Loading...
Disques

Kings Of Convenience – Peace or Love

À l’heure de la maturité, du duo, des couples, les Kings Of Convenience œuvrant toujours dans leur folk ouatée et gorgée de soleils (scandinaves, brésiliens, méditerranéens), découvrent des accords fissurés, des désunions. C’est l’heure des choix.

«Ce n’est ni le luxe ni la magnificence de l’entourage qui constate le haut rang. C’est une certaine élégance dans les formes, les manières calmes, aisées, naturellement nobles, qui mettent chacun à sa place en restant toujours à la sienne, et composent le savoir-vivre. Monsieur de Talleyrand y excellait.»

Mémoires de la Comtesse de Boigne, “Le Temps retrouvé”, Mercure de France (note : la viocque Boigne est l’un des modèles de Mme de Villeparisis chez Proust).

Voilà en quoi, dans le champ musical, le duo de Bergen excelle depuis 2001. Mais à l’heure de ce quatrième album inattendu (c’est le propre du duo d’être hors temps discographique et promotionnel), on les trouve malheureusement plus convenus. Ayant pris de l’âge et peut-être du gras, du moins dans leurs textes malgré leur éternelle sveltesse sur les photos italiennes de l’album, les Kings Of Convenience, rois-explorateurs de la rencontre, de l’altérité, des oppositions délicates et de la consolation, se retrouvent peut-être aujourd’hui héritiers prisonniers d’un système. Une cage confortable et dorée.

Ainsi, on retrouve ce qui faisait le sel des trois précédents albums sans être vraiment chatouillés dans nos certitudes et conventions. Chacun des trois avait sa patte, légèrement différente…. Un peu plus pop par-ci, plus d’électricité par-là, une tension ou une légèreté, absence de percussions ou présence soutenue de cordes. L’habillage était varié pour ces jeunes gens frugaux (frugå ?).

On n’a jamais aimé les interventions de Feist, typiques du second album, “Riot on an Empty Street”, qui surlignent le côté propret de notre couple bien sous tous rapports, et il faut attendre la seconde face pour retrouver, enfin, des entrelacs de guitare qui nous ramènent vingt ans (20 ans !!!) en arrière. Soit ce “Quiet is The New Loud”, fondateur car en rupture totale avec l’esprit musical dominant de l’époque (fin de l’électro militante, retour des guitares et du rock bas du front). Music that your parents listen to, clamaient-ils (en susurrant).

Rien, en apparence, n’a changé depuis l’apogée, “Declaration of Dependence” (2009). Éloge de la douceur, de l’acoustique, de la mélodie bien troussée, des accords à trouver, d’une altérité joueuse (les jeux d’échecs qui se répondent d’une couverture à l’autre) mais on reconnaît trop, non plus seulement la marque de fabrique, mais surtout des quasi-redites sur “Fever”, “Killers” (avec “Parallel Lines”) ou “Ask for Help” (redite plus plate de “I Don’t Know What I Can Save You From”).

Sur “Love Is a Lonely Thing”, on sent plus la patte de Jens Lekman (heureusement, celle des débuts) voire celle de Nicholas Krgovich, chouchou de plus en plus chéri.

Une réussite cependant, “Catholic Country” qui fait le pont entre “The Girl från Ipanema” et “The More I See You” repris par Valli. Et on fond. Évidemment.

Reste qu’il manque les étrangetés de “I Don’t Know What I Can Save You From”,  les acidités dépressives de “Homesick” (I’ll lose some sales so my boss won’t be happy but I can’t stop listening to that sound) ou les paroles fabuleuses de “I’d Rather Dance With You” [than talk with you].

La plutôt ennuyeuse “Angel” a pourtant quelques perles telles que :

«She broke free from the chains of freedom
And got hurt in a planned accident»

Sous ses dehors policés, le propos de “Peace or Love” est plus amer (repensons à la scène d’ouverture de Scènes de la vie conjugale). Rumeurs, suspicions, tromperies, confessions, seconde chance. Les accords sont, en fait, plus contrastés et même contrariés, d’où le titre du disque et “Love to You Is Given” (à ranger tout près du “True Love’s Not Nice” de Jonathan Richman, parrain de cœur des Kings de Bergen).

«Love to you is given
Love is gifted to you
No love can be taken
That love is not true
Love is pain and suffering
Love can be a lonely thing
Once you known that magic
Who can live without you»

En bref, ce “Peace or Love” est la suite ombragée et le pendant de “Declaration of Dependence”, en précis des intermittences du cœur, comme dirait Proust (“Fever”). Les Kings n’ont plus vingt ans…

«It’s true I’m more wise now than I was when I was 21
It’s true that I have less time now than I had when I was 21»

Et s’ils ne nous retournent plus le cœur comme il y a 20 ans, on aime vieillir avec eux et leurs fragilités.

Avec l’aide de Johanna D., la Bourse ou la vie.

Laisser un commentaire

Votre adresse e-mail ne sera pas publiée. Les champs obligatoires sont indiqués avec *