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Pond : « Nous n’écoutons plus de musique psychédélique » – Interview

Depuis ses débuts, Pond n’a cessé d’explorer les méandres du psychédélisme. « The Weather », leur nouvel album continue dans cette lignée mais franchit une étape supplémentaire. Plus matures, directs et moins imagés, les titres de « The Weather » se confrontent à une prise de conscience de groupe. Plus conscients de leur environement, plus impliqués, ils livrent pour la première fois des textes personnels. La production de Kevin Parker de Tame Impala fait aussi des miracles sur des titres ouvertement plus synthétiques. Nous les avons rencontrés juste avant leur montée sur scène pour un concert phénoménal à la Gaîté Lyrique. Ils nous parlent du foisonnement de la scène locale de Perth, de leur collaboration de longue date avec Kevin Parker et de leur passion pour les productions du hip-hop moderne.

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L’Australie a connu de gros changements politiques, pas toujours pour le meilleur. Trump a été élu, le Brexit inquiète. Perth est une ville vraiment isolée. Comment ses habitants perçoivent-ils ces changements et à quel point ces événements influent-ils sur votre musique ?

Nick Allbrook : Nous n’avons pas été affectés directement. En tant que blancs issus de la classe moyenne nous sommes des privilégiés. Evidemment, ces évènements nous questionnent et nous inquiètent. Mais les australiens d’un certain statut social ont tendance à oublier le passé pas très glorieux de notre pays. Alors les événements présents….

Jamie Terry : Savoir que quelqu’un comme Donald Trump a le pouvoir d’appuyer sur un bouton pour se servir d’armes nucléaires est effrayant. Sa position sur le climat est inacceptable. Nous vivons une période trouble.

Justement, avez-vous composé « 30000 megatons », le titre qui ouvre votre nouvel album, au moment où l’inquiétude montait sur une possible élection de Trump ?

Jamie : Non, le titre a été écrit bien avant. Son sujet et sa publication au moment des élections peuvent faire penser que tout était calculé. Mais non, c’est le fruit du hasard.

Vous avez bénéficié de subventions de la part de l’état Australien pour développer Pond. A quel point trouvez-vous que ce type de démarche a bouleversé la scène musicale Australienne ? Vu d’Europe, en entend surtout parler des groupes psychédéliques. Y a t-il d’autres mouvements intéressants qui se sont développés ?

Nick : Oui. Beaucoup d’artistes aborigènes en bénéficient. Certains sont même devenus énormes chez nous. J’apprécie le fait que cet argent est distribué aux artistes sans tenir compte de style ou de phénomène de mode. Il faut juste démontrer que tu travailles dur et que tu mérites ce coup de pouce.

Revenons à « 30000 megatons », single sorti en avant première de l’album. Ce titre affiche clairement un changement de style et de direction. Les synthés plus en avant. Pourriez-vous nous expliquer pourquoi ?

Jamie : Après huit ans passés au sein du groupe, nous commencions à nous sentir enfermés dans une routine pouvant nuire à l’évolution de notre son. Nous avons cherché le meilleur moyen nous permettant de dépasser nos limites.

Nick : Notre palette sonore a évolué. Pourtant nous n’avons pas changé nos méthodes d’écriture. Je compose à la guitare ou au piano. Puis on répète tous ensemble et on développe les idées les plus intéressantes.

Iriez-vous jusqu’à dire qu’avec cet album vous franchissez un tournant dans la carrière du groupe en affirmant que vous avez atteint une certaine maturité ?

Jamie : Je partage entièrement ce point de vue. Nous nous sommes moins éparpillés que sur les albums précédents. On retrouve encore un peu de folie par endroit, mais nous avons franchi une étape artistiquement. C’est notre album le plus conscient à ce jour.

Nick : C’était inévitable car l’album a été enregistré à un moment où nous sommes devenus des personnes différentes. Nous nous sommes assagis, mais nous sommes surtout sortis de notre bulle. Aujourd’hui nous avons pleinement conscience de l’environnement qui nous entoure.

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Musicalement, quels sont les artistes écoutés pendant la création de l’album qui vous ont poussé à dépasser vos limites ?

Nick : Il y avait un indicateur important. Nous n’écoutions plus de groupes à guitare. Encore moins de groupes psychédéliques. Je suis à fond dans la musique minimaliste, le dub, le r’n’b et la musique classique. Mais en termes d’idées empruntées aux autres, c’est surtout vers le hip hop que nous nous sommes tournés. C’est le style le plus inspirant et progressiste qui puisse exister. Aujourd’hui, notre musique est trop variée pour être cataloguée. C’est ce qui nous motive. Ne surtout pas redevenir un groupe de rock, mais ne pas nous spécialiser dans un autre style. Nous avons créé une sorte de patchwork très personnel au croisement de plusieurs styles. Plus nous vieillissons et plus la culture musicale que nous avons absorbée nous permet de devenir nous même.

Justement, vous avez déclaré vouloir être plus honnêtes avec ce disque. Pourriez-vous être plus précis ?

Nick : L’art est le reflet de la créativité d’individus. Si je veux que les compositions passent au stade supérieur, je dois offrir plus de moi même.

Jamie : Être de bons musiciens ne suffit pas. Tu as envie de ressentir des émotions en écoutant de la musique, pas de la technique.

Trouvez-vous que c’est quelque chose qui manquait à vos précédents enregistrements ?

Nick : Oui. Je le dis d’autant plus que j’ai écrit une grande partie des paroles du groupe. Il nous aura fallu tout ce temps pour nous trouver en tant qu’individus.

Jamie : Par le passé, nous parlions plus de voyages dans l’espace, de gobelins ou ce genre de chose (rire).

Les titres que vous avez composés récemment sont donc dans la même veine ?

Nick : Oui et non. Musicalement ils sont différents. Mais tu sais mes compositions prennent souvent un tournant différent une fois qu’on commence à les travailler en groupe. J’écris en permanence. C’est ce que j’aime le plus au monde. Pond n’est pas un job pour moi.

L’album a cette fois un thème, vaguement basé autour de la ville où vous habitez, Perth. Pourriez-vous nous en dire plus ?

Jamie : C’est une ville isolée. Il faut créer son propre fun pour ne pas mourir d’ennui. C’est pourquoi la communauté des musiciens locaux est aussi soudée. Tu peux quasiment sortir tous les soirs et voir un super concert. La scène musicale est pourtant minuscule. On tombe systématiquement sur des amis lorsque l’on sort. Il est difficile d’y rester anonyme.

Nick : Perth occupe une grande place dans nos vies. D’où le thème de l’album. Nous ne sommes que les petits enfants des oppresseurs. C’est quelque chose qui m’effraie et que j’ai essayé de faire ressortir.

L’album a été enregistré en janvier 2016. Pourquoi ne sort-il que maintenant ?

Nick : (gêné) C’est Kevin Parker qui l’a mixé. Il lui a fallu du temps car il est parti pour une longue tournée avec Tame Impala. Il a dû aussi passer pas mal de temps à jouer à la Playstation au lieu de bosser sur notre disque (rire). Mais il y a aussi eu des impératifs liés à la maison de disque.

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A l’arrivée, j’ai été surpris que constater à quel point certains titres sonnent comme du Tame Impala. En êtes-vous conscient ?

Jamie : Kevin a déjà travaillé sur nos albums précédents. C’est un amis de longue date. Il existe une réelle connexion entre nous. Nous avons parfois du mal à exprimer nos idées et pourtant Kevin comprend immédiatement là où nous voulons en venir musicalement.

Nick : Il y a un tel ping-pong d’idées entre Kevin et nous pour faire évoluer nos chansons qu’il est difficile de savoir qui est à l’origine de quoi. Je nous revois encore tous ensemble il y a dix ans, assis dans une maison à écouter de la musique. Nous avons eu une comme une révélation sur le son et le type de musique que nous voulions créer. Un son de batterie sale et compressé, une basse bien ronde, et des cordes. Depuis, nous avons tous fait un bout de chemin avec nos projets respectifs. Nos convictions et nos motivations sont toujours les mêmes.

 

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