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Dgiz – Portrait

DGIZ

Dgiz

Au départ, il était question d’une interview de Dgiz au Point Ephémère à l’occasion de son concert avec Daniel Yvinek (producteur de Brisa Roché), Cyril Atef (Bumcello) et Marco Prince (FFF) dans le cadre du festival de jazz de la Villette. A l’arrivée ce sera un portrait, à défaut. Pourquoi ? La faute à mon p… de dictaphone qui ne trouve rien de mieux que de me lâcher au tout début de la conversation. Reste de belles photos prises par Julien sur les quais du Canal Saint-Martin et des notes griffonnées à la va-vite au dos d’un communiqué de presse pour ne pas perdre le fil de la pensée de Dgiz. Adepte des croisements en tout genre, l’homme qui déclare faire du RUP (Rap d’Utilité Publique) n’a pas son flow dans sa poche. Rencontre.

DgizHors
Avant d’aimer les mots et les rimes, Dgiz aimait faire des bêtises. Un petit gangster de banlieue qui a fini sa course en prison à la fin des années 90. Ado, le jeune homme originaire de Gennevilliers regardait l’émission "Hip Hop" de Sidney à la télé. Puis, il est tombé dans le rap américain east et west coast de la fin des années 80. "Cette culture me parlait ". De fil en aiguille, entre deux frasques, il s’est mis à rapper dans son coin sans trop penser au lendemain. La prison lui a mis du plomb dans la cervelle. Elle l’a poussé à écrire des vrais textes, rapport intime avec les mots dans un espace confiné. A sa sortie, ce fut la rencontre avec le DJ Junkaz Lou (Junkadelic Zikmu) et Bernard Cavanna (directeur de l’ENM de Gennevilliers). Une histoire d’affinité et d’amitié qui se concrétise par un premier disque manifeste sorti en 2001. DgizHors. Pourquoi ce titre ? "Parce que j’étais dehors, ailleurs, plus en prison et que je voulais le dire". Un nouveau départ…

MC au débit de M16
Les mots comme planche de salut, pas mal pour s’inventer un nouvel avenir. Et de préférence balancer à fond de train comme des salves d’armes automatiques. Un flow intarissable pour goûter à l’ivresse de la liberté. Mc, poète, slameur, freestyler… qui est donc Dgiz ? L’homme est incapable de se coller une étiquette, les autres aussi. " Je suis inclassable et j’assume. J’ai pas de casquette. J’aime les mots et leur musicalité. Je n’aurai jamais assez de toute ma vie pour jouer avec eux". Avec passion et une énergie décuplée, il commence à se faire un nom dans les milieux associatifs, dans les cafés slam, dans le monde du hip hop indé. Tchatchant à tout vent avec tout ce qui lui vient, aimant faire gicler les phrases comme un musicien avec son instrument. Il trouve que son art à avoir avec le sketch, le théâtre, les saynètes. Déjà, il se démarque par son débit de mitraillette et par cette capacité à captiver son auditoire en jouant les pantomimes. Derrière le message ironique ou exorciste, il y a aussi le showman instinctif.

De culture française
"Je revendique haut et fort ma culture française. Cette langue, c’est ma richesse, mon style". Dgiz ne se voit pas perpétrer le cliché du gangster américain ni même celui du kid des cités. Son univers s’ouvre à 360°. La langue bien pendue et les oreilles grandes ouvertes, il fait des rencontres qui comptent sans se fier aux étiquettes (Hélène Labarrière, Sylvain Kassap, Fantazio, Louis Sclavis…). Le MC devient le chantre d’un rap poétique, identitaire, folklorique et ludique qui dépasse les frontières du périphérique comme le message "Nike ta mère, nike la France". Plus Fabulous Trobadors que NTM en somme. On peut penser qu’il s’égare, lui trouve qu’il rebondit, s’enrichit. Surtout, il estime qu’avec un peu d’inventivité et de fierté, il reste encore plein de manières de faire du rap intelligent et sans concessions. Alors Dgiz invente à sa manière sans se laisser enfermer.

Dgiz

Printemps de Bourges 2004 : une reconnaissance en trompe-l’œil
En 2004, Dgiz tourne avec son groupe (Stephen Harrison à la contrebasse et Sylvaine Helary à la flûte traversière) en France et un peu à l’étranger. Ensemble, ils remportent le prix "Talent Scène". Si en apparence les portes semblent prêtes à s’ouvrir en grand, le parcours reste semé d’embûches. "J’avoue, je ne suis pas facile à gérer mais la leçon du Printemps de Bourges m’a surtout appris le professionnalisme". Dgiz voit l’envers du décor, la paperasserie, le métier dans le métier. Tous les conseils ne sont pas bons à prendre, toutes les portes ne sont pas bonnes à ouvrir. Le groupe se sépare. Le doute s’installe, la méfiance règne. Dgiz se raccroche à ce qu’il sait faire. Anime des ateliers d’écriture et de poésie, tourne avec des musiciens de jazz (François Melville, Dominique Pifarély, Vincent Courtois, Olivier Sens…). Ces artistes le canalisent, lui enseignent l’humilité et le plaisir de partager. "Avec eux, la musique est un échange, une circulation, on est pas là pour se la raconter. D’ailleurs, t’as intérêt à faire gaffe parce que sur deux ou trois temps, ils sont capables de te sortir complètement de la partie". Message reçu, se donner du temps.

Retour en studio
"Je n’ai pas de contrat avec quiconque mais j’ai une exclusivité morale avec Junkadelic". Bel exemple de loyauté ou aveu pudique de son statut précaire ? Quoi qu’il en soit, cinq ans après DgizHors et un EP paru entre temps, le MC prépare son retour discographique avec Junkaz Lou aux manettes. Ce disque prendra une direction résolument hip hop. "Soyons clairs, avec Junkaz Lou, on veut frapper fort. Je ne veux pas sacrifier à la mode qui consiste à mettre des sons jazz ou world dans le rap pour se donner une caution". Nous voilà prévenus, même si Dgiz confesse qu’il a invité quelques amis musiciens et slameurs (comme D’Kabal de Spoke Orkestra) capables, comme lui, de faire la différence. Un autre disque est en préparation avec des musiciens de jazz. Voix et cordes uniquement. "Ce sera autre chose, une autre exigence". Je lui demande comment il pressent le concert de ce soir sous la direction de Daniel Yvinek. "Ce sera de la musique assumée, c’est-à-dire le contraire de la récitation. On va s’amuser à construire des choses et à les détricoter ensuite". Ils n’ont pas répété ensemble. D’ailleurs, pour quoi faire ? Dgiz sera en freestyle toute la soirée.

Le phénomène Grand Corps Malade
La planète slam est un petit monde où tout le monde se connaît à Paris. Dgiz y a fait ses armes et y a remporté quelques tournois. Pour lui, c’est l’essence du rap et au-delà un genre qui génère une vraie convivialité entre les communautés, les générations, les milieux sociaux. Mais le slam est aussi en train de devenir un gros gâteau. Lui n’en veut pas. Tant qu’on y est, qu’est-ce qu’il pense du succès éclair de Grand Corps Malade ? Surprise : Dgiz connaît bien Fabien qu’il a côtoyé dans un atelier d’écriture à Saint-Denis, il y a trois ans. Il regrette de ne pas l’avoir davantage provoqué en tournoi. "Pas assez de temps, j’étais sur autre chose". Comment ne pas être content de ce qui lui arrive ? Même si pour GCM comme pour les autres, le plus dur reste à venir : durer et se renouveler. Pour l’instant, Dgiz semble avoir trouver la méthode.

http://dgiz.free.fr
http://www.junkadelic.net

Propos recueillis par Luc Taramini
Photos de Julien Bourgeois
Merci à Dgiz

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