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Fool’s Gold – S/T

FOOL’S GOLD – S/T
(Cinq 7) [site] – acheter ce disque

FOOL'S GOLD - S/TLa scène musicale de Los Angeles n’est plus ce qu’elle était.
La tête plongée sous l’eau par New York, Seattle ou son voisin San Francisco, elle ne se partage plus qu’entre brillants rappeurs passés de mode, bouffeurs de refrains lollapaloozables, vieilles glorioles visiblement attachées à ruiner leur réputation à coups d’albums foireux et stoners balourds à jeans en cuir et paire de couilles surmoulée. Loin est le temps où la ville pouvait s’enorgueillir d’attirer tout ce que l’industrie musicale comptait de directeurs artistiques et de donner le ton au reste de l’Amérique branchée, l’époque des groupes garages, des Byrds, des Doors, des défoncés du Laurel Canyon et, plus près de nous, des punks enragés Black Flag/The Germs.

Il faut croire que le dynamisme, l’angoisse et la paranoïa qu’engendre presque nécessairement la cité tentaculaire, si bien décrite par Barney Hoskins dans son passionnant "Waiting for the Sun", n’inspire désormais guère les musiciens, dont les formations ressemblent de plus en plus à des caricatures de films hollywoodiens bas-de-gamme. Alors, tout de même, tous les trois-quatre ans, étrangement, débarque un groupe qui parvient à faire oublier que Los Angeles est depuis presque vingt ans une ville de has-been, voire est capable de faire frémir d’enthousiasme les hipsters de la Grosse Pomme, ne serait-ce que quelques semaines durant. Banhart et Queens of the Stone Age en 2002, The Mars Volta en 2005 et, cette année, Fool’s Gold. Allons droit au but : ce dernier est probablement la meilleure chose arrivée à la scène angeleno depuis Beck, et peut-être la plus curieuse depuis les Seeds, soit, l’un dans l’autre, un sacré bout de temps. Voilà un groupe américain de presque dix membres disposant d’une culture encyclopédique de l’afro-pop et dont la plupart des textes sont chantés en… hébreu ! L’auditeur dépourvu de ces renseignements biographiques, écoutant l’album pour ainsi dire à l’aveugle, aurait bien des difficultés à ne pas le croire tout droit venu du Kenya ou du Ghana tant les sonorités, les rythmes, la production, le chant de Luke Top rappellent des disques aussi capitaux que ceux d’Extra Golden, Staff Benda Bilili ou Ali Farka Touré.

Ce qui signifie plusieurs choses : d’abord que la passion pour la musique africaine déborde de chacun de leurs pores, ensuite que plusieurs des titres auraient largement eu leur place dans une compilation Analog, gage de qualité, notamment l’envoûtant "Surprise Hotel", enfin que Fool’s Good est peut-être le parangon actuel de ce rock mondialisé que l’on vante souvent pour des raisons moins musicales que politiques. En somme, Fool’s Gold a la musique africaine dans la peau, alors que Vampire Weekend l’a surtout au cerveau. Ce dernier brassait aussi large que possible, mixant les genres quitte à chavirer, propulsant le melting pot un brin brouillon à l’ère digitale grâce une production haute gamme et une construction pop traditionnelle, si bien que même les personnes insensibles au style des sonorités africaines pouvaient y trouver leur compte. "Fool’s Gold" est d’une part beaucoup plus étrange à l’oreille, d’autre part, compte tenu des exigences sonores actuelles, plus austère, pour ne pas dire cheapos.

Même lorsque le groupe prend des airs de big band sur "Nadine" ou verse dans la fusion façon Talking Heads ("Ha Dvash"), le caractère artisanal du disque, parti pris leur permettant de rester concentrés sur l’essentiel et de cimenter leurs assises, demeure prégnant et, surtout, à leur avantage. Les emprunts sont inévitables pour un premier LP, mais Fool’s Gold évite l’axe transe-tribal-fête de village que l’on aurait pu craindre et propose quelque chose d’à la fois plus honnête et plus cohérent, sans pour autant sacrifier de belles et émouvantes envolées polyphoniques.

Julian Flacelière

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Surprise Hotel
Nadine
Ha Dvash
The World Is All There Is
Poseidon
Yam Io Moshech
Night Dancing
Momentary Shelter

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