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Lloyd Cole – Interview

 

LLOYD COLE

Autant l’avouer d’emblée, l’auteur de ces lignes doit beaucoup à Lloyd Cole et à ses Commotions. Grâce à eux, il a découvert simultanément, et pêle-mêle : le songwriting, les guitares qui sonnent comme des guitares, le rock écossais, la ville de Glasgow, les concerts de rock, l’existence d’Arthur Lee (cf. « Are You Ready to Be Heartbroken ? »), et même une certaine élégance vestimentaire. D’où un soutien indéfectible au jeune premier devenu bon père de famille, malgré quelques infidélités quand celui-ci se prenait un peu trop pour le chanteur de rock qu’il ne sera jamais. Ces dernières années, cependant (en gros, depuis le magnifique « Love Story » en 1995), les liens s’étaient quelque peu relâchés : loin des yeux, loin du cœur, Lloyd ne donnait plus trop de nouvelles, et on avait trouvé en Josh Rouse ou Joe Pernice d’autres fines plumes amies. Et puis vint ce concert au Café de la danse, l’année dernière, rendez-vous intimiste pour fans, retrouvailles émouvantes avec une vieille connaissance. Qui publie cette année « Music in a Foreign Language », un disque à son image : simple, apaisé, discrètement mélancolique. En dix morceaux, dont l’un emprunté à Nick Cave, Lloyd Cole prouve qu’il reste l’un des meilleurs chanteurs et auteurs de chansons de sa génération, désormais totalement détaché des modes. Et aussi du grand public, qu’il n’a plus vraiment l’âge d’aller draguer, de toute façon.
Profitant de son passage à Paris il y a quelques semaines, on a eu envie de lui poser quelques questions. Une rencontre avec un vrai gentleman, courtois et attentionné, qui – pour reprendre son compliment sur Nick Cave – « fait encore de la musique pour de bonnes raisons ».

Voilà vingt ans que tu es dans la musique. A tes débuts, pensais-tu faire une telle carrière ?
Non, certainement pas. A chaque nouveau disque, je pense que ça va être le dernier. Même « Rattlesnakes »… Avec les Commotions et mes premiers albums solo, ma démarche était très réfléchie : après tel type de disque, je voulais enregistrer tel autre, dans tel style, etc. Aujourd’hui, je ne raisonne plus ainsi. Je prends les choses comme elles viennent, j’essaie juste de sortir des disques qui correspondent à ce que je suis, au moment où je les fais. Mais j’ai toujours des idées nouvelles que je veux réaliser. Pour le dernier album, j’avais beaucoup de matière et il y a des éléments que j’aimerais utiliser pour le prochain disque. J’envisage une optique plus live, plus spontanée, avec Neil [Clark, ex-guitariste des Commotions, ndlr] aux guitares et moi au piano. Je crois donc que je vais encore faire au moins un disque ! (sourire)

Aujourd’hui, quel regard portes-tu sur le Lloyd Cole des premières années ? Certains te trouvaient arrogant…
Disons que je ne m’excusais pas de faire de la musique… Chez certains, l’arrogance et l’infatuation ne servent qu’à dissimuler un manque de talent et de confiance en soi. Ce n’était pas notre cas, je crois que nos disques étaient bons, qu’ils se distinguaient du lot. Si on ne croit pas qu’on est le sauveur de la musique, qu’on peut faire mieux que les autres, il vaut mieux faire autre chose ! Ou alors, on ne fait ça que pour le fric et les filles. Ce n’était pas notre but.

Envisages-tu une reformation des Commotions pour les vingt ans de « Rattlesnakes » ?
Rien n’a été encore décidé, mais c’est vrai que beaucoup de gens commencent à nous dire que nous devrions faire quelque chose. Personnellement, j’ai des sentiments très partagés là-dessus. Ça pourrait être bien si c’est ponctuel et si ça se déroule comme je le souhaite. Bon, je ne pense pas que ça puisse être absolument génial, simplement très plaisant. Forcément, c’est une affaire de sentimentalité et de nostalgie. Et je n’ai rien contre, je comprends qu’on ressorte les albums de Bowie en éditions spéciales pour leur trentième anniversaire… Le problème avec beaucoup de groupes, c’est qu’ils sont obligés de refaire sans cesse des tournées parce que les musiciens ont acheté des voitures de sport à crédit. Ça ne m’intéresse pas. Et puis, si on le fait, il faut que ce soit dans de bonnes conditions, ce qui n’est pas évident. Si ça me prend six semaines pour faire un concert parfait, ça ne vaut pas le coup. Si c’est pour faire dix concerts dans les plus grandes villes du monde, là, c’est différent. Mais il faudrait que Microsoft ou Heineken nous parrainent pour que ce soit rentable, et je les imagine mal faire ça !

Et une réédition de l’album ?
Il y aura certainement une édition spéciale mais je n’aurai pas vraiment mon mot à dire, car je ne suis plus sous contrat avec Polydor. Il n’y aura pas de morceaux en plus car il n’y avait pas d’outtakes. Les quatre principales faces B des maxis extraits de l’album figurent déjà en bonus sur le CD. En revanche, l’album pourrait être remasterisé, car l’édition CD date des débuts de ce support, et on a fait beaucoup de progrès depuis. Ceci dit, ce n’était pas non plus un disque « hi-fi ».

Les concerts solo acoustiques, c’est une façon de dire que tu es trop vieux pour faire du rock, ou au contraire, un retour à la fraîcheur et à la simplicité de tes débuts ?
Je crois que c’est un peu des deux. Ce n’est pas que je suis trop vieux pour le rock, c’est que je ne ressens plus la nécessité d’en jouer. De toute façon, si j’avais continué avec les Negatives [le groupe avec lequel il a enregistré l’album éponyme à la fin des années 90, ndlr], nous aurions arrêté de faire du rock au sens strict. Les Negatives seraient devenus un peu comme les Bad Seeds. Cette notion est de toute façon ambiguë. Quand on parle d’un groupe de rock live, on pense au bruit, au chaos, à la spontanéité. Mais il y a beaucoup plus de chaos et de spontanéité dans mes concerts acoustiques ! Je n’ai pas de liste de chansons préétablie, j’improvise beaucoup. Je suis très proche du public, c’est quelque chose que j’apprécie. J’aimerais bien refaire aussi des concerts avec Neil. Là non plus, pas besoin de setlist : il connaît tellement bien toutes les chansons qu’au bout de deux mesures, il sait ce que je suis en train de jouer.

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