Loading...
Disques

Yo La Tengo – Prisoners of Love

YO LA TENGO – Prisoners Of Love
(Matador) [site] – acheter ce disque

YO LA TENGO - Prisoners Of Love Il fallait bien un triple cd pour revenir aujourd’hui sur l’un des parcours les plus excitants et exemplaires d’un des meilleurs groupes du rock U.S. de ces quinze dernières années.
Je dis quinze, car même si le groupe originaire d’Hoboken a publié son premier single en 85 ("The River of Water" présent ici) et son premier album en 86 (Ride the Tiger), c’est véritablement avec "Fakebook" en 1990, soit trois albums plus tard, que Yo La tengo sortit définitivement de la sphère new-yorkaise des groupes gentiment matheux et arty.
Avant "Fakebook", le groupe était un peu comme les Feelies dernière période (auquel Yo La Tengo doit sans doute beaucoup et pas seulement parce qu’ils sont originaires de la même ville – Dave Schramm, ancien guitariste des Feelies jouait sur les premiers albums du groupe avant qu’il soit un trio) se cherchant dans un folk-rock de bon aloi, entre Neil Young et les ballades du Velvet Underground (on n’est pas fan des Modern Lovers pour rien chez les Kaplan/Hubley) mais sans grande véritable passion et ne suscitant, malheureusement, pas l’engouement escompté.
La suite est mieux connue et plus intéressante et cela dès l’album suivant "May i sing with Me" en 91. Précurseur du grunge, des manifestes lo-fi du début de la décennie 90, et du post-rock de la fin des nineties (d’après Ira Kaplan, son groupe constituerait le chaînon manquant entre Tortoise et Johnny Cash), le groupe, à partir du début de la décennie quatre-vingt dix et avec une poignée de disques aussi puissamment libres qu’inspirés, prendra un virage rock radicalement salvateur en injectant dans son évidence pop quelque chose de beaucoup plus rugueux, influencé peut-être en cela par des formations aussi emblématiques que Sonic Youth ou My Bloody Valentine, et deviendra l’un des groupes les plus passionnants et originaux de son temps (comme nous le montre en seize plages le génial "I Can Hear the Heart Beating as One" de 1997, certainement son meilleur disque).
Cette compilation arrive à point nommé pour nous le rappeler et pour, en quelquese sorte, dresser le bilan de l’apport musical du groupe après une double décennie d’une pop sonique et véritablement avant-gardiste (il faudra par exemple s’arrêter sur la reprise absolument délirante du "Nuclear War" de Sun Ra, présente ici sur le disque deux).
Compilation pléthorique (trois disques, 42 titres sur plus de trois heures), le programme aligne, comme les perles de nacre sur un collier d’argent, les morceaux de bravoure de leurs différents disques (les vrais hits du groupe comme le "Blue Line Swinger" et le fantastique "Tom Courtenay" d’"Electro-O-pura" ou l’hymne grunge "Big Day Coming" tiré de Painful), quelques titres issus des différents e.p.’s ("Shaker" (93), "Little Honda" (98) et "Nuclear War" (2002)), les reprises (elles ont fait beaucoup pour l’histoire du groupe : qu’elles soient de George McCrae, de Julie Covington, des Cosmic Rays ou de Jad Fair) ainsi qu’une flopée d’inédits absolument indispensables (comme par exemple le remix électro-lo-fi de "Autumn Sweater" par Kevin Shields ou la version acoustique chantée par Georgia de "Tom Courtenay" – présente donc ici en deux versions).
Mais ce disque-somme insiste surtout et avant-tout sur l’art maximaliste du groupe et ses folles tendances. On pourra ainsi entendre, au fil des pistes, les éléments pop se greffer sur du rock (le quasi-Stoogien "The Story of Jazz"), sur du rock psychédélique ("Sugarcube"), du kraut-rock ("Blue Line Swinger"), du néo-folk vénéneux ("Pablo and Andrea", tout en nonchalance velvetienne), du noise-rock (l’instrumental douillet "I Heard You Looking" qui finit en délice sonique), du free-jazz, des chœurs doo-wop ("Tom Courtenay", Le morceau qui donne envie de chanter le matin), du simili-trip-hop mélancolique à souhait (le mix original de "Autumn Sweater"), de l’easy-listening (l’enchanteur "Season of the Shark" du dernier album en date – un des sommets de cette compilation), de la power pop ("Upside-Down" et son duel vocal redoutablement efficace) etc. Folles tendances qui ont su créer ce mix jamais ennuyeux et reconnaissable entre mille qu’est au fond la musique de Yo La Tengo, entre grand écart pop, posture avant-gardiste et expérimentation tous azimuts. Ce qui n’est après tout pas si courant dans la pop-music d’aujourd’hui. C’est d’ailleurs le troisième disque (celui de l’édition limitée), sur lequel figure le remix de Shields, la reprise "post-hardcore-noise" de "Bad Politics" des Dead C. et pas mal de out-takes des moments fastes de leur discographie, qui est véritablement le témoignage le plus intéressant de l’esthétique expérimentale et trans-genre de Yo La Tengo.
Une belle leçon d’éthique musicale en tout cas, en ces temps si frileux pour l’hybridation pop, qui devrait faire beaucoup de bruit dans les lycées, les universités et partout ailleurs.
Car qu’on se le dise une bonne fois pour toute : Yo La Tengo est de nouveau prêt pour une toute nouvelle double décennie d’aventures dans la musique moderne.

Sylvain Courtoux

Shaker
Sugarcube
Barnaby, Hardly Working
Little Eyes
Stockholm Syndrome
Our Way to Fall
From a Motel 6
Swing for Life
Tom Courtenay
I Heard You Looking
You Can Have It All
Did I Tell You

The River of Water
Autumn Sweater
Big Day Coming
Pablo and Andrea
Drug Test
Season of the Shark
Upside-Down
The Summer
Tears Are in Your Eyes
Blue Line Swinger
The Story of Jazz
Nuclear War (version 1)
By the Time It Gets Dark

Stay Away From Heaven – from the film "Invisible Circus", original soundtrack released on Chapter II)
Pencil Test* – I Can Hear The Heart… session track
Almost True* – And Then Nothing… session track
Tom Courtenay (acoustic) – Camp YLT EP
Big Day Coming (demo)*
Dreaming* – used in the film "Ode"
Bad Politics – Tom Courtenay single
Blue-Green Arrow – Earworm 7"
Decora (acoustic)* – KCRW Morning Becomes Eclectic session, circa ’95
Out The Window (original version) – That Is YLT EP
Weather Shy – from the film "Invisible Circus"
Dreams – Chemical Imbalance cover mount 7"
Autumn Sweater (remixed By Kevin Shields) – Autumn Sweater EP
Ashes On The Ground – From A Motel 6 EP
Mr. Ameche Plays The Stranger – Camp YLT EP
Magnet – from the NRBQ tribute album ‘The Q People’ (Spirithouse Records)

——————————————————————————–

Laisser un commentaire

Votre adresse e-mail ne sera pas publiée. Les champs obligatoires sont indiqués avec *