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Disques

Robert Wyatt – Comicopera

ROBERT WYATT – Comicopera
(Domino / PIAS) [site] – acheter ce disque

 - ComicoperaSaison faste pour les chanteurs sur roulettes : après un nouvel album inespéré de Vic Chesnutt, que l’on peut raisonnablement considérer comme l’un de ses tout meilleurs, c’est à Robert Wyatt, lui aussi cloué depuis de longues années dans un fauteuil, de nous donner de ses nouvelles, quatre ans après "Cuckooland". Malgré la simplicité, l’humilité et la gentillesse de leur auteur, les disques de l’ex-Soft Machine ont toujours quelque chose d’un peu intimidant. La musique qu’ils contiennent ne peut se concevoir et s’apprécier que dans un rapport intime avec l’auditeur, mais, du fameux "Rock Bottom" (1974) à ce "Comicopera", ils paraissent souvent si intimes, justement, qu’on a presque peur d’y entrer, comme si on risquait de déranger. Il faudra encore cette fois-ci plusieurs écoutes attentives (mais peut-on écouter autrement un disque de Robert Wyatt ?), le temps notamment de se réhabituer à cette voix aussi blanche, exténuée et bouleversante que celle de Chet Baker, pour faire le tour de cette heure de musique et estimer qu’il s’agit une fois de plus d’un chef-d’œuvre – à croire que son auteur ne sait de toute façon pas faire autre chose.
En trois actes (intitulés "Lost in Noise", "The Here and the Now" et "Away with the Fairies" – comme pour le titre de l’album, toutes les interprétations sont possibles…), le Grand Schtroumpf de Louth (Lincolnshire) nous parle de lui, de l’Angleterre et de l’état du monde, interprète aussi bien Garcia Lorca qu’Anja Garbarek, revisite ses genres de prédilection – jazz plus ou moins free, rock progressif, chanson populaire, musiques latines – en les fondant dans un idiome qui n’appartient qu’à lui. Les complices habituels – Brian Eno, Phil Manzanera, Paul Weller, et bien sûr sa muse Alfie Benge – sont au rendez-vous, et l’on retrouve avec un émerveillement renouvelé ces harmonies venues d’ailleurs et ces effets sonores qui ouvrent des abîmes d’étrangeté. Le deuxième acte de "Comicopera" se conclut par un "Out of the Blue" à la colère rentrée, celle d’un Palestinien bombardé qui s’exprime à travers la voix de Wyatt : "You have planted an everlasting hatred in my heart" ("Vous avez planté une haine éternelle dans mon cœur"). Suit une dernière partie d’une éblouissante liberté formelle, où le chanteur abandonne l’anglais pour l’italien et l’espagnol. Trente-deux ans après "Ruth Is Stranger Than Richard", qui se refermait sur le "Song for Che" de Charlie Haden, Wyatt rend de nouveau hommage au fameux guérillero en terminant "Comicopera" par une reprise du non moins fameux "Hasta Siempre Comandante". Quoi qu’on pense du Che et des idées politiques de l’artiste, sa version est exceptionnelle : à la fois respectueuse des racines cubaines de l’original et totalement personnelle, à mille lieues de l’exotisme frelaté trop souvent attaché à ce standard, elle offre un résumé parfait du disque et, au-delà, de l’art poétique d’un homme pour qui le message ne prendra jamais le pas sur la musique.

Vincent Arquillière

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