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Piano Magic – Interview


 La scène se passe dans un bar du centre de Paris. La musique est un peu forte et donne allégrement dans l’eurodance eighties la plus putassière. Les bières défilent. Je suis avec Glen Johnson, Jérôme Tcherneyan et Angèle David Guillou (dite klima), soit à peu près la moitié de Piano Magic au dernier recensement. Bien que sortant à peine de la difficile épreuve du blind test que viennent de leur faire subir les collègues de Magic, Glen et ses deux acolytes répondent sans sourciller et avec humour aux questions sur le fonctionnement du groupe et les spécificités de « Disaffected« , très réussi dernier album en date (que je vous conseille).

Attends une seconde, ne me prends pas en photo…

Donc, Glen, tu es né en…
(rires) En 1942 ! Non, je suis né en 1967, je suis bien un enfant des sixties…

Tu peux me parler un petit peu de tes premières aventures musicales ? Je crois savoir que tu jouais dans un groupe nommé Octoberine…
Au début des années 80, j’ai commencé à m’intéresser sérieusement à la musique, à la musique synthétique. J’écoutais Soft Cell, Cabaret Voltaire ou The The. Matt Johnson faisait de la musique synthétique avant The The, il avait sorti un album solo chez 4AD. J’aimais beaucoup tous ces trucs, et j’ai eu envie de m’y mettre. Je me suis acheté un clavier et j’ai commencé à enregistrer des marches funèbres sur le magnétophone de mon frère. J’ai fait ça pendant des années ! Ensuite j’ai déménagé à Nottingham et j’ai rencontré des gens, avec lesquels je passais pas mal de temps à écouter des disques, à regarder des vidéos. Je leur ai fait découvrir 4AD en particulier. Et un jour, nous avons monté un groupe qui s’appelait the Head Births. Nous avons fait environ une vingtaine de concerts, très bruyants, entre Dinosaur Jr, AC Temple, qui étaient de Nottingham aussi, et Sonic Youth. Ensuite, le groupe s’est séparé et avec ma petite amie de l’époque et son frère, qui est le batteur de Life Without Buildings, que j’ai signé quinze ans plus tard, nous avons formé un groupe plus calme, nommé Octoberine, plus dans le style de Felt.

Un groupe qui ne faisait de concerts qu’en octobre si j’en crois la légende ?
(rires) Non, en fait on s’appelait comme ça parce qu’on était tous né en octobre…

Et toi, Jérôme ?
Jérôme : Je me suis mis vraiment à la musique vers quinze ans, en écoutant des choses très différentes, Public Enemy ou the Cure. J’ai commencé à jouer de la musique à cette époque-là. J’en jouais sans penser en terme de groupe, de chanteur. Voilà. Je suis très heureux de jouer avec Glen.

Comment vous êtes vous rencontrés ?
Ils cherchaient un chauffeur pour les conduire sur une tournée. Nous avons passé quinze jours ensemble en Allemagne, et quand nous sommes rentrés, j’ai commencé à jouer avec eux, des claviers et des percussions. Je m’intéressais essentiellement à la musique auparavant, je suis heureux d’avoir rencontré Glen, qui lui est intéressé par le format chanson, par les paroles, un domaine auquel je n’avais jamais touché. Moi, mon truc, c’était plutôt les morceaux à la Spacemen 3, des titres de vingt minutes qu’on jouait toute la nuit…
Glen : Et toi, Angèle ?
Angèle : …

Tu réserves ta réponse pour les interviews de klima à la sortie de l’album ?
Angèle : Voilà !

Au début, tu disais que Piano Magic était un « home recording project ». Est-ce que cela en est toujours un, d’une certaine façon ?
Glen : Jérôme a un studio d’enregistrement qui est à une minute de chez moi, et à une minute de chez le bassiste. Donc nous vivons dans une sorte de triangle à Londres. je vais chez Jérôme pratiquement tous les jours. Il a une bonne installation ProTools sur laquelle nous pouvons enregistrer. Quand nous voulons enregistrer le groupe en entier pour un album, nous allons dans un studio qui s’appelle Fortress, et qui est à dix minutes de chez nous ! (rires)
Nous enregistrons entre la moitié et les deux-tiers d’un album dans un vrai studio, qui coûte beaucoup d’argent, pour obtenir un son live, et les choses plus calmes sont enregistrées à la maison. Au début de Piano Magic, j’enregistrais sur un magnéto 4 pistes à cassette, en plastique. On entendait le son de la pièce dans laquelle on enregistrait, les bruits du dehors, des craquements… On peut entendre la pièce (« You Can Hear The Room » en anglais, titre du premier morceau du nouvel album, ndlr), réellement. J’aime beaucoup ça.

Est-ce que cela a une influence sur la façon dont tu composes ? Est-ce que tu composes de nouvelles chansons en jouant de la guitare sur ton lit ou en expérimentant sur un ordinateur ?
Jérôme s’assied dans son studio et écrit des musiques. Cédric, en particulier, compose des séquences pour le groupe. Moi, effectivement, je prends ma guitare acoustique et je compose chez moi. Certains jours, je me dis : « tiens, il est temps d’écrire deux chansons », j’écris les paroles, les accords et je les emmène à nos répétitions hebdomadaires, et je dis « écoutez ça ! ». Parfois, ils font comme si je n’étais pas là et comme s’ils n’avaient rien entendu, d’autres fois, ils disent « ça sonne pas mal, laisse-moi la démolir avec cette ligne de basse ! » ou « laisse-moi ajouter un solo de guitare ». On est trois à apporter des idées qu’on a eues de notre côté, et ensuite on essaie de converger.
Jérôme : avec le temps, on se connaît de mieux en mieux. Quand Glen compose quelque chose chez lui, il a souvent une bonne idée de ce que je vais pouvoir apporter au morceau. Ca nous aide à savoir où l’on va.

C’est un peu nouveau, le fait que la formation soit assez stable pour que ce genre de connaissance mutuelle s’établisse ?
Glen : Tu connais réellement quelqu’un quand tu pars en tournée avec lui. Tu voyages avec lui, tu fais les balances avec lui, tu fais les concerts avec lui, ensuite tu traînes avec lui…
Angèle : Parfois même tu dors avec lui…
Glen : Des fois, tu dors avec lui, quand le promoteur du concert n’a pas beaucoup d’argent. En qui ce qui me concerne, je n’ai jamais partagé de lit avec un homme. Je suis profondément hétérosexuel… quant au reste du groupe… (rires)… Comme on habite très près les uns des autres, on se voit très souvent. Il y a peut-être plus de détachement vis à vis de Franck, qui habite plus loin, donc on le voit moins. Jérôme, Cédric et moi, nous nous voyons vraiment souvent, ça nous aide à savoir où nous allons. Et c’est une bonne formule, ça donne de bonnes fondations au groupe. Ensuite, les autres, qui ont de multiples activités, peuvent apporter leur grain de sel, comme Angèle… Angèle, de klima, dont l’album va sortir chez Vertical Forms…
Jérôme, épelle : k… l… i… m… a… (rires)

Mais donc, la formation n’évolue plus autant que c’était le cas aux débuts du groupe…
Jérôme : on pense à virer Glen Johnson, c’est le seul moyen de progresser…
Glen : c’est intéressant, car j’ai toujours eu ce rêve que je ne ferais pas ça plus de dix ans. Mais je n’arrêterais pas le groupe, j’arrêterais juste de jouer dedans.

Un peu un plan à la Felt ?
Oui, en quelque sorte. J’aimerais laisser le groupe à quelqu’un d’autre, à Jérôme par exemple. J’aimerais ne pas apparaître sur un disque de Piano Magic. Un jour, j’aimerais bien être dans le public d’un concert, à regarder le groupe jouer. Ce serait un sentiment étrange mais assez agréable, je pense que j’apprécierais. Je gueulerais : « non, ce n’est pas le bon accord !! ».

Aux débuts du groupe, tu demandais à d’autres de venir chanter sur les albums du groupe, et puis tu t’es mis à chanter de plus en plus… Tu t’es découvert en tant que chanteur ?
Techniquement, je ne suis pas un bon chanteur, et j’en ai toujours été très conscient. Mais j’ai fini par réaliser que j’étais la personne la mieux placée pour chanter mes propres paroles. Angèle est juste derrière, mais c’est une personne très importante dans ma vie. C’est soit à moi soit à elle de transmettre ce que je ressens. Bien sûr, de temps en temps, je demande à Vashti ou à John Grant de venir chanter car ils apportent quelque chose d’essentiel à Piano Magic. Je pense qu’il n’est pas très important que ma voix ne soit pas techniquement parfaite, tant qu’elle me permet d’exprimer au mieux ce que je ressens. Plus le temps passe, plus j’ai l’impression de progresser pour m’exprimer. Les gens ne se plaignent pas tant que ça, d’ailleurs.
Angèle : Déjà, à l’époque de « Writers Without Homes », Paul Anderson, le chanteur de Tram était venu chanter une chanson, et sa version était très bonne, mais la tienne l’était déjà également.

Je trouve que la version de « St Marie » sur « The Troubled Sleep of Piano Magic » chantée par toi est bien meilleure que celle chantée par Alan Sparhawk sur le single…
Beaucoup de gens n’arrêtent pas de dire ça. C’est très étrange, ce type est… La différence, c’est que quand je chante cette chanson, je réussis à y apporter de l’émotion, lui, je ne pense pas, même s’il chante parfaitement, d’un point de vue technique.

Il la « sur-chante » peut-être, non ?
Glen : Il la chante comme Alan de Low. Il n’est pas vraiment concerné autant que moi par les paroles. J’aime toujours ce qu’il a fait, mais c’est une chanson à propos de moi, pas à propos de lui, c’est probablement là, la différence.

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