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Swell, propos d’avant-tournée hommage

Il est 14h en Californie, 23h en France, on lance un appel vidéo sur un fameux réseau social qu’on ne nommera pas. Deux visages apparaissent à l’écran, à des milliers de kilomètres de là. Sean Kirkpatrick est apparemment chez lui, et Monte Vallier dans sa voiture (« à l’arrêt », précise-t-il pour rassurer son collègue). On a proposé aux ex-batteur et bassiste des mythiques Swell une petite conversation à quelques semaines du Sunshine Everyday Tour, leur minitournée de reformation européenne qui passera bien sûr par la France (toutes les dates sont ici). Evidemment, David Freel, chanteur, guitariste et seul membre permanent du groupe, ne sera pas du voyage puisqu’il est décédé il y a un an. Un peu comme pour Morphine (sans Mark Sandman), ou plus récemment les Swell Maps (sans Nikki Sudden et Epic Soundtracks) et les TV Personalities (sans Dan Treacy même s’il est toujours en vie), il ne s’agit pas pour les ex-membres de capitaliser sur la légende, mais simplement de faire vivre un répertoire sur scène l’espace de quelques soirées en rendant hommage à celui qui n’est plus là. Et s’il y a un pays où Swell a été compris, apprécié et soutenu, c’est bien la France. Il y a donc de quoi se réjouir de ce retour inattendu, malgré une absence impossible à combler.
Morceaux choisis.


La genèse du projet

Sean : Avec David, on avait parlé de refaire de la musique ensemble, ce devait être en 2017. On devait tourner, je crois même qu’on avait commencé à booker des dates, et puis David s’est retiré de l’affaire… Là, je me suis dit que ça n’arriverait plus jamais. Et puis David est mort, il m’a fallu quelques semaines pour m’en remettre. J’ai alors appelé Monte pour lui demander si ça l’intéresserait de faire quelque chose. Il était partant, on a donc contacté un agent en Belgique qui avait dû organiser toutes nos tournées là-bas quand nous jouions ensemble avec David, histoire de voir s’il y aurait une demande pour nous faire venir. C’était le cas, et nous avons donc monté cette tournée en Europe du 8 au 22 avril : Belgique, Allemagne, France, Pays-Bas et Espagne.

Monte : Au début, on s’est quand même dit que ce serait impossible. Comment peut-on remplacer David Freel ? Sean et moi savions que nous ne pouvions pas prendre un chanteur sorti de nulle part. On y a réfléchi pendant quelques mois, on a pensé à des gens issus de la même scène que nous comme Mark Kozelek (ex-Red House Painters et Sun Kil Moon) ou Mark Eitzel (ex-American Music Club), voire à Thom Yorke (sourire)… Et puis Sean a appelé le guitariste originel de Swell, John Dettman-Lytle [il jouait sur l’album “… Well?”, NDLR]. Il était partant pour nous rejoindre et pour tenir le rôle de chanteur, ce qui permettait de concrétiser cette idée de tournée. Avant la formation de Swell, il a habité avec David, qui lui a appris à jouer de la guitare. Il connaît sa personnalité, les nuances de son chant. Il nous est apparu comme le choix parfait. Bien sûr, personne ne peut sonner comme David mais John fait vraiment du bon boulot, et nous chanterons tous les chœurs pour le soutenir [Niko Wenner, également membre d’Oxbow et qui avait joué sur l’album “For All the Beautiful People” en 1998, complétera la formation, NDLR].

Sean : Nous essayons d’organiser aussi des concerts aux Etats-Unis. Jouer en Californie serait assez facile, tourner dans un aussi grand pays, beaucoup moins… Dans l’idéal, nous aimerions faire au moins une date à San Francisco et une à Los Angeles au retour de la tournée européenne pour profiter de l’énergie et de la cohésion que nous aurons acquises.


Un dernier hommage à David Freel

Monte : Une fois que nous aurons fait ces dates, nous n’avons pas l’intention de poursuivre comme si le groupe s’était reformé. C’est juste un hommage à David et ça devrait être particulièrement émouvant pour nous de rejouer ces chansons. C’est aussi l’occasion de jouer de nouveau ensemble, encore une fois, ce qui n’était pas arrivé depuis trente ans. Et il n’y aura bien sûr pas de nouvel album de Swell, comment cela serait-il possible sans lui ? En revanche, nous explorons les archives pour retrouver tous les morceaux qui sont restés inachevés et toutes les pistes de voix de David. Sean et moi allons essayer de terminer les chansons pour sortir l’an prochain un recueil posthume. Et ça devrait en rester là, l’idée n’est pas de relancer Swell. Il serait toutefois intéressant de travailler sur le back catalogue si nous en avons la possibilité : ressortir les albums qui ne sont plus disponibles, peut-être faire un coffret, ce genre de choses…

Sean : Il y a un chanson inachevée que nous aimerions particulièrement sortir. Nous voulons simplement faire revivre l’héritage de David, sa musique et aussi ses textes. Pour la première fois, j’ai vraiment prêté attention à ses paroles et j’ai été très impressionné par son talent d’écriture, il était particulièrement doué. Il lisait beaucoup Charles Bukowski et ça se sent. David était une personnalité, avec du bon et du mauvais. Quelqu’un d’unique. On a connu des moments difficiles ensemble, et d’autres vraiment incroyables. Quand on a répété pour cette tournée et qu’on a joué “What I Always Wanted”, on a tous ressenti la puissance de ses compositions.

Monte : Nous jouerons seulement des extraits des quatre premiers albums, car ensuite Sean n’était plus dans le groupe. J’étais encore présent sur le suivant, “For All the Beautiful People”, puis Sean est revenu et a participé en duo avec David à “Whenever You’re Ready” en 2003. De mon côté, j’avais joué sur “Everybody Wants to Know”, le sixième album paru en 2001, mais David et moi avions ensuite rompu nos relations et il avait alors effacé mes parties ! Il avait tout réécrit.


Big in France ?

Monte : Dans les années 90, ça marchait plutôt bien pour nous en France. Nous avions aussi un public qui nous suivait en Allemagne et aux Pays-Bas, avec un statut de groupe un peu culte. En fait, nous avions des fans dans toute l’Europe de l’Ouest, la Scandinavie et la Grande-Bretagne. Mais la France était particulièrement réceptive à notre musique.

Sean : Je me souviens que le journal “Libération” nous a beaucoup soutenus. Plus largement, Swell a toujours eu des fans motivés, qui prêtaient vraiment attention à la musique. Nous étions sans doute trop à part, trop isolés pour toucher un public très large, mais je sais que nous avons beaucoup compté pour certains. Les mails et les messages sur les réseaux sociaux que j’ai reçus ces dernières années en attestent. Ça me rend très heureux et ça m’a motivé pour monter cette tournée.

Monte : Difficile de ne retenir qu’un souvenir de nos concerts en France… Nous avons joué dans de grands festivals, les Eurockéennes de Belfort ou la Route du rock de Saint-Malo, et dans d’autres plus petits, à Lille, Toulouse, Bordeaux… Nous gardons aussi un souvenir très fort d’une Black session chez Bernard Lenoir. Nous avions l’impression d’être vraiment un groupe underground et nous étions toujours étonnés de voir autant de spectateurs. Nous espérons que ce sera encore le cas avec cette tournée.
C’était aussi l’occasion de rencontrer des musiciens français, qui parfois étaient fans de notre musique. J’avais d’ailleurs produit le deuxième album d’Erik Arnaud, une bonne expérience. Sinon, je me souviens que nous avions joué à la même affiche que les Little Rabbits, Les Thugs… Je ne me souviens pas de tous les groupes, mais il y en a certains avec lesquels nous sommes restés en contact.


Captations de sons et ambiances cinématographiques

Sean : Sur les premiers albums, nous intégrions parfois des sons ambiants, captés dans la rue, à nos morceaux, pour leur donner une certaine atmosphère. Il y avait de toute façon une telle intensité dans le quartier du Tenderloin, à San Francisco, à l’époque où nous y avions notre studio, qu’elle ne pouvait que s’infiltrer dans notre musique. Le coin était sombre et dangereux. Le studio se trouvait au milieu de tout ça. Il était situé au deuxième étage et on entendait constamment des bruits, des cris de junkies, des coups de feu… Pour “A Town”, un morceau du premier album, David avait juste voulu capter des sons par la fenêtre et les intégrer à la musique. Pour “The Sick Half of a Church”, également sur le premier album, il avait enregistré un type qui gueulait, très énervé… Nous aimions beaucoup le résultat et nous avons poursuivi cette idée sur l’album suivant, sur lequel Monte et moi étions plus impliqués.

Monte : A la base, David était réalisateur, il avait suivi des études à l’école de cinéma de Santa Barbara. Il composait lui-même les musiques de ses films, et avant même la formation de Swell, il captait déjà beaucoup de sons, d’atmosphères de rue, pour ses réalisations. Il disait que finalement il n’était pas devenu cinéaste car ses musiques étaient meilleurs que ses films. Il a donc préféré se concentrer sur les premières.

Sean : Il était aussi un grand fan de “The Dark Side of the Moon” de Pink Floyd, un disque dans lequel il y a beaucoup de bruits intégrés à la musique. Au début de Swell, il disait : « Faisons “The Dark Side of the Moon” 2 ! » (sourire)

Monte : Je n’avais pas encore intégré le groupe alors, mais Sean et moi avons fait de la musique ensemble bien avant Swell. En 1981, nous étions déjà sur scène tous les deux !

Sean : Au fond, c’est une affaire de famille !


Succès/Insuccès

Sean : Je me souviens que David et moi ne croyions pas trop que Swell pouvait avoir un succès massif, alors que Monte avait une idée plus précise de ce que le groupe devait faire. Nous aurions donc dû l’écouter davantage ! (rires) Je sais que pour David, tourner ou donner des interviews n’était pas quelque chose de naturel. Moi-même, j’avais dû arrêter au milieu d’une tournée américaine car j’étais épuisé, on avait joué pendant deux mois en Europe et on enchaînait encore deux mois de concerts… Et Je suis parti avant la fin de l’enregistrement de “Too Many Days Without Thinking”. J’ai quelques regrets, mais bon, « c’est la vie » (en français)… Nous sommes un groupe culte, c’est déjà ça !


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