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Bilan 2020 – L’année où le live a tenté de survivre

Dure, cette année où la plupart des scènes sont restées vides et où l’on a souvent dû se contenter de voir et d’entendre nos artistes préférés sur un écran d’ordinateur… Qu’en sera-t-il en 2021 ?
Si l’on excepte les mois de janvier et février (qui nous semblent déjà très loin…), 2020 fut une année quasiment sans concert. Chose a priori inimaginable pour tous ceux d’entre nous dont c’est une occupation régulière – comme spectateurs et pour certains, évidemment plus à plaindre, en tant que musiciens, techniciens, programmateurs, etc. Certes, entre les deux confinements, la Maison de la radio, qui dispose de plusieurs studios avec places assises et n’a pas les mêmes contraintes de rentabilité que la plupart des salles de spectacles, aura pu faire jouer – devant un public d’invités masqués et occupant un fauteuil sur deux – Malik Djoudi, le duo éphémère Dominique A et Bertrand Belin (qui devait initialement se produire début juillet au Fnac Live sur le parvis de l’Hôtel de ville), Benjamin Biolay et même les Irlandais de Fontaines D.C., de passage dans la capitale, qui auront enfin fait parler les décibels.

Un peu partout en France, des jardins et autre lieux extérieurs auront accueilli des petits concerts. Quelques rares festivals en plein air, comme le Rock in the Barn en Normandie, et des salles disposant d’un espace non couvert (à Paris, Petit Bain avec son quai et son rooftop ou le Trabendo avec sa terrasse où l’on aura vu notamment Thousand) auront aussi réussi à tirer leur épingle du jeu pendant quelques semaines, avec des jauges réduites, des programmations concentrées sur les artistes français, et dans une ambiance moins festive qu’à l’accoutumée. Nos rendez-vous estivaux habituels, dont nous avons le plaisir de publier chaque année des comptes rendus détaillés, ont été évidemment annulés (Beauregard, Route du rock…), ou réduits dans le cas de Rock en Seine à une morne soirée France Télé/ministère de la Culture à laquelle Philippe Katerine aura heureusement réussi à insuffler un grain de folie.

Il aura donc fallu, pour l’essentiel, regarder sur notre écran d’ordinateur des artistes jouer face à une caméra. Certains musiciens s’y sont refusés, pour des raisons qu’on peut comprendre. D’autres ont proposé des séances payantes pour tenter de pallier l’absence des revenus générés par les tournées. Quelques grands noms ont quitté leurs pénates pour se produire dans de vraies salles – vides. Les fans de Nick Cave, qui se demandaient comment ses nouveaux morceaux allaient sonner dans le cadre pas très intimiste de l’Accor Hotels Arena, l’auront finalement vu sur leur écran domestique, seul au piano à Londres, dans un Alexandra Palace désert (ce magnifique récital a ensuite été publié en disque). Beaucoup faisaient circuler un chapeau virtuel, comptant sur la générosité des internautes. Sur les réseaux sociaux, réguliers ou plus intermittents, Lou Barlow, David Gedge (The Wedding Present), Pat Fish (The Jazz Butcher), Nick Garrie, Josh Rouse, Guy Chadwick (qui termina son premier livestream par le fabuleux “Safe” de House of Love, un titre de circonstance) et d’autres nous rappelaient, et nous rappellent encore qu’une bonne chanson peut se contenter d’une voix et d’une guitare… Faute de mieux, on leur laissait des « thank you » et des petits cœurs rouges.
Dès le début du premier confinement, un musicien a décidé d’en faire un rendez-vous quasi quotidien. Génie des claviers, aux côtés notamment d’Elvis Costello, l’Anglais Steve Nieve (photo en tête d’article), cloîtré dans sa (belle) maison normande, se mettait chaque soir au piano pour interpréter des compositions originales ou des reprises. Sa femme filmait, leur fils (lui-même musicien doué et chanteur de grand talent) l’accompagnait, des amis s’invitaient parfois par écran interposé : Costello bien sûr, Chris Difford de Squeeze, le duo My Darling Clementine (pour fêter la défaite de Trump !) ou même notre Raphael national, qui ne se fit pas engueuler par sa femme cette fois-ci et nous étonna par une cover plus que digne du casse-gueule “Shipbuilding”. Des moments de grâce, un peu chaotiques et toujours chaleureux malgré la distance.
Il y eut également l’ingéniosité de Kim, qui ne manque jamais d’idées. Outre ses nombreux disques annuels, dans les styles les plus variés qui soient, le musicien parisien s’est creusé la tête et s’est adapté, comme toujours. Concerts privés sur Zoom, concerts instrumentaux en présentiel quand le pays a été déconfiné, duo avec Cléa Vincent quand cela fut possible, quitte à jouer dans la rue, en déambulation. Et au couvre-feu, la réponse fut de jouer le matin : au lieu d’une bière, un café allongé – il fallait y penser ! Et c’était toujours réjouissant de commencer une journée par de la pop.
Enfin, on retiendra les très enthousiastes karaokés londoniens de la délicieuse Sophie Ellis-Bextor – un peu oubliée chez nous, toujours populaire outre-Manche –, dans son grand living room, sous une boule à facettes, entourée de ses nombreux enfants (ils bougent tellement qu’on n’a jamais réussi à les compter) et de son mari musicien. Une demi-heure invariablement conclue par son (excellent) tube “Murder on the Dancefloor”, sans autre prétention que d’apporter un peu de fun à ses fans.

Aussi louables soient ces initiatives, elles restent un pis-aller, et tout le monde, artistes comme spectateurs, aimerait reprendre dès que possible une activité scénique normale. Mais même avec l’espoir que les salles rouvrent à l’hiver ou au printemps 2021 dans des conditions proches de celles d’avant – et reprogramment une partie des dates annulées depuis mars… –, il faudra du temps pour que la machine se remette en branle. On a déjà lu ici et là que de nombreuses têtes d’affiches à la renommée internationale ne prendraient pas le risque de tourner à l’été 2021. Les festivals français veulent quand même rester optimistes malgré le manque de visibilité. Les Eurockéennes ont même annoncé une programmation avec de nombreux artistes étrangers, tout comme Beauregard. Les mois à venir seront décisifs : on croise évidemment les doigts, tout en sachant que l’année prochaine sera forcément délicate pour toute la filière du live, et de la musique en général.

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