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Ladyhawk – Shots

LADYHAWK – Shots
(Jagjaguwar / Differ-Ant) [site] – acheter ce disque

LADYHAWK - ShotsEnregistré en deux semaines dans une ferme abandonnée de Kelowna, bourgarde de Colombie Britannique d’où le groupe est originaire, "Shots" n’est pas le premier disque de cette anonyme formation canadienne. En 2006, l’excellent label Jagjaguwar avait en effet déjà publié un LP, sobrement intitulé "Ladyhawk", décrit par le groupe comme un tumultueux voyage à travers les rues de Vancouver. Suivit, quasiment un an plus tard, "Fight for Anarchy", un prometteur EP rappelant les premiers albums de Sonic Youth ou Pavement. Si les quatre musiciens n’hésitent pas à invoquer leurs maîtres, en l’occurence Neil Young, Black Mountain, The Replacements, ils se méfient des étiquettes et, par voie de presse, n’hésitent pas à nous en informer : "Shots" n’est ni du classic rock ni du rock sudiste. On serait pourtant tenté, à l’écoute des neuf titres de ce second LP, d’évoquer un croisement entre Creedence et My Morning Jacket. A tort, peut-être, puisque effectivement, notre joyeuse bande de bûcherons joue dans un esprit beaucoup plus agressif. N’en demeure que le groupe présente un son très agréable, chaleureux, franchement américain, assez proche par ailleurs du magistral "Everybody Knows This Is Nowhere" de Neil Young. Les claviers sont extrêmements rares et on ne trouve absolument aucun rythme électro ou de quelconques bidouillages à la mode… C’est à peine si l’on entend, de temps à autre, quelques effets de guitare excessifs, de pédales d’échos et autres traitements sonores. S’offrent donc à nous neuf titres bourrus, carrés dans le bon sens du terme, parfois mal dégrossis et expédiés en quatrième vitesse (le sautillant puis carrément furibard "S.T.H.D.", deux minutes d’alternance couplets doux/refrain furieux façon Dinosaur Jr.), parfois progressant à tâtons et se déployant sur une dizaine de minutes. Ainsi l’extraordinaire "Ghost Blues", enchaînement de hurlements à la lune, de caresses de distorsions d’une vertueuse discrétion, de soli de guitare aux faux airs virtuoses qui ralentissent et s’éteignent comme une simple et tendre ballade folk. On a affaire à une oeuvre quelque peu bicéphale, dont le développement lorgne parfois du côté du math-rock.

La première minute du disque aurait pourtant pu en faire fuir plus d’un : rythmique très proche du "Stand" de R.E.M., donc entendue mille fois, couplet mou du genou, tour de chant presque cliché. Il faut attendre… L’ atmosphère (et la classe) de "I Don’t Always Know What You’re Saying" devient en effet tout autre avec l’apparition, au refrain, d’une partie de synthé très eighties, l’unique de l’album, efficace comme une bonne vieille ligne de "Pornography". La voix de Duffy Driedige se fait plus poignante, la guitare plus urgente, et le titre se fait presque irrésistible, beaucoup plus ample et ambitieux qu’on ne l’aurait soupçonné. "Astray", après quelques écoutes attentives, demeure gravée dans l’esprit, pépite entêtante et vénéneuse, blues pour le moins rugueux ayant tout ce qu’il faut là où il faut : solo de guitare plein de vie, boucan du diable lors des refrains, batterie qui frappe juste et fort, parfaite union des instruments.
On passe du folk dépouillé et cristallin, extrêmement touchant, explosant ses bases en se métamorphosant en un rock tendu comme une corde à linge ("Faces of Death"), à un gros remue-ménage sans coup d’arrêt ("You Ran"). Entre les deux s’intercale une autre belle réussite, "Night You’re Beautiful", bluette factice d’une extrême limpidité malgré sa relative complexité. Le chant y est clair, libéré, virevoltant, accompagné de chouettes choeurs féminins, à peine ébranlés par une rythmique basse-batterie qui ne fait pas dans la dentelle, sans pourtant faire péché d’outrance ni de facilité. Fleet Foxes que l’on aurait piqué au vif et forcé à jouer plus dur et plus fort n’aurait pas fait mieux. "Shots" sent le bois, l’alcool, les rudes matins d’hiver de l’Amérique du Nord. Un succès qui, espérons-le, en appellera d’autres.

Julian Flacelière

I Don’t Always Know What You’re Saying
S.T.H.D.
Fear
Corpse Paint
(I’ll Be Your) Ashtray
Faces Of Death
Night You’re Beautiful
You Ran
Ghost Blues

 

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