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Disques

Klass II – Klass II

Klass II - Klass II

« Teenage angst has paid off well. Now I’m bored and old. »

En 1993, Kurt Cobain sonnait l’heure de la fin de la récréation. Rangez les guitares, y a plus rien à voir.

C’est de plus en plus rare, mais quelques jeunes fous trouvent encore le moyen de noyer leur désespoir dans une mare acide, aigre et sale et pourtant pleine d’énergie fossile qui ne demande qu’à flamber. Si j’attends avec impatience (et peut-être en vain ?) un nouvel album de Saigon, la source d’une mélancolique et authentique joie à base de guitares (autrement dit le shoegaze ?) ne s’est pas tarie et a même rejailli à Göteborg, sous forme d’un LP en une poignée d’exemplaires (le futur qu’on exècre chaque jour un peu plus est dans le digital) sur le label Luxury Records, qui nous a donné notamment un certain Laser & Bas. On y trouve un Shoegaze dans la langue de Strindberg, brumeux comme la ville dont il est issu et on est une fois de plus ravi que des Suédois aient fait le choix, hautement risqué sur le plan de la Sainte Carrière Discographique, d’exprimer leur rage dans leur idiome quand d’autres embrassent les genres et la langue de l’Empire (c’est pourquoi on préfèrera toujours Carl Johan de Vit Päls/Laser & bas à Jens Lekman).

Les critiques d’ici citent, dans le désordre, le tiercé de tête My Bloody Valentine, Slowdive et Sonic Youth et c’est juste. Pour ma part, j’y trouve surtout la morgue et la joie adolescente envers et contre tout, disons de Weezer ?, avec le même goût pour les refrains sucrés et le côté brouillon salissant et vengeur des guitares no wave pour ne pas oublier qu’on veut en découdre tout le temps et avec tout le monde. Dès la première écoute, Rien de nouveau à la première écoute, certes, mais on est soufflé par l’énergie et pris d’une folle envie de headbanging salutaire.

Saluons « Ifred », un glorieux tube désenchanté, « Jarvis », grand et classe comme son titre ou « Samma skit », le titre le plus volontiers Sonic Youth shoegaze, entre hargne et mélodie.

Dans « 3,5 », titre anti FFF (« Barbès » et son « faites-tourner la 8,6, de triste mémoire »), le groupe Götebourgeois déploie un existentialisme à la portée du jeune bourré à la folköl, littéralement cette bière du peuple vue comme le Graal du System Bolaget, ce Montsalvat des jeunes de moins de 21 ans, et ses produits de Klass II voire III (supérieurs à 4,5). Oui, jeunes et (et surtout moins jeunes) Français, vous avez bu de la petite bière de luxe lors de vos premières beuveries à la Valstar sur le parking du Stoc du coin.

Klass II ne fait pas dans la dentelle au niveau des textes : murge nocturne dans les rues (« Samma skit, samma slit »), solitudes, séparations, spleen et manque d’idéal, prises de substances, comme on dit. Tout le panorama de nos vies apocalyptiques et de nos déambulations incertaines dans le labyrinthe sans issue du monde capitaliste est là, gentiment et pour une fois gratuitement offert.

On termine par « Dokumentär », soit du romantisme bruitiste pour une époque sale. La série Skam n’est pas loin. En version trash métal fuzzy, rose-gris, c’est la vie.

Je me souviens d’une chronique du premier album des Ramones dans un vieux Rock n’ Folk (c’était avant les T-shirt H&M et les déclarations républicaines des faux-frères), dans laquelle le vieux briscard plumitif finissait par un vague : pas de quoi casser des briques (celles du mur contre lequel le gang était appuyé ?) mais si les Ramones jouaient dans le bar à côté de chez moi, je reprendrais une bière au comptoir pour accompagner la fin du concert (ou un truc comme ça). Quant à moi, j’ai loupé le récent passage à Stockholm de Klass II dans l’étage supérieur du restaurant Landet (j’avais la meilleure excuse du monde : des places pour entendre les trois premières suites de Bach par Jakob Koranyi, le tout dans un canapé moelleux, chaussons IKEA aux pieds et Spritz en main) mais j’aurais donné cher pour avoir le don d’ubiquité ce soir-là et me faire gentiment vriller les oreilles par les voix et guitares de Emelie Westmans et consorts.

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