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Orwell – Interview

En avril dernier, Orwell sortait son deuxième album, « L’Archipel ». C’est le jour même de sa sortie que je rencontrais le groupe, en reconnaissance gastronomique au restaurant de la Maroquinerie, salle dans laquelle il devait jouer deux mois plus tard. Je me souviens, j’étais presque aphone. Heureusement, de son propre aveu, Jérôme Didelot, porte-parole du groupe, n’a pas sa langue dans sa poche… Le groupe est en concert (gratuit) ce mardi 13 décembre 2006 en compagnie des Heavy Blinkers à la Flèche d’Or.

Il faut que je surveille mon langage… En relisant la dernière interview, j’ai remarqué que je faisais plein de redondances, j’ai eu l’impression que je parlais comme un charretier. Je t’écoute, Guillaume.

Tu as exactement quarante-neuf minutes et cinquante quatre secondes pour t’exprimer et tu n’es pas obligé d’utiliser tout ce temps. Il y a pas mal d’eau qui a coulé sous les ponts entre le premier et le deuxième album… Tu peux nous résumer ce qui s’est passé ?
C’est vrai qu’on ne s’est pas précipité pour faire le deuxième disque. Il y a plusieurs raisons à cela, tout d’abord le fonctionnement du groupe : on était un groupe non signé qui menait sa barque tout seul, donc forcément les choses prennent plus de temps, il était difficile de rebondir tout de suite, de repartir immédiatement en studio. Moi j’ai une politique par rapport à ça, qui est d’attendre que les chansons vaillent la peine d’être enregistrées. Pour le premier album, c’est facile, car tu as des chansons qui remontent à loin donc tu peux faire un peu le tri, là où ça peut être un petit peu préjudiciable, c’est que l’album n’est pas forcément cohérent. Pour un deuxième disque, on n’a plus rien, on a tout mis dans le premier donc il faut repartir à la base. Ce qui est intéressant, c’est que tu peux alors trouver une sorte de cohérence. Comme tu vas d’un point à un autre, tu sais qu’au bout de deux ans, tu dois arriver à quelque chose. En plus de tout ça, on a participé à d’autres projets. On a fait un disque de musique électronique, qui est un peu plus celui de Thierry mais auquel on a tous participé, sous le nom de Variety Lab. On a aussi travaillé avec Hugo dont l’album va sortir j’espère bientôt. On était quand même dans un climat de travail permanent qui a permis de prendre un peu de recul par rapport à ce qu’on faisait pour Orwell et d’attendre d’avoir vraiment douze chansons suffisamment bonnes à notre sens pour figurer sur un disque… Ai-je répondu à la question, je ne sais pas…

Il faut que j’enchaîne là… Surtout que je suis en train de perdre ma voix…
Si tu veux, je peux continuer à parler, je suis intarissable.

Pour ce deuxième album, vous avez changé de statut, vous êtes passés de groupe non signé à groupe signé…
Demi-signé on va dire, car on reste co-producteurs du disque. De toute façon, on a une approche de la carrière d’un groupe qui est différente de celle d’un groupe de jeunes types de vingt ans qui viennent de sortir un truc sur le marché. Nous, tout ce qui nous importe, c’est de sortir des disques qui nous ressemblent et de franchir des paliers, à chaque disque, avancer doucement mais sûrement. On avait eu du mal à assumer seuls tout ce qui s’était passé pour le premier disque, avec une structure associative, parce que quand il s’agit d’aller faire des concerts aux Etats-Unis ou d’assurer en face d’interlocuteurs étrangers pour la distribution du disque, c’est un peu lourd, surtout une structure aussi branlante que la nôtre. Là, il était vraiment impératif qu’on trouve une structure sur laquelle s’appuyer. On a eu la chance de trouver un jeune label qui avait envie de démarrer des projets, on s’est rencontré au bon moment. Nous, ça nous a permis de nous concentrer sur des choses plus essentielles, plus musicales. Là, je suis beaucoup plus serein qu’à la sortie de « Des Lendemains », où j’avais vraiment pas mal de pression à titre personnel, parce que je m’étais énormément investi non seulement dans le disque mais aussi dans tout ce qu’il y avait autour. J’étais épuisé en fait, moralement et financièrement. Aujourd’hui, c’est plus simple.

Entre temps, il y a eu plus de « reconnaissance », par exemple le FAIR…
Oui, c’est sûr que ça participe de l’évolution de la carrière du groupe. Ce n’est pas super impressionnant pour quelqu’un qui prendrait l’exemple d’un groupe qui passerait tout le temps à la radio. On n’a fait aucune couverture de magazine, mais pour nous c’est très valorisant, ce genre de petites victoires. Le FAIR, ce n’est même pas une petite victoire en fait, c’est quelque chose de très intéressant. Mais nous, vraiment, nous sommes des musiciens de peu, comme on dit un homme de peu. A partir du moment où l’on fait la musique que l’on a envie de faire et qu’ensuite on la lance là où on veut bien l’attraper… On n’a pas du tout une approche carriériste. C’est très valorisant de savoir qu’une fois qu’on a fait nos petites chansons dans notre petite ville de l’est de la France, elles peuvent voyager et avoir de la reconnaissance en France ou ailleurs.

Justement, comment tu vois le public d’Orwell ?
Je vais parler du public qu’on n’a pas avant de parler de celui qu’on a. J’ai l’impression que certaines personnes sont « refroidies » par ce qu’on fait, du fait qu’on peut l’assimiler à une forme de variété – j’en suis tout à fait conscient et pour moi ce n’est pas du tout un problème. Effectivement, le terme a une sonorité un petit peu perturbante et péjorative dans le milieu indépendant. Je trouve ça dommage… Burt Bacharach, c’est de la variété, de la variété des années 60 à une époque où la variété était de très grande qualité, mais il y a beaucoup de gens qui considèrent que c’est de la musique pour cocktails. J’aimerais bien que les gens évitent de s’attarder sur les premiers signes que peuvent inspirer nos chansons, surtout les chansons en français, parce qu’il est effectivement plus risqué de faire les chansons qu’on fait en français qu’en anglais. Bizarrement, la même chanson chantée en anglais va s’inscrire tout à fait dans une logique de pop indépendante alors que chantée en français, les gens vont se dire « c’est de la variété ». C’est presque un challenge pour nous de chanter en français, mais je pense que ce serait un peu stupide pour nous de chanter tout en anglais, parce que les choses intéressantes que je peux exprimer, j’ai quand même plus d’aisance à les exprimer en français. Et puis comme ce n’est pas une veine qui a été beaucoup exploitée de faire des chansons mélodiques chantées en français, je pense que c’est intéressante que nous, on persévère. Les exemples en la matière ne sont pas très rassurants, les rares groupes qui ont essayé se sont plantés à un moment ou à un autre.

Tu penses à qui ?
Les Innocents par exemple.

Mais ils ne se sont pas plantés au niveau artistique ?
Non, non. Ce qui est malheureux c’est que la courbe des ventes est inversement proportionnelle à celle de la qualité artistique. Les gens ont du mal à admettre qu’une certaine forme de pop – on va employer ce terme, à défaut – puisse être interprétée en français. En plus de tout ça, les textes que j’écris en français ne s’inscrivent pas dans une tradition d’école. J’essaie de faire ma petite popotte avec la sonorité de ma voix, ce que j’ai envie de dire, ce qui me semble bien sonner dans ma bouche. J’ai construit une espèce de petite méthode à moi qui doit faire ses preuves. C’est parfois un peu abstrait et ça peut laisser perplexe, mais il est important de trouver sa voie quand on chante en français.

Là, tu parlais de l’auditeur français ou francophone, mais Orwell a aussi su trouver son public ailleurs. Comment le vois-tu, cet auditeur non francophone ?
Très sincèrement, je ne sais pas.

Dans l’interview qu’on avait faite il y a trois ans, tu avais dit que tu t’attachais surtout aux sonorités des mots, sans que ce soit décoratif…
J’essaie quand même de construire une certaine logique, que les chansons aient une cohérence les unes par rapport aux autres. J’espère que ça rejaillit sur le texte que j’ai écrit pour POPnews afin de décrire les chansons. J’y réfléchis, bon sang !

Tu donnes une explication du titre « L’Archipel » dans ce texte, justement. Est-ce qu’on peut parler d’album concept alors ?
Alors non, parce qu’au début, quand j’ai choisi ce titre, je savais que les chansons étaient assez disparates, qu’il y avait une forme de risque à présenter à la fois des chansons chantées en français et des chansons chantées en anglais, des chansons comme « l’Archipel », assez intimiste, avec des chansons d’un format plus pop, beaucoup plus classique. Je me suis dit que finalement, ces chansons avaient une cohérence d’écriture, de style, mais qu’elles étaient très différentes. Je me suis dit que la métaphore de l’archipel pouvait être valable pour une collection de chansons. J’ai surtout pensé à ça au départ. Les sens annexes se sont construits au fur et à mesure. C’est vrai que j’ai du mal à concevoir un auditeur standard. Je pense très sincèrement qu’on peut être écouté par des gens très différents, que des gens qui s’intéressent à la musique de très loin, qui ont une discothèque très réduite, au même titre que des gens plus pointus peuvent être réceptifs à notre musique. Ca me plaît beaucoup. Si quelqu’un qui a juste des disques de Francis Cabrel et Gérald De Palmas achète notre disque, ça me plaît. L’idée d’avoir des auditeurs qui appartiennent à une certaine caste ne m’obsède pas. Maintenant, si on a que des fans de De Palmas comme auditeurs, ça sera peut-être plus inquiétant. Mais ça ne semble pas encore être le cas (rires).

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