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Disques

Julien Ribot – Do You Feel 9?

En 1900, Théodule Ribot – considéré comme l’un des inventeurs de la psychologie moderne en France et aïeul de l’artiste dont il sera ici question – publiait “Essai sur l’imagination créatrice”, la même année que “L’Interprétation des rêves” de Sigmund Freud. Cinq années plus tard, Winsor McCay créait Little Nemo, éternel enfant rêveur qui, l’espace de plusieurs centaines de planches de bande dessinée, parcourut bien des mondes imaginaires, pour nous bouleverser encore aujourd’hui. En 1948, dans le sillage d’Alfred Jarry, se réunissait pour la première fois le Collège de pataphysique, « science des solutions imaginaires », à la postérité jamais démentie. Vingt-quatre ans plus tard, onze mois avant la naissance de Julien Ribot, des centaines de milliers d’adolescents découvraient David Bowie, look androgyne, guitare en bandoulière, le temps d’une interprétation enlevée et historique de “Starman” à Top of the Pops. 

C’est à un jeu d’échos et de références infinies auquel on aura envie de s’adonner,après l’écoute de “Do You Feel 9?”, cinquième album de Julien Ribot, et premier depuis neuf longues années. On l’aura compris, le temps importera peu ici, tant l’univers du Français, débridé et mélancolique à la fois, se joue des formules du passé, pour les magnifier. De l’entêtant morceau-titre à “Neon Juju”, finale discoïde de toute beauté, c’est à une suite de rêves éveillés auxquels nous conviera celui qui est aussi artiste visuel (comme l’attestent ses clips toujours inventifs).

On pourra évidemment penser au Bowie de la période Ziggy, à T-Rex ou Kevin Ayers, mais aussi à Sufjan Stevens pour ce sens aigu de la mélodie, à quelques créateurs ne s’interdisant rien, pour construire un monde, en liberté, affranchi des règles. Ainsi suivra-t-on le récit et les circonvolutions de Neon Juju, créature imaginée des mains de Julien Ribot (et alter ego possible ?), tour à tour émerveillé par la richesse instrumentale de ses compositions, ému par leur fraîcheur et leur expressivité (“Le Rayon vert”). Rendre grâce à l’imagination, ne rien s’interdire, faire confiance à ses visions et, toujours, garder une part d’enfance : « Do You Feel 9? », loin d’apparaître comme un programme passéiste, tourné vers les icônes d’autrefois, est bien une œuvre majeure, régénérante, et, comme dans un mouvement paradoxal qu’appréciera son auteur, de son temps, justement.

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