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Sur la platine de Bart Davenport

Le Californien Bart Davenport sort des disques solo depuis vingt ans, mais était resté jusqu’ici un inconnu pour nous. La publication d’“Episodes” sur le label allemand Tapete devrait enfin ouvrir les portes de l’Europe à ce songwriter versatile et doué qui a collaboré avec quelques figures appréciées ici, de Salim Nourallah à Kelley Stolz. On pense aussi à de grands anciens, des Zombies aux Kinks en passant par les Byrds s’aventurant dans le psychédélisme, à l’écoute des douze morceaux du disque, variés, d’un bel allant mélodique, chantés d’une voix douce et sans apprêt. Bart ayant sorti il y a onze ans, déjà sur Tapete, un album de reprises au tracklisting impeccable, on attendait avec curiosité sa sélection. Si l’on n’est pas très surpris d’y retrouver Broadcast, Joan Baez ou de la bossa nova, la palette s’avère bien plus large et démontre une curiosité sans limites : des groupes culte plus ou moins new wave des années 80 comme les Bruxellois de Bernthøler ou les Comsat Angels de Sheffield, de la disco-soul confidentielle (Judi Brown Eyes) et même le regretté Idir, sans doute le plus fameux représentant de la chanson berbère. Congratulations, Mister Davenport!


Cliff Bennett & The Rebel Rousers – Got to Get You into My Life

Tout dans cette vidéo crie « MOD » : les cuivres, les vestes de costume à carreaux, les danseurs et la puissante dérouillée soul que Cliff Bennett administre à ce qui était alors un tout nouveau morceau des Beatles. J’adore l’original mais la version de Bennett est sans doute plus puissante. “Beat Club” était un excellent programme de télévision allemand, dont les archives constituent un véritable coffre aux trésors de grandes performances des années 1960.
(La version à laquelle fait référence Bart Davenport est à voir ici)


Idir & Fatima Zahra – A Vava Inou Va (version originale, 1975)

Il existe d’innombrables enregistrements de cette belle chanson, mais celui qui m’a vraiment captivé est l’original de 1975, que j’ai en vinyle. Les accords de guitare, les riffs et les tonalités sont magnifiques et j’adore les voix masculines et féminines contrastées. Les paroles parlent du confort d’une maison familiale en hiver et la peur d’un monstre qui rôde dehors. Idir est probablement plus connu en France qu’ici aux États-Unis. J’ai l’impression que c’est l’une de ses chansons les plus populaires [ce fut même un succès planétaire, NDLR].


Bernthøler – My Suitor

Il semble qu’il y ait eu un moment dans les années 80 où les instruments classiques/d’orchestre ont été associés avec goût à des synthétiseurs modernes ; le groupe China Crisis en reste un bon exemple. Cette chanson triste et d’une beauté infinie de Bernthøler en est un autre. Les violoncelles aux sonorités baroques sont divins. La performance vocale captivante de Drita Kotaji m’entraîne dans une histoire d’amour impossible et d’obsession. Je pense que les meilleures paroles sont celles qui tiennent la route même sans la musique.


Frank O’Hara reads “Having a Coke With You”

Quel plaisir de voir et d’entendre Frank lire ceci ! Le poème est une proclamation d’amour dans le monde réel, le type d’amour qui fait ressembler les portraits de la peinture classique à un vulgaire tas de peinture. J’avoue que je ne connais pas grand-chose d’O’Hara, mais pour moi qui suis de la côte Ouest, cette approche intellectuelle new-yorkaise old school a quelque chose de fascinant. Je n’étais même pas né quand Frank a lu ceci. Mais cela ressemble à un aperçu d’un moment et d’un lieu particuliers.


Broadcast – Where Youth And Laughter Go (Peel Session, 02/09/2000)

J’ai eu la chance de voir Broadcast deux fois en concert au début du siècle, quand ils étaient à leur sommet, et ils sont sans doute mon groupe préféré de cette époque. Wow, Trish Keenan, quelle femme… qui nous a hélas quittés bien trop tôt. Cette Peel Session de “Where Youth And Laughter Go” est remarquable, et même, à mon avis, encore meilleure que l’enregistrement en studio déjà merveilleux. Avec un son particulièrement cool, la guitare joue une superbe contre-mélodie qui se marie aux “ahh” et “la, la, la” que chante Trish. Je veux juste grimper à l’intérieur de cette chanson et y vivre.


Philip Glass/Sesame Street – Geometry of Circles

Voici un petit souvenir d’enfance. Il s’agit d’une compilation de quatre pièces écrites spécialement pour la célèbre émission de télé américaine “Sesame Street”. J’adore l’idée que Philip Glass ait composé une musique pour les enfants et pour la télévision publique. En écoutant les voix, c’est amusant d’imaginer les chanteurs pendant la séance d’enregistrement, déchiffrant leur partition. La musique de Glass colle parfaitement avec l’animation envoûtante. C’est un excellent exemple d’idées avant-gardistes présentées dans un contexte grand public.


The Comsat Angels – After the Rain

J’ai oublié quand j’ai entendu cette chanson des Comsat Angels pour la première fois, mais je me souviens que j’ai été transpercé, frappé par les paroles et les sons évocateurs. Je peux tout voir en l’écoutant : les rues trempées de pluie derrière la fenêtre, le rayon de lumière lorsque le ciel commence à s’éclaircir… C’est une chanson qui parle de façon métaphorique de traverser quelque chose, de surmonter des difficultés.


Joan Baez – Sweet Sir Galahad

J’adore Joan Baez. Ma mère m’a raconté qu’elle m’avait emmené à l’un des concerts de Joan quand j’avais environ trois ans. Selon elle, je me suis endormie et comme nous étions au premier rang, face à l’artiste, celle-ci avait baissé les yeux et dit : « Tu as un bel enfant » et/ou « Ils sont si mignons quand ils dorment ». Bien sûr, je ne me souviens de rien de tout cela. Je ne dormirais pas pendant un concert de Joan Baez maintenant, car j’ai une très grand admiration pour elle. Sa voix est d’une beauté pure et singulière, son jeu de guitare est toujours parfait et elle interprète quelque chanson que ce soit comme aucune autre chanteuse folk. Alors, la voici en 1969 environ, elle a l’air adorable avec ses cheveux courts, son chemisier boutonné jusqu’en haut et son gilet, chantant l’une de ses rares compositions originales avec cette allure plaintive et sérieuse qui n’appartient qu’à elle. Je pourrais regarder ça encore et encore.


Rosinha de Valença – Consolação (1966)

Ce n’est pas un secret, je suis un fan de bossa nova et j’adore le son chaud et décidé des guitares à cordes en nylon. Cette jam est brillante du début à la fin. Le groupe est génial. J’aime particulièrement le classicisme du jeu de guitare de Rosinha dans l’intro. Et tout ce qu’elle joue est tout simplement adorable. Comme guitariste, je trouve cela très inspirant.


Victoria Williams – You Are Loved (Jay Leno Show, 1995)

J’ai fait la connaissance de Victoria quand j’ai joué avec elle au sein du Sunday Night Band au Pappy & Harriet’s à Pioneertown [restaurant-salle de concert mythique dans le désert de Mojave, NDLR]. Elle jouait là presque toutes les semaines. Contrairement à la plupart des musiciens du Sunday Night, Vic interprétait souvent ses propres chansons et c’était très excitant de l’accompagner. J’ai toujours trouvé ce morceau magique. Nous arrivions au refrain, “You are loved, you are loved, you are really loved”, et c’était la chair de poule assurée. J’ai appris ses chansons en regardant de vieilles vidéos, et celle-ci, de 1995, m’a vraiment marqué. Elle est toute jeune ici, et elle est déjà une artiste excentrique, mais sans prétention et authentique. J’aime ses vêtements amples des années 90, ses cheveux en désordre et sa Stratocaster pleine de rayures, usée par les tournées – dont elle joue encore à ce jour. C’est vraiment génial de la voir accompagnée et soutenue par ces musiciens de sessions super pro. Le label essayait de la pousser un grand coup vers le mainstream. Elle semble avoir bien géré tout ça.


Judi Brown Eyes – Sam (Dirty Long Version)

Rien que pour sa façon de dire les choses telles qu’elles sont, Judi mérite tout notre amour. Une chanson qui commence en douceur, puis nous pousse l’air de rien là où on n’aurait jamais pensé aller : voilà quelque chose qui me parle vraiment. Alors fais gaffe à toi, Sam. Judi te met en garde. Elle s’apprête à déchirer ta carte de fidélité et à annuler l’abonnement que ton pauvre petit cul a pris chez elle. Judi n’est pas du genre à tolérer bien longtemps tes sales combines [“So lookout Sam, Judi is putting you on notice. She’s about to cancel your reservation and put your sorry ass on a permanent vacation. Judi will not tolerate your mess any more”, paraphrase du texte de la chanson, NDLR]


Escape-ism – Rated Z (Song)

Jennifer Juniper Stratford est une artiste vidéo spécialisée dans l’équipement et les effets analogiques. Quand elle réalise des clips, ils semblent toujours nous être envoyés d’une autre galaxie. Celui-ci ne fait pas exception. Dans cette chanson, Ian Svenonious et Alexandra Cabral vous défient de regarder une chose dont la classification est si stricte [Rated Z] que personne n’est littéralement autorisé à la voir ! Je l’ai vue et je ne serai plus jamais le même.


Écouter l’album “Episodes” de Bart Davenport :

Aide à la traduction : Rémi Boiteux.

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