Loading...
disques

Polar – Interview

 

Rendez-vous pris dans les locaux d’Éphélide, rue de Richelieu, à deux pas de la Comédie française. Eric Linder arrive juste derrière moi. N’ayant pour souvenir visuel que celui de la pochette de « Somatic », sa dernière livraison discographique, où il apparaît en petit et en bichromie, bonnet vissé sur la tête, je ne l’ai pas reconnu. Grand, affable, le regard clair, il me serre la paluche et nous nous asseyons au creux de fauteuils confortables pour l’interview.

Même si la question est routinière, peux-tu nous raconter comment tu es venu à la musique et ce que tu as fait jusqu’à tes premiers exercices en solo ?
Je suis né en Irlande, j’ai grandi à Carlow, un petite ville au sud de Dublin, puis quand j’ai eu dix ans environ, mes parents sont venus s’installer à Genève. Mes premiers contacts avec la musique ont été ceux d’un auditeur, lorsque j’écoutais les gens de ma famille chanter des airs traditionnels dans les réunions de famille. J’ai toujours été impressionné parce qu’il ne s’agissait pas pour eux d’être des « chanteurs », mais de faire passer l’émotion. Au début, je ricanais quand ça chantait un peu faux mais j’ai compris que ce n’était pas là que ça se jouait. Être dans l’émotion, rester au plus proche de soi-même est toujours resté pour moi un « guide line » par la suite. Ensuite, je suis finalement venu à la musique assez tard, parce que jusqu’à l’âge de vingt ans environ, j’étais très engagé dans le sport : je faisais de l’athlétisme, de la course à pieds, du 800 m, jusqu’à un niveau national. Puis, je me suis mis à la musique, un peu comme au sport, j’ai fait ça à fond, parce que ça me paraissait impossible de faire autrement. J’ai commencé à faire de la musique seul, puis j’ai été engagé dans différentes aventures collectives. Mais très vite, je me suis lassé des compromis et j’ai réalisé que ce n’était pas comme cela que je devais fonctionner. J’ai alors vendu beaucoup de choses que j’avais pour acheter du matériel d’enregistrement, un huit pistes, et j’ai alors fait mon premier album (dénommé « 1 », va sans dire, ndlr). Simplement ma voix, une guitare, deux autres personnes étant venues m’accompagner. C’était le début d’une aventure qui est devenue ma passion. J’ai enregistré un second album dans une petite maison, à la montagne (le remarqué « Bi-Polar », ndlr).

L’album « Somatic » a été finalisé et est sorti une première fois en Europe il y a un bon moment, il arrive seulement maintenant dans les bacs français. C’est peut-être une situation un peu étrange d’avoir à promouvoir quelque chose qui est déjà pour toi de l’histoire ancienne ?
En fait, je suis content qu’il sorte. Déjà après la parution du second disque, lorsque je croyais que j’allais pouvoir passer à la suite, le disque est à nouveau sorti chez Warner, en Allemagne, et cela a pris une tout autre dimension, j’ai été amené à faire de la promo et des tournées dans d’autres territoires. Tout cela a pris presque quatre ans. C’est le reflet de la réalité du marché du disque. Quand on n’est pas U2, REM ou Madonna, et qu’on n’a pas la perspective d’une sortie mondiale, le même jour, à la même heure, c’est inévitable. Et encore, en France, le marché de la chanson française reste un peu clos, les possibilités à l’export sont limitées. Quand on chante en anglais, comme moi, les choses deviennent plus compliquées, les sorties de disques sont graduelles. Chaque pays attend les résultats du pays d’à côté pour savoir comment ça marche et investir à son tour. Ce disque, j’aurais aimé le sortir plus vite, mais entre temps, il s’est passé tellement de choses. J’ai participé en Suisse à un projet important, j’ai fait un spectacle pour l’événement qui s’appelait l’Expo 02, l’équivalent des expos universelles ; des artistes, des architectes, des metteurs en scène, des scientifiques ont été mandatés pour être les curateurs d’un projet autour de la question : quel est le rêve de la Suisse en 2002 ? Je suis rentré dans ce projet-monstre pour monter un concert-spectacle avec un groupe de handicapés mentaux, ça s’appelait « Halbtraum », demi-rêve, cette zone entre le rêve et l’éveil, je m’y suis investi profondément avec en même temps la sortie et l’avancée projet de « Somatic ».

Je trouve que le disque est un mélange assez réussi et ingénieux de folk et d’electronica. Comment t’es-tu engagé dans cette direction ?
M’étant mis à la musique tard, j’ai longtemps été un auditeur et en Suisse, il y a depuis longtemps une culture de la musique électronique, très proche de la culture techno allemande. A Genève, il y a un très bon magasin de disques électroniques, Mental Groove, qui est aussi un label ayant pas mal influencé les artistes suisses et genevoix en particulier. Ce sont les choses que j’ai écoutées qui ont commencé à s’immiscer dans ma musique, assez naturellement. Sur le deuxième disque, il y avait déjà de l’électronique, mais je ne l’utilisais pas vraiment comme un instrument. J’utilisais plutôt des pré-programmations existantes, sur de petits claviers Casio ou Yamaha, ces espèces de rythmiques un peu métronomiques. C’était ma porte d’entrée. Avec « Somatic », c’est surtout le fait d’avoir un ordinateur et de savoir l’utiliser, d’avoir collaboré avec Vincent Hänni, un super compositeur de musiques électroniques expérimentales, qui programme et fait des instruments, qui m’a permis d’avoir une utilisation de l’électronique plus créative. Tous les sons que tu entends sur le disque ont été créés, certains à partir de rien, certains à partir du ronronnement de la machine, du faux silence qu’elle établit. Ca donne ces petits bruits statiques, ces petits craquements qui traînent dans le disque. J’ai aussi samplé la guitare électrique pour créer un nouveau son, méconnaissable, à partir d’elle. Donc plutôt que d’aller sampler dans d’autres disques, j’ai créé un nouvel environnement qui était celui que j’avais envie d’entendre.

 

Laisser un commentaire

Votre adresse e-mail ne sera pas publiée. Les champs obligatoires sont indiqués avec *