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Disques

Christopher Owens – Chrissybaby Forever

Christopher Owens - Chrissybaby Forever

L’album commence par des sons vintage de stations radio. Do You Remember Rock ‘n’ Roll Radio ? Christopher Owens cherche peut-être la bonne fréquence. Une poignée de secondes et arrive le fameux accord de guitare martelé et teigneux qui nous ramène directement au « Lust for Life » du premier album de Girls (2008). Christopher Owens revient-il avec le son indie lo-fi anti-folk du premier Girls ? Pourtant, dès « Another Loser Fuck Up », la voix est plus dense, plus chaude, plus en-avant, le ton cynique, la basse hyper présente et le clavier Farfisa s’émancipe. L’ensemble nous rappelant – mais oui ! – le son du « This Year’s Model » du maestro Elvis Costello en 1978, une référence du son rock New Wave anglais. On a là un gros son, des cassures de rythme, des guitares furieuses, des mélodies tenaces, et même le légendaire cri rageur du King !

Christopher Owens nous prévient d’emblée : je n’ai pas besoin de vous dire pourquoi le monde est cassé, pourquoi personne ne fait attention à personne, pourquoi les gens s’entretuent, et que chacun cherche l’amour… Un cri de rage contre notre monde qui devient fou. « Music of My Heart » lâche ses guitares aiguisées intermittentes, sa basse en avant et son clavier vintage, puis « Coffee and Tea » enchaîne ses arrêts secs et ses reprises qui nous embarquent.

L’album prend ensuite une tournure plus pop. Dans « Heroine (Got Nothing on You) », Christopher Owens surjoue Buddy Holly et parle d’addiction à l’héroïne (la sienne ?), pour finir plus grave, presque à l’arrêt. « Out of Bed (Lazy Head) » est un magnifique morceau pop folk aux sons sixties, très proche d’un Elliott Smith ou d’un John Lennon. Superbe !

Arrive alors l’instrumental « Susanna », à l’ambiance édénique, petite musique à la guitare électrique claire qui progresse sur un thème au rythme latino et vole au-dessus d’un monde vierge dénué de toute agressivité, comme une renaissance. « Susanna » nous pose tout nus devant le jardin d’amour « When You Say I Love You », magnifique promenade de l’innocence retrouvée, au son de la flûte. Une douce série de la la la invite à nous aimer. Huit accords joués en boucle, puis le tempo ralentit. Les instruments, les accords, les arpèges et les voix se posent un à un sur ce Canon de Pachelbel revisité, avec des chœurs en apesanteur. Puis les sons deviennent plus acides, terrifiants voire diaboliques : un orgue d’église incisif, des guitares saturées vrombissantes, stoppés net par un chant final solo et angélique. Cette séquence de trois morceaux enchaînés est de toute beauté.

Dans la dernière ligne droite de l’album, un regain de fougue costellienne surgit avec « Inside Out » (réécoutez « You Belong to Me ») et son questionnement sur la face sombre de notre monde. Avec « Come On and Kiss Me », Christopher Owens y répond positivement et passe au mode anti folk, proche des Moldy Peaches, pas très loin du « Give Peace a Chance » de John Lennon.

Et tout s’apaise au final avec le magnifiquement naïf « To Take Care of Myself Again ». Le fantôme de Mark Linkous (Sparklehorse) est avec nous. Ce morceau, à la mélodie si terriblement simple et aux chœurs apaisants, va droit au cœur, tout comme le clip de la chanson, au style vintage, intime (famille, amis, enfants), local (San Francisco) des premiers titres de Girls. Cette forme artistique directe nous touche.

Avec un retour aux sources, mais aussi son message d’urgence face à l’intolérance qui monte et au chaos qui menace, Christopher Owens est le cri de l’Amérique sensible et pensante.

Joel Fleuranceau

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