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Disques

Cory Hanson – Pale Horse Rider

Deuxième album solo du leader des inclassables Wand : une collection de morceaux rappelant les riches heures du country-rock californien, mais où s’expriment des angoisses très contemporaines plutôt qu’une révérence pour le passé.

Il faut bien reconnaître qu’on était jusqu’ici passé un peu à côté de Wand, groupe de Los Angeles auteur de cinq albums depuis 2014 (qu’on se souvient toutefois d’avoir vu à la Route du rock en 2015). Et même complètement à côté du premier en solo de leur chanteur Cory Hanson, sorti en 2016 sous le curieux titre de “The Unborn Capitalist from Limbo”. D’où un rattrapage accéléré en prélude à l’écoute du deuxième, qui nous amène à un rapide constat : “Pale Horse Rider” est son disque le plus abouti et le plus plaisant à écouter.
Pas de tromperie sur la marchandise, cet album enregistré entre potes dans le désert de Mojave est fondamentalement californien. Il serait d’ailleurs tentant de l’inscrire dans un revival local 60’s-70’s qui a donné quelques belles réussites ces dernières années, de Haim à Weyes Blood en passant par Drugdealer ou les Allah-Las. Même s’il est un faux ami (il ne désigne pas un personnage de western mais est paraît-il inspiré par une carte de tarot, la Mort sans doute), le titre annonce la couleur : l’artiste donne ici dans un country rock laidback, infusé de grosses gouttes de prog et de psychédélisme. Dans la lignée de son album solo précédent – en plus produit et plus spacieux – et de quelques morceaux apaisés de Wand (“High Planes Drifter”, “The Trap”…), et donc assez loin de la veine acid rock azimuté qui a fait la petite réputation du groupe.

En ouverture, “Paper Fog”, avec sa pedal steel, installe l’ambiance : de l’americana un peu cosmique et languide, mais sans passéisme, avec une boîte à rythmes qui fait « plic-ploc » et un solo de guitare au son assez bizarroïde dans sa deuxième moitié. “Angeles”, qui suit, a pour seul défaut de partager son titre (coïncidence ou hommage ?) avec une chanson indépassable d’Elliott Smith. Pour le reste, c’est une superbe ballade au refrain imparable et au texte un brin délirant – il y est question de « chanter des chansons qu’un oiseau pourrait chanter sur une photo » (?!) et de choses encore moins compréhensibles. Le morceau titre enchaîne sur le même rythme pépère, ajoutant des chœurs et même un violon.

Mais alors qu’on filait tranquille sur la Route 66 ou la Pacific Coast Highway, des cartouches huit pistes du Band, des Flying Burrito Brothers et de Pink Floyd dans l’autoradio, “Necklace” donne l’impression d’avoir pris un mauvais embranchement aux conséquences funestes, comme dans un film de Tobe Hooper ou de Wes Craven (à moins qu’on ne soit carrément arrivé à Twin Peaks). Pourquoi Cory a-t-il posé là, à la façon d’un cheveu sur la soupe, cet instru ambient de même pas deux minutes, limite flippant, et un autre du même acabit (“Surface to Air”) un peu plus loin ? Pour qu’on ne puisse pas reprocher à ce collaborateur occasionnel du stakhanoviste Ty Segall d’avoir commis « l’album de la maturité » ? Ou simplement parce qu’ils font sens dans un ensemble dont la belle harmonie de façade est minée par l’inquiétude et le sentiment que l’apocalypse menace – la Californie n’en a-t-elle pas déjà goûté les flammes ?

Qu’on se rassure, le leader de Wand retrouve vite le micro, sa guitare sèche et les sommets : le fragile et magnifique “Bird of Paradise” est le genre de morceau que Radiohead aurait pu enregistrer un jour de panne d’électricité. On poursuit dans la même tonalité jusqu’à “Another Story from the Center of the Earth” sur lequel veille une nouvelle figure tutélaire, celle de Neil Young. Ou plutôt deux figures, tel Janus : le doux folkeux de “After the Gold Rush” et “Harvest” au début, puis le guitariste épileptique de “Down by the River”, “Cortez the Killer” ou “Like a Hurricane”, ferraillant pendant de longues minutes avec Crazy Horse.
Après ce morceau de bravoure qui frôle l’électrocution, “Pale Horse Rider” se clôt sur “Pigs”, un titre plus calme quoique assez intense et traversé une fois de plus par d’étranges visions (« Now all the little kids dressed as pigs/Are going home »). Probable que Cory Hanson préfère se balader seul dans le désert avec un costume jaune et un masque façon Muppet Show, mais n’empêche : s’il veut se poser, les portes du panthéon du songwriting américain lui sont d’ores et déjà grand ouvertes.

L’album est sorti le 16 avril en digital et paraîtra le 21 mai en physique sur Drag City.

A voir, les deux épisodes de “Limited Hangout”, sorte d’émission barrée dans laquelle Cory Hanson joue plusieurs morceaux de l’album avec ses musiciens :

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