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Festivals

Festival Beauregard – 8 et 9 juillet 2017, Hérouville Saint-Clair

Un temps beau et chaud tout le week-end, un cadre toujours aussi enchanteur (vastes pelouses, élégant château et espaces détente agréables), des artistes qui ont offert ce qu’on attendait d’eux, voire un peu plus : malgré une programmation un peu inégale sur le papier, cette édition 2017 de Beauregard a tenu ses promesses. Les meilleurs moments des journées de samedi et dimanche, en mots et en images.

 

Samedi 8 juillet

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Pour nous, le festival commence le samedi à 17h avec Yak. Gentiment branleurs, les Anglais menés par un chanteur lippu aux faux airs de Mick Jagger envoient sans chichis leur blues-rock trashy sous un soleil ardent, et sur une scène qui paraît un peu grande pour eux, même s’ils commencent à s’habituer aux festivals en plein air. Leurs riffs efficaces (“Semi-Automatic”, “Harbour the Feeling”) et leurs claviers vintage font néanmoins bouger un public encore un peu clairsemé.

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Le forfait de Grandaddy après le décès subit de leur bassiste, moins de deux mois avant le festival, avait laissé un trou dans la programmation. Qui a été rempli par un artiste n’ayant strictement rien à voir, le rappeur français mi-sérieux mi-rigolo Vald. Pas vraiment notre tasse de thé (le public est plutôt lycéen d’ailleurs), mais reconnaissons que Valentin Le Du (nom qu’il a bien fait de réduire à un acronyme…) sait tenir une scène, qu’il est doté d’une certaine autodérision et qu’il a quelques morceaux bien fichus. Pas déplaisant.

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Bien qu’ils soient nettement moins populaires en France qu’en Grande-Bretagne, les Editors sont des habitués de nos gros festivals d’été, où ils livrent des prestations à la fois enflammées et carrées, qui restent toujours du bon côté de l’emphase. Bronzé, en chemise blanche à plastron largement déboutonnée, Tom Smith ne ressemble plus trop au garçon blafard qui rentrait le menton dans son col de manteau sur les premières photos du groupe. Comme l’an dernier à Rock en Seine, il ne s’économise pas, arpente la scène, remercie régulièrement le public, se réjouissant d’être à la même affiche qu’Iggy Pop ou Phoenix (curieusement, il ne cite pas Echo and the Bunnymen dont les Editors sont musicalement plus proches). Le reste du groupe est tout aussi concerné, enchaînant tubes (“Munich”, “Smokers Outside Hospital Doors”) et nouveaux morceaux, avec ce petit supplément d’âme qui nous le rendra toujours sympathiques malgré une œuvre pour le moins inégale.

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Entre les hardos australiens d’Airbourne et le diabolique apéro au punch de Radio 666, la fréquence rock caennaise, à l’espace presse, le choix est vite fait. Festival familial où l’on croise beaucoup de gamins coiffés de casques antibruit, Beauregard sait ainsi ménager des pauses, qui permettent de recharger ses batteries au calme et de se placer pour l’artiste suivant (même s’il est généralement facile de s’approcher de la scène en arrivant deux minutes avant le concert, voire une fois que celui-ci a commencé).

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Et le suivant, sur la grande scène, n’est pas n’importe qui. C’est même une légende, et ce statut doit beaucoup l’amuser. Un survivant à la peau parcheminée et au corps noueux, mais à la voix intacte, qui a 70 ans passés s’offre encore quelques tours de piste parce que c’est un plaisir qui ne se refuse pas. Sans sommations, Iggy Pop ouvre les hostilités avec “I Wanna Be Your Dog”, et c’est toujours aussi jouissif. S’il ne se jette plus dans la foule, et doit enchaîner les morceaux sans trop s’attarder, il rend régulièrement visite aux fans du premier rang, serrés derrière les barrières et surexcités – il nous semblera même distinguer sur les grands écrans un homme avec le portrait de l’Iguane tatoué sur son biceps.

Iggy 2

Sans être aussi brillant que celui du Post Pop Depression Tour mené par Josh Homme, son backing band fait le job, atteignant une belle intensité sur le toujours sauvage “TV Eye”. La setlist mêle classiques (“Lust for Life”, “The Passenger”, “Search and Destroy”, “No Fun”) et morceaux moins connus, pour la plupart déjà joués lors des concerts de l’été dernier. Ce léger manque de renouvellement (mais en 70 petites minutes, difficile d’explorer tous les recoins de sa discographie) ne nous gâchera néanmoins pas le plaisir d’un pur moment de rock’n’roll comme peu de vétérans sont encore capables d’en offrir.

Bien qu’étant de sexe masculin et depuis longtemps majeur, on ne s’approchera pas trop de la scène John où joue ensuite Ibrahim Maalouf, pour la simple et bonne raison qu’on doit faire la queue pour un burger-frites (plutôt bon, d’ailleurs). Le trompettiste fournira gracieusement la musique d’attente.

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Retour ensuite à la scène Beauregard pour la deuxième tête d’affiche de la soirée : les Français de Phoenix. La déco est soignée, rappelant une boîte de nuit des années 80. Les projections au sol, très colorées et différentes pour chaque morceau, sont reflétées par un miroir incliné qui occupe tout le fond de scène. Augmenté comme d’habitude de Rob aux claviers et d’un fantastique batteur, à la frappe à la fois souple, précise et puissante, le quartette, qui s’est embarqué dans une grosse tournée des festivals, semble prendre autant de plaisir que le public, Thomas Mars finissant comme d’habitude porté par les spectateurs (et égarant son micro en route…).

Phoenix 2

En consacrant une grande partie du set aux morceaux de “Wolfgang Amadeus Phoenix” (2009), qu’on peut raisonnablement considérer comme leur meilleur album, et le plus tubesque (avec les toujours excitants “Lisztomania”, “1901” ou “Lasso”), ce groupe modeste et discret (lisse et ennuyeux, diront certains) fait en outre preuve de recul sur sa propre œuvre. Ou comment une formation au succès aujourd’hui mondial et au top de la branchitude ressemble toujours à une bande de potes et d’authentiques fans de musique. Entertainment !

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C’était sans doute l’un des petits événements de cet année pour les plus de quarante ans : la venue d’Echo and the Bunnymen, pour leur seule date française de l’année avec le This Is Not a Love Song (ils passent le reste de l’été aux Etats-Unis à tourner avec les Violent Femmes). Une heure, et douze morceaux, c’est bien évidemment trop court pour une telle discographie, mais c’est un peu la loi des festivals… Ian McCulloch, Will Sargeant et leurs acolytes offriront donc le best-of attendu, entre souvenirs ténébreux (trois morceaux de “Crocodiles” à la suite pour démarrer, “Over the Wall” un peu plus loin) et chefs-d’œuvre lumineux (“Seven Seas”, “Bring on the Dancing Horses”, et bien sûr “The Killing Moon” introduit par un McCulloch montrant du doigt la pleine lune à l’horizon).

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Les yeux cachés derrière des lunettes noires, buvant dans plusieurs verres à la fois, allumant des clopes qu’il fume à peine ou entamant une discussion en voisin avec des spectateurs mancuniens, le chanteur est comme toujours à la limite de la désinvolture, mais reste suprême derrière un micro malgré une voix qui n’a plus la splendeur d’antan. Bien sûr, il annonce “The Killing Moon” comme la plus grande chanson du monde, “Nothing Lasts Forever“ étant la troisième plus grande (laquelle est la deuxième, alors ?). Aux compositions originales se mêlent comme d’habitude des extraits de classiques (“Roadhouse Blues” des Doors, “Walk on the Wild Side” de Lou Reed, “In the Midnight Hour” de Wilson Pickett…), sans qu’on sache si c’est un hommage ou l’affirmation que les Liverpudliens sont au même niveau. Quant à Will Sargeant, parfois à la 12-cordes, il mériterait sans doute le titre de parrain des shoegazers tant ses yeux restent le plus souvent rivés sur ses pédales d’effets. Le concert ressemble à ce qu’on en attendait, ni plus, ni moins, et c’est déjà pas mal.

Dimanche 9 juillet

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Quand t’es dans le désert depuis trop longtemps, tu as le temps d’apprendre à jouer de la musique. Démonstration sur la grande scène avec les Touaregs de Tinariwen, comme toujours superbement vêtus. Leurs adresses au public se limitent aux considérations météorologiques qu’on peut échanger avec ses voisins dans l’ascenseur (quoique de leur part, “vous n’avez pas trop chaud ?” prenne un tour ironique), mais dès que les hommes en bleu (et en marron) touchent les cordes et les peaux, la magie opère et la transe monte peu à peu. Si un confrère qui les a vus souvent nous dira après coup que ce n’était pas leur meilleur concert, il restera pour nous comme l’un des plus beaux moments de cette édition 2017.

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On se rend ensuite par curiosité à la scène John pour House of Pain, en se disant qu’on pourra au moins sautiller sur l’imparable “Jump Around”. Comme on pouvait s’y attendre, le morceau sera joué à la fin, mais le reste fera mieux que nous faire simplement patienter. Accompagné d’un collègue rappeur, d’un batteur, d’un clavier et d’un DJ (toujours plaisant d’entendre des scratchs quand on a commencé à écouter du rap dans les années 80), Everlast peut se permettre de s’éloigner un peu du hip-hop au sens strict. Il présente ainsi une reprise du “Folson Prison Blues” de Johnny Cash comme le premier morceau de gangsta rap de l’histoire, puis enchaîne avec son tube sorti sous son propre nom, “What It’s Like”, qui mêlait beats et guitare folk un peu à la manière de Beck. Mine de rien, un tel grand écart stylistique dans un même concert n’est pas si fréquent, mais on n’en attendait pas moins d’un des rares rappeurs irlandais de Los Angeles.

House of Pain

La longue intro du concert de Michael Kiwanuka nous laisse le temps de goûter quelques spécialités locales (livarot + calva tonic, un accord étonnant). La suite, parfois un peu trop sage pour nous captiver totalement, montre que ce jeune homme qui a sans doute beaucoup écouté les meilleurs artistes des années 70 dans tous les genres (rock, soul, funk, folk, prog, B.O. de films…) est bien l’un des talents majeurs à avoir émergé outre-Manche ces dernières années.

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Ambiance plus débridée chez John, ou les trois Australiens de Jagwar Ma semblent vouloir faire revivre les fusions rock/club à l’anglaise du début des années 90, mais avec un son rebooté. Enchaînant les morceaux comme dans un DJ set, ils font danser le public sans céder aux facilités du gros son, en soignant plutôt la voix et les textures sonores. Ça donnerait presque envie de réécouter les Shamen, tiens.

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Aucune nostalgie chez Foals, groupe défricheur dont les dernières évolutions sur disque nous laissent toutefois un peu perplexe. Cette gonflette sonore passe un peu mieux sur scène, grâce à l’énergie du collectif, mais on préfère quand même ses morceaux plus atmosphériques ou subtilement déconstruits. Ou encore le funk blanc de “My Number”, parfaite illustration de la précision rythmique des Anglais, très en forme ce soir-là.

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Vieux souvenir de nos années lycée, Hubert-Félix Thiéfaine est le type même de l’artiste qu’on n’écoute jamais mais pour lequel on garde une certaine estime. Histoire de se renouveler un peu après 40 ans de carrière, le commandeur de l’ordre des Arts et des Lettres se produit sur sa tournée avec un orchestre symphonique recruté sur place – l’Orchestre national de Normandie, dans le cas présent. L’apport de ces musiciens est d’un intérêt variable selon les morceaux : s’ils accentuent l’intensité dramatique de certains (le Jurassien n’est pas trop adepte des sujets légers), ils ne font parfois que rajouter un vernis de bon goût sur une base variété-rock pas toujours exempte de lourdeurs (certains solos de guitare). Reste que Thiéfaine garde une présence magnétique, qui marche toujours auprès d’un public qui a visiblement vieilli avec lui. Et qui reprend avec ferveur “La Fille du coupeur de joints” (en finale à rallonge) ou l’émouvant “Je t’en remets au vent”.

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Dernier concert et dernier contraste de cette édition avec les fondus white trash sud-africains de Die Antwoord. Si la musique est assez assommante, la scénographie et les effets visuels sont indéniablement inventifs. Un spectacle d’un goût discutable mais sacrément efficace, qu’on quittera toutefois avant terme pour rentrer dans nos pénates. Une fois de plus, le festival Beauregard aura titillé, voire ravi tous nos sens. On prend d’ores et déjà une option pour goûter de nouveau à la vie de château l’an prochain !

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