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Le BBmix commenté par ses programmateurs

Chaque année (sauf l’an dernier, où le festival a été annulé), nous demandons aux programmateurs de nous parler des artistes invités au BBmix. Une présentation qui prend ici la forme d’un dialogue entre les deux fidèles complices Marie-Pierre Bonniol et Jean-Sébastien Nicolet.
Rendez-vous les 27 et 28 novembre à Boulogne-Billancourt !

Marie-Pierre Bonniol, fondatrice et co-programmatrice du festival BBmix : Jiess, un groupe que je suis très contente d’accueillir, c’est Chocolat Billy. Ils sont de Bordeaux, il y a toujours une partie de mon cerveau qui pouffe en pensant à leur nom et l’influence de Shockabilly, le groupe d’Eugène Chadbourne, Kramer et David Licht dans leur choix, et le fait qu’ils jouent avec Faust IV Live!, sorte de formation recomposée autour de l’album Faust IV des Allemands de Faust (lire l’interview de Jean-Hervé Péron), avec une énergie brute, hyper enthousiaste, et qui a du coup posé des nouveaux jalons musicaux.
Je trouve qu’il y a une filiation dans l’esprit et c’est ce qui nous a poussé à les proposer ensemble, avec également Aksak Maboul comme un troisième jalon générationnel, entre les deux, avec cet esprit foutraque qui se nourrit de la pop music mais pour l’emmener ailleurs, avec une liberté de navigation, une aura personnelle propre à chacun des membres de ces trois projets, et l’envie avant tout de faire des choses ensemble. Qu’est-ce que tu attends très fort de ton côté ?

Jean-Sébastien Nicolet aka Jiess, co-programmateur du Festival BBmix : Amusant ping-pong que voilà ! C’est vrai que quand tu as lancé l’idée de Chocolat Billy, je suis resté au départ un peu coi. Et puis j’ai repris dans l’ordre, ce “IV” de Faust, remis sur la platine quelques tracks des Aksak Maboul, le tilt est arrivé alors : ce truc de la chanson pop, peut être pas dégénérée, mais avec ce côté « doux-dingue », cette forme claudiquante mi-juvénile mi-héréditaire qui met un coup de frais à ce format, des mélodies qui se vissent bien dans les oreilles et passent les années, comme beaucoup des artistes qu’on aime remettre en perspective au BBmix. Parfait choix, Chocolat Billy !

Notre collaboration est pour cela toujours agréablement déroutante. Ces derniers mois, la musique je l’ai envisagée comme une façon de recréer un environnement sonore, jouant moins sur la mélodie que la recherche d’ambiances favorisant l’immersion, la divagation ou plus simplement un habillage sonore pour agiter mon quotidien. Alors aujourd’hui, en live(s), j’ai bien envie de prolonger ça avec des percussions, des polyrythmies luxuriantes, des instruments aux timbres particuliers, de ceux qu’on peut difficilement reproduire chez soi. BBmix arrive donc à point nommé.

Ainsi, revoir live le solo sur “batterie fragile” de Valentina Magaletti d’un côté, et de l’autre la bande des huit musiciens Nist Nah de Will Guthrie sur un gamelan indonésien, devrait constituer un bon début de festival !

Valentina Magaletti a une musicalité très profonde, une grande expérience de la vie de groupes, dont beaucoup que j’adore (Tomaga dont le concert au BBmix demeure inoubliable, les super Vanishing Twin avec qui j’ai collaboré, Lafawndah avec son brass band…). Et pendant une trêve de cette pandémie*, j’ai découvert une autre facette encore dans son jeu, grâce à la batterie en porcelaine d’Yves Chaudouët. L’instrument a ses rigueurs, ses beautés pas aussi fragiles qu’on pourrait le penser… Je n’en dis pas trop car il faut découvrir en live ce projet !

Justement ça me fait penser, Marie, que si tu as beaucoup contribué par le passé à faire bouger les lignes dans le domaine musical, le live fait désormais un peu moins partie de ta vie. Il y a d’ailleurs des programmations qui éclairent un peu cela. Pour toi, qu’est-ce que ça dit de BBmix plus largement ?

Marie-Pierre Bonniol : Oui, c’est vrai ! Depuis quelques années déjà, j’ai repris des recherches dans de nombreux autres champs : littérature, philosophie, arts plastiques. J’ai aussi commencé à faire des films. Pendant le premier confinement, au printemps 2020, je montrais tous les jours à mon fils aîné un film expérimental court à la fin de chaque séance d’école que nous faisions à la maison. J’en ai assemblé une playlist sur YouTube, destinée aux enfants, qui a bien circulé et qui s’est rapidement transformée en programme itinérant. Je suis heureuse de le présenter en programmation “enfants” du festival cette année, avec la complicité de Marion Orel qui accompagne déjà le festival depuis plusieurs années et qui a co-programmé les deux séances de films Experiment 120 avec moi, avec un thème très BBmix : la musique !

On y retrouvera, le samedi et le dimanche à 16h30, des films courts d’Etienne Charry sur des instruments imaginaires, un groupe de personnes qui envahit un appartement de personnes âgées pour faire de la musique avec tout ce qu’ils peuvent y trouver, un clip de Shugo Tokumaru, les expérimentations de la japonaise Yuri Muraoka, distribuée par le Collectif Jeune Cinéma, qui dédie un film à ses deux filles, les animations dingues de Mirai Mizue avec la musique de Scarlatti Goes Electro, des films historiques, abstraits et colorés d’Ishu Patel, Norman McLaren, Oskar Fischinger et Mary Ellen Bute, mais aussi des films plus récents comme les animations de Damien Tran pour la pianiste Rachel Langlois, et une vidéo de synchronisation de métronomes d’un laboratoire de Sciences naturelles d’Harvard ! Entre autres choses.

Ces programmes s’adressent en particulier aux enfants à partir de 7 ans, mais pas que. Je me régale beaucoup avec ces films, et je trouve un vrai bonheur à évoluer dans ce nouvel univers. Car ils peuvent contenir toutes sortes de dimensions que j’aime : sonores, visuelles, conceptuelles, etc. Et les films peuvent aussi circuler quand les salles sont fermées, par d’autres biais. Ça a été quand même deux drôles d’années….

Jean-Sébastien Nicolet : Oui, c’est important pour moi aussi qu’on arrive à générer l’attention de petits BBmixers, ce seront nos publics de demain. En plus, le programme proposé fait clairement le lien avec l’imaginaire et l’histoire de notre BBmix.

Avec cette pause imposée en 2020, j’ai réalisé combien le BBmix avait manqué à beaucoup de proches et de moins proches, nos retrouvailles en physique des concerts vont assurément être un grand moment d’émotion collective. On mesure aussi ce manque lors de nos discussions d’organisation en interne avec les équipes de Boulogne-Billancourt et du Carré Belle-Feuille, car le BBmix est résolument inscrit depuis plus de 15 ans maintenant dans l’agenda culturel de la ville.

BBmix est devenu avec le temps un marqueur pour les amoureux de la musique, et nous ne nous lassons pas de nous gratter la tête chaque année pour réinventer une programmation qui soit différente, hors du temps imposé par les industries culturelles, à l’image de nos parcours respectifs, avec toujours l’envie de partager nos coups de cœur…

Bref, BBmix est de retour et on a plus que hâte !

Marie-Pierre Bonniol : Carrément ! On se voit le 27 et 28 novembre alors, avec un immense plaisir qu’on espère partagé.

* Par l’entremise d’une soirée organisée par Damien Simon du Bon Accueil et Nicolas d’Un je-ne-sais-quoi aux Ateliers du vent à Rennes.

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