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Disques

Cat Power – Covers

Après “The Covers Record” en 2000 et “Jukebox”, Cat Power nous offre un nouvel album de reprises, sobrement intitulé “Covers”. La chanteuse Chan Marshall n’a pas son pareil pour sublimer des chansons choisies dans un répertoire plutôt vaste, entre classiques pop, soul, r’n’b et rock. Un disque pour temporiser avant un nouveau recueil de compositions originales, peut-être, mais avant tout une vraie réussite.

Il faut bien l’avouer, les reprises, c’est casse-gueule. Il ne suffit pas de reprendre un tube au ukulélé ou La Compagnie créole en bossa nova ; il faut marquer de son empreinte une œuvre, une chanson qui vous définit, vous ressemble ou vous a forgé. Avec “The Covers Record” puis “Jukebox”, Cat Power ne s’est jamais plantée. Et avec “Covers”, elle clôt superbement cette trilogie d’albums de reprises. Toutefois, si le choix des chansons de ce dernier LP devait définir l’artiste, le portait de Chan Marshall ne serait pas des plus facile à dresser.

Tout d’abord, il y a les évidences, comme Nico (“These Days” écrit par Jackson Browne, assez proche de l’original) ou Iggy Pop. Avec une basse encore plus envoûtante et débarrassé de ses effets « cosmiques », “The Endless Sea”, grand morceau un peu négligé de l’Iguane (tiré de “New Values”, 1979), devient ainsi sexy en diable. Alors que Nick Cave laissait exploser une rage blues-punk à la Violent Femmes sur “I Had a Dream Joe”, Cat Power en donne une version plus angoissante encore, épurée jusque dans les paroles, qui s’envolent, comme les rêves s’échappent au petit matin. Chan Marshall possède le don de révéler la qualité intrinsèque d’une chanson, ses paroles, sa mélodie ou sa force. Simple, avec un léger doublement de la voix, “A Pair of Brown Eyes” nous rappelle (pour les étourdis qui l’auraient oublié) que Shane McGowan, même imbibé jusqu’au trognon, savait écrire de très belles chansons, avec ou sans The Pogues.

Par la sincérité de la voix et l’émotion qu’elle dégage, l’Américaine parvient à faire des siennes des chansons aussi différentes, voire antinomiques, que “Against the Wind” de Bob Seger, héraut d’un rock prolo et franc du collier, et “White Mustang” de sa bonne copine Lana Del Rey, parfait condensé de mélancolie glamour. Du grand art.

Et puis, il y a deux reprises, sublimes, qui ont au moins permis à votre serviteur de (re)découvrir les versions originales. Dans sa réinterprétation de “Bad Religion”, Cat Power « convertit » le (con)texte. Le chauffeur de taxi musulman décrit à l’origine par Frank Ocean devient chrétien, il ne dit plus « Allahu Akbar » mais « Praise the Lord, Alleluia », et la chanson garde toute sa force : « si cela doit me mettre à genoux, alors c’est une mauvaise religion ». Enfin, sa cover des Replacements tire le meilleur partie de son économie de moyens. Un piano spectral et quelques notes de guitare sèche suffisent à magnifier la déjà superbe “Here Comes a Regular”, à l’origine très dylanienne. Tout simplement l’une des meilleures reprises jamais enregistrées par Cat Power. Plus qu’un hommage à tous ces artistes, “Covers” permet de cerner un peu plus une chanteuse décidément attachante et unique.

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