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Interviews

Gravenhurst – Interview

En juillet dernier, Gravenhurst a joué deux soirs de suite à la Maroquinerie, à Paris, en première partie d’Animal Collective. Deux concerts brefs mais particulièrement intenses, lors desquels le groupe – car c’en est vraiment un aujourd’hui – dévoila quelques morceaux de son nouvel album, « The Western Lands« , près de deux mois avant sa sortie. Nous en avons profité pour poser quelques questions à Nick Talbot, l’âme et le cerveau de Gravenhurst, que Popnews avait déjà interviewé à deux reprises, en 2004 et en 2005. Rencontre avec un musicien aux airs d’Harry Potter, qui, loin du garçon introverti et tourmenté que ses disques laissent entrevoir (même si le nouveau est plus apaisé que « Fires in Distant Buildings »), parle avec autant d’enthousiasme de sa musique que de celle des autres.

Qu’est-ce que ça fait de jouer en première partie d’Animal Collective ?
J’en suis très content, même si je connais sans doute moins bien leur musique que les autres membres du groupe, qui sont de grands fans. Robin m’a prêté le disque de Panda Bear, sur lequel il fait une véritable fixation, mais je ne l’ai pas encore écouté. Quand j’enregistre un album, j’essaie de me couper des influences extérieures, je suis comme dans une bulle. Sinon, j’ai peur de me perdre, de ne plus savoir où je veux aller exactement. En tout cas, Animal Collective est vraiment un groupe incroyable sur scène.

Tu aimerais faire de la musique sans guitare et sans basse, comme eux lors de leurs derniers concerts où ils utilisaient essentiellement des séquenceurs ?
J’ai un autre groupe, Bronnt Industries Kapital, qui est plus proche de ce qu’ils font. Je joue de la basse, nous utilisons aussi beaucoup de sons séquencés, mais également des instruments acoustiques comme la clarinette. Ce qui est intéressant avec Animal Collective, c’est qu’il est très difficile de discerner des influences dans leur musique. A chaque chanson, je crois en reconnaître mais très vite tout se brouille. C’est vraiment unique.

« Trust », le premier single tiré du dernier album, me fait penser aux Pale Saints.
Le groupe de 4AD ? Leur premier album était vraiment très bon. Ils n’avaient pas de si grandes chansons que cela, mais la production, le son étaient particulièrement intéressants. Ce qui est amusant, c’est que la première fois que j’ai entendu leur musique, je me suis dit : tiens, c’est bizarre, ça sonne vraiment comme ce que je fais ! La voix de Ian Masters rappelle beaucoup la mienne, c’est troublant. Peut-être qu’il a grandi dans la même région d’Angleterre que moi ? Chez les Pale Saints comme chez Gravenhurst, il y a ce contraste entre une voix très douce et une musique très noisy. Ce qui les distinguait d’ailleurs de la plupart des autres groupes de 4AD.

Ton choix de reprises est pour le moins varié : Hüsker Dü, les Kinks, Fairport Convention… Pourtant, à l’arrivée, ça sonne comme du Gravenhurst. On a l’impression que tu fais tiennes ces chansons.
C’est vrai. Si tu ne proposes pas une réinterprétation des originaux, tu es juste un groupe de reprises, un « tribute band », et autant jouer dans les pubs… Pour moi, l’exemple à suivre, c’est celui de Mark Kozelek des Red House Painters, qui a vraiment placé la barre très haut en reprenant AC/DC sur l’album « What’s Next to the Moon » : il a totalement réinventé les chansons, et le résultat est tellement différent des originaux qu’on ne peut même plus parler de covers dans son cas… Idem quand il s’est attaqué à Simon and Garfunkel, Yes, Kiss ou Modest Mouse. Je pense toujours à son travail quand je reprends les morceaux d’autres artistes, en essayant de faire aussi bien que lui.

Tu as joué à Glastonbury, et l’expérience t’a inspiré quelques lignes très amusantes sur ton blog
Oui, d’autant que cette année, les autres membres du groupe et moi sommes restés tout le week-end. Je garde le souvenir de véritables champs de boue, on avait peur de s’enfoncer jusqu’à la taille à certains endroits… Nous avons joué deux fois, le vendredi soir et le dimanche, c’est pour ça que nous sommes restés, sinon nous ne serions venus qu’une seule journée. Les autres membres du groupe n’étaient jamais venus à Glastonbury avant, et ils ont eu droit à tout un week-end dans la boue. C’est dur de tenir sans alcool et sans drogues, comme je l’écrivais dans mon blog…

C’était quand même un aboutissement pour vous, de jouer à un festival aussi mythique ?
Oui, bien sûr. En fait, nous étions en réserve. La chanteuse Adele devait jouer sur la Park Stage, et elle a annulé, mais le programme était déjà imprimé. Donc les gens pensaient la voir elle, et ils ont eu nous à la place ! Bon, je ne suis peut-être pas quelqu’un d’extrêmement masculin, mais on pouvait quand même difficilement confondre ! (rires) Ceci dit, ça s’est bien passé, nous étions vraiment contents, et puis ça fait toujours bien sur son « music CV », ça attire l’attention des tourneurs… Donc c’était vraiment une bonne expérience.

Pour en revenir à ton blog, pourquoi ressens-tu le besoin de t’exprimer par ce biais, en plus de la musique ?
D’abord, ça permet de décompresser. C’est quelque chose que je fais uniquement pour le plaisir, alors que je fais de la musique aussi pour gagner ma vie, en tournant, en écrivant et en enregistrant régulièrement de nouvelles chansons, ce qui induit une forme de pression. C’est important pour moi de ne pas me prendre trop au sérieux. Ma musique est plutôt sérieuse, les textes sont rarement très drôles, et je souhaite que les gens ne me réduisent pas à cela, qu’ils sachent que j’ai aussi le sens de l’humour ! (rires) De toute façon, tu ne peux pas te prendre trop au sérieux quand tu fais de la musique.

Dans l’un de tes posts, tu mettais des extraits de chansons des Smiths dans la bouche de Donald Rumsfeld pour expliquer sa démission. Quelles paroles choisirais-tu pour le départ de Tony Blair ?
En fait, je pense que ces paroles de Morrissey conviendraient bien pour Tony Blair aussi. Ou alors des paroles de Ian Curtis, ce serait horrible. (rires) Tu me lances un défi, j’y réfléchirai !

Quels sont tes projets ? Je suppose que vous allez tourner pour le nouvel album ?
Oui, nous devrions jouer en Europe en novembre, en tête d’affiche. J’espère que nous pourrons aussi tourner aux Etats-Unis l’année prochaine, avant de revenir jouer en Europe. L’idéal serait que nous assurions les premières parties d’un groupe plus connu là-bas. Explosions In The Sky nous avaient proposé mais ils avaient dû annuler les dates, donc ça pourra peut-être se faire cette fois-ci. En tout cas je souhaite tourner le plus possible avec ce disque car je n’ai pas de nouvelles chansons pour l’instant, donc nous n’allons pas retourner en studio dans l’immédiat. La réalisation de « The Western Lands » a été longue, difficile et stressante. On me demandait quels étaient mes projets pour ce disque, quelle direction musicale nous allions emprunter, et j’avais du mal à répondre. Nous l’avons enregistré sur une assez longue période, dans divers locaux de répétitions, alors que la plupart des groupes ont plutôt tendance à passer trois semaines en studio, avec un producteur et des chansons déjà prêtes, écrites dans l’optique de faire un album. Avec Gravenhurst, c’est plus compliqué. Certaines chansons attendent des années avant de se retrouver sur un disque. Par exemple, la moitié de « She Dances », sur le nouvel album, remonte à 1997. … La plupart des chansons ont vraiment pris forme pendant l’enregistrement, avec le groupe. Je préfère donc ne pas penser au prochain album pour l’instant !

Propos recueillis par Vincent Arquillière
Photos par Julien Bourgeois
Merci à Bérengère

Le blog de Nick Talbot : http://policediversnotebook.blogspot.com 

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