l’avons produit nous-mêmes. C’était surprenant de bénéficier d’une diffusion internationale, notamment en France où nous avons de bonnes connexions. Avec l’album suivant, « Rats », nous étions à notre aise pour faire ce que nous voulions et nous pensions que ce ne serait pas un album qui rencontrerait un grand succès commercial. Nous avons une nouvelle fois été surpris par l’accueil du public, particulièrement en France, décidément ! (rires) Le précédent album était très influencé par « Melody Nelson » de Serge Gainsbourg, ce qui a sans doute favorisé l’accueil du public français. Notre troisième album est assez différent car nous avons concilié son écriture et la longue tournée de « Rats ». Et nous n’avons pas enregistré dans nos chambres mais en studio avec un producteur. C’était la première fois que nous avions les moyens de le faire.

Le précédent album était un enregistrement maison ?

Pas uniquement. Nous avions un petit enregistreur qu’on emmenait partout avec nous. C’était un peu du « do it yourself ». Maintenant c’est un peu moins romantique.

Comment considérez-vous la rapide ascension du groupe ?

Ce qu’on apprécie dans le groupe, c’est sa stabilité. Nous n’avons jamais été un groupe branché ou rencontrant des difficultés. Les choses se sont faites progressivement, chaque tournée prenait de l’ampleur, doucement mais sûrement. C’était facile pour nous de s’adapter en tant que groupe. On a pu apprécier les villes où on jouait, les concerts et tout ce qui s’y rattache. Nous sommes passés d’adolescents rêvant d’aller à Hollywood à un groupe qui en est encore loin. Enfin, nous avons déjà joué à Hollywood, mais dans de petits endroits.

Est-ce que l’on vous demande toujours de raconter votre rencontre dans la rue à l’origine de la création du groupe ? Etait-ce une rencontre fortuite ?

Plus maintenant, cela a été lu un peu partout. Nous venons de Courtrai, une petite ville où il n’y a qu’une rue ! Nous chantions tous les deux et nous nous serions rencontrés n’importe où. J’ai essayé de menacer Jinte pour l’éloigner du quartier avec un couteau, mais il avait un plus gros couteau que moi !

Balthazar 1 Alex Salinas

Deux songwriters, deux voix. Pour “Rats”, vous aviez écrit chacun de votre côté la moitié de l’album avant de mettre en commun les arrangements. Avez-vous procédé de la même façon pour “Thin Walls” ?

Oui et non, l’album s’appelle « Thin Walls » parce qu’on l’a écrit en tournée et qu’il nous était difficile de nous isoler. Lorsque tu écris une chanson, tu as besoin de l’intimité la plus totale. Le fait est que c’était impossible et nous devions accepter d’avoir toujours quelqu’un à proximité pendant que nous cherchions des idées de compositions. De par cette promiscuité, nous avons rapidement travaillé ensemble, pas seulement pour finir les chansons. Nous en avons écrit 273 pour être exact, et nous avons eu beaucoup de discussions sur lesquelles conserver, lesquelles améliorer. Nous ne serons jamais capables (je ne sais pas qui l’est !) de rester assis l’un à côté de l’autre et d’écrire des chansons ensemble. L’inspiration est toujours personnelle au départ, puis la chanson se développe et sa finalisation est le fruit d’un effort commun.

Le titre “Thin Walls” fait penser à “Paper-thin Hotel” de Leonard Cohen, chanson qui parle de voyeurisme et de jalousie.

C’est justement cette chanson qui nous a donné l’idée de nommer l’album “Thin Walls”. Nous trouvions que ça collait parfaitement à l’atmosphère du disque. Il y a beaucoup de voyeurisme dans le fait d’écouter un artiste raconter sa vie. En vérité, les chansons sont très personnelles et parfois, tu n’as pas envie d’expliquer certains aspects parce que c’est embarrassant, et quand on te le demande, tu réponds simplement : « Oh non, vous faites fausse route, c’est à propos d’une excursion à Disneyland ! ». Personne ne peut prétendre connaître le sens profond des chansons. Nous avons dormi dans cet hôtel ces derniers jours (celui où s’est déroulée l’interview, ndlr) et je me faisais la réflexion : « C’est incroyable ce que l’on peut entendre à travers les murs ». Cela m’a fait penser que le titre de l’album était vraiment cohérent.

« Dirty Love » versus « True Love » : les deux titres se répondent-ils ?

Ce n’est pas une réponse mais plutôt les deux faces d’une même pièce de monnaie. L’une est à propos de la part superficielle de l’amour, le flirt, l’autre étant le véritable amour.

Vous avez sorti il y a quelques mois un single, “Leipzig”. Pourquoi ne figure-t-il pas sur l’album ?

C’était une expérimentation pour commencer à composer pendant la tournée durant laquelle on accompagnait Editors. Nous avions beaucoup de temps libre, alors nous avons décidé d’écrire chaque jour une chanson qu’on intitulait d’après le nom de la ville où on l’écrivait. Souvent, elles étaient bonnes à jeter, celle écrite à Paris ne nous plaisait pas, mais « Leipzig » était une bonne chanson. On avait envie de s’amuser, on ne pensait pas à l’album et on a eu envie d’un single comme d’une transition. C’était l’idée de départ. Tout le monde s’attendait à ce qu’on écrive un album sur lequel ce titre figurerait mais nous avions de meilleures chansons, nous avons simplement fait une sélection. On est très contents de “Leipzig”, mais c’était important de passer à autre chose un an après.

La pochette d’Applause” représentait une statuette de trois personnages sous cellophane, celle de “Rats” un jeune garçon dans une salle de bains. Que représente la pochette dorée de “Thin Walls” ?

Cela va vraiment être cool dans la vraie vie, on va vendre le disque 150 euros, on pourra le porter comme un bijou ! (rires) Nous voulions juste quelque chose de différent d’une simple image. Si tu achètes l’album, cela ressemble vraiment à de l’or. Nous ne voulions pas de photo à cause de la réaction des gens aux précédentes pochettes d’albums. Nous avons souvent entendu que notre musique était très visuelle et cinématographique. Nous ne voulions pas mettre d’image dessus. L’aspect doré était une bonne idée. Les temps sont durs, alors on distribue de l’or !

Balthazar 3 Titus Simoens

On vous compare souvent à vos compatriotes de dEUS, groupe fondé une décennie avant Balthazar. Quels liens enretenez-vous avec le groupe de Tom Barman, dont vous avez assuré la première partie ?

Nous avons joué avec eux et quand nous étions très jeunes, ils étaient les héros rock de la nation ! Nous les connaissons bien. On nous compare souvent parce que nous sommes belges et que les gens aiment mettre des étiquettes. Je comprends le parrallèle car nous avons de nombreuses influences de musiques américaines et anglaises qui se mélangent à la musique française et allemande pour en faire quelque chose d’autre. C’est une qualité typique des groupes belges. Car je pense que c’est une qualité de ne pas rester figé dans une tradition. On fait les choses différemment de dEUS dont nous sommes évidemment de grands fans. Je comprends parfaitement pourquoi on nous assimile à eux mais d’une certaine façon, c’est comme associer Queen et Alt-J parce qu’ils viennent tous deux de Grande-Bretagne !  

On parle d’une “scène belge” vue depuis la France. Quelle est sa réalité ?

Nous parlons plutôt d’une scène flamande, wallonne, néerlandaise. C’est idiot parce que la Belgique est un tout petit pays et que tout le monde se connaît, les gens s’entendent bien et sont faciles à vivre. Je pense que j’ai les coordonnées de tous les musiciens de rock belges dans mon téléphone. Tu peux facilement emprunter un instrument à quelqu’un. Cela a plus à voir avec un état d’esprit qu’avec un genre musical. Nous n’avons pas d’identité belge. Jacques Brel, par exemple, avait clairement une identité française. L’identité belge est plutôt ce mélange que chaque groupe transporte avec lui.

Il existe une barrière linguistique qui vous divise mais la plupart d’entre vous chantez en anglais, ce qui est parfois mal perçu en France pour les groupes français.

Pour nous c’est naturel, nous sommes confrontés très jeunes à la langue anglaise, notamment à la télévision, et quand on grandit, c’est avec la pop anglaise. Quand j’ai fondé un groupe, je n’ai pas pensé à chanter dans une autre langue que l’anglais. C’est une langue plus mélodique et facile à manier. Mais pour les groupes wallons, c’est encore difficile d’être connu du côté flamand et vice versa, ce qui devrait changer car c’est ridicule.

Balthazar est un groupe choral qui s’apprécie pleinement sur scène. Comment appréhendez-vous la prochaine tournée ?

Nous nous sommes produits lors de deux showcases le mois dernier pendant lesquels nous avons joué nos nouvelles chansons. L’album « Rats » était assez difficile à transposer sur scène et nous avons beaucoup appris. Cette fois les chansons sont plus adaptées au live et nous avons hâte de partir en tournée.

Vous avez joué dans de nombreux festivals mais le public ne venait pas spécifiquement pour vous. Le concert au Trianon à la fin de votre précédente tournée était important ?

Oui. J’ai même demandé à mes parents de venir à Paris pour qu’ils puissent constater que je ne mentais pas : les gens achetaient des tickets pour nous voir en concert ! Cette fois, ce sera au Bataclan et ce sera vraiment cool de jouer pour tant de gens. Evidemment, notre premier public ça a été la Belgique, les Pays-Bas aussi, et ensuite la France. Maintenant, on marche assez bien en Allemagne, on y fait à peu près autant de dates que dans les autres pays, et devant un public équivalent. Ce qui est évidemment mieux que de jouer un soir devant 150 personnes, et le lendemain devant deux mille… C’est peut-être la chose dont nous sommes le plus fiers : à force de tourner, on peut aujourd’hui toucher le même public et jouer dans le même type de salles dans différents pays.

 

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