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Interviews

Nada Surf – Interview (2e partie)

Deuxième et dernière partie de l’interview de Matthew Caws (la première est à lire ici), où le musicien revient sur ses meilleurs souvenirs de vingt ans de Nada Surf et sur le rapport particulier que le groupe entretient avec ses fans, notamment français.

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Ce nouvel album, “You Know Who You Are”, marque vos vingt ans de carrière. Quel serait ton meilleur souvenir de toute cette période ?
(Il réfléchit longuement). Ils sont nombreux… J’en ai déjà beaucoup parlé, mais il y a sans doute le travail avec Ric Ocasek (membre de The Cars, ndlr) à nos tout débuts. Je lui avais donné une maquette et il m’a rappelé deux semaines plus tard en m’invitant chez lui. Le fait que quelqu’un que j’admirais beaucoup puisse aimer lui aussi ce que je faisais, ça m’avait énormément touché. Ce n’est pas tant le fait qu’il croie que je suis bon, même si ça fait toujours plaisir, que de me sentir compris.

C’était un encouragement à continuer, j’imagine ?
Oui, car si on ne se sent pas compris, on se sent seul. Là, je me sentais un peu moins seul, comme si j’avais trouvé une deuxième famille, ou une troisième si l’on considère que la deuxième, ce sont les amis proches. J’accédais à un autre monde, celui de la musique, qui me disait : « Viens, tu peux jouer avec nous. » Sinon, j’aime beaucoup l’étape du mastering. Je n’étais pas présent cette fois-ci, mais pour la plupart de nos disques j’y ai assisté. C’est vraiment une joie parce que j’adore les ingénieurs du son et les producteurs, leur façon d’associer la science et l’art, la fantaisie et le sérieux, un peu comme Merlin l’enchanteur… Pour moi, la personne qui s’occupe du mastering tient une place à part car elle est au bout de la chaîne, c’est elle qui émet l’ultime opinion avant la fabrication du disque, et elle est toujours très fine : « On monte les aigus un tout petit peu ici… » Généralement, ce sont des gens incroyablement calmes et concentrés, du moins c’est l’expérience que j’en ai ! Ils font des gestes très lents et précis, et les boutons sont beaucoup plus gros que dans les autres studios. Je n’ai pas d’image à vous montrer, alors imaginez, cher lecteurs… (sourire) On a encore plus l’impression d’être dans une navette spatiale que lors de l’enregistrement. Sinon, dans les beaux moments, au risque de paraître un peu bête, il y a aussi les concerts, quand tout un public chante une chanson avec nous… Ça réchauffe le cœur.

Te sens-tu plus libre qu’à l’époque où votre label Elektra vous réclamait des tubes après le succès inattendu de “Popular” ?
Oui, complètement. Mais cette période dont tu parles, je crois que c’est en fait le seul moment dans notre carrière où on a subi une telle pression. Même pour le premier album, on avait une grande liberté. Ric Ocasek, dont je parlais tout à l’heure et qui a produit ce disque, nous protégeait. Les gens de la maison de disques voulaient venir nous voir en studio et écouter ce que l’on faisait, et lui le leur interdisait. Je me souviens qu’après l’enregistrement de “Popular”, il avait appelé la maison de disques et leur avait simplement dit : « Envoyez-nous des sacs de fric ! » Bon, en fait, même si le morceau a été un tube, il ne nous a pas vraiment rendus riches.

Tu as récemment classé les albums de Nada Surf pour le site Noisey. Celui que tu aimes le moins, même si tu en es sans doute content, c’est l’album de reprises, “If I Had a Hi-Fi”. Je comprends que tu y sois un peu moins attaché vu que vous n’avez pas écrit les morceaux mais je le trouve très réussi. Même quand vous reprenez une chanson de Kate Bush, a priori assez éloignée de votre univers, ça sonne comme du Nada Surf.
Merci, je pense que c’est mon morceau préféré du disque. Que j’aime bien, d’ailleurs, mais c’est le principe de ces classements, il faut qu’il y ait un dernier… Quand j’étais au lycée français de New York, j’avais un peu de mal avec ça. Est-ce que dans les lycées français, vous êtes ou étiez classés dans toutes les matières ?

On est notés, mais pas vraiment classés. Pas dans le lycée où j’étais, en tout cas !
Nous, on avait un classement, tous les trimestres si je me souviens bien. Ça m’a marqué, je trouvais ce système assez dur : forcément, la deuxième moitié de la classe se sent mal ! C’est pas cool… Et en étant classé dernier, “If I Had a Hi-Fi” se sent très mal lui aussi. (sourire)

Vous êtes réputés pour être très proches de vos fans, notamment en France, vous aimez bien rester discuter avec eux après les concerts. Penses-tu que c’est parce que Daniel et toi parlez notre langue ?
Ça aide, bien sûr, mais on fait ça aussi dans les autres pays. En fait, je crois que l’on a ce contact particulier parce qu’à nos débuts, on était plus vieux que la « normale », et que la plupart des spectateurs.

Un côté « grand frère », alors ?
Je n’y avais jamais pensé, mais il y a peut-être de ça, oui. Maintenant, aux concerts, je parle même avec des jeunes qui pourraient être mes enfants ! Ce que je voulais dire surtout, c’est que le succès est arrivé à un âge où l’on ne s’y attendait plus vraiment, on pensait que le groupe resterait pour nous un simple hobby. On était donc d’autant plus reconnaissants. (Passant sans prévenir à l’anglais) C’est quelque chose que je ne prendrai jamais pour acquis, donc quand je remercie le public d’être venu, je le pense, le ressens vraiment. Les gens ont payé, ça va les faire rentrer tard chez eux… Certains reviennent nous voir et nous parlent des concerts précédents, il y a un vrai échange. De façon ironique, c’est à New York, ma ville, que je parle le moins aux fans parce qu’une partie de ma famille est là-bas, notamment ma mère. Donc si elle est dans les loges avec moi, je ne peux pas trop m’éclipser !

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Quand vous aviez repris “L’Aventurier” d’Indochine, en 2002, l’idée venait-elle de vous, ou plutôt de votre maison de disques française ?
Ça correspond en fait à une brève période où on avait deux managers : un pour la France et un pour le reste du monde. Le premier avait eu l’idée d’enregistrer des reprises spécialement pour votre pays. C’était plutôt bien vu car ça nous permettait de passer un peu en radio. On a fait d’autres reprises de morceaux en français : “Bye bye beauté” un titre de Coralie Clément pour “If I Had a Hi-Fi”, coécrit par Daniel à l’origine, “La Petite Bill” d’Alain Souchon, “Au fond du rêve doré” de François Hardy… Concernant “L’Aventurier”, on avait vite arrêté de la jouer en public car j’avais beaucoup de mal à retenir les paroles ! J’étais obligé de tricher avec des antisèches, qu’on me piquait à tous les concerts, notamment les pages plastifiées… Il fallait toujours en réimprimer, ce qui finissait par revenir cher en encre ! (rires)

Ce n’est pas vraiment un secret puisque tu l’avais annoncé sur ta page Facebook : tu vas te marier avec ta compagne rencontrée il y seize ans. Cherches-tu une certaine stabilité, pas toujours facile à concilier avec une carrière musicale ?
Je ne sais pas si au fond de moi je la cherche, mais c’est sans doute une bonne chose de l’avoir trouvée aujourd’hui. Je me sens enfin les pieds bien plantés dans la terre, et très heureux.

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