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PJ Harvey – Let England Shake

PJ HARVEY – Let England Shake
(Domino) [site] – acheter ce disque

PJ HARVEY - Let England ShakeNotre désir de rompre l’unanimité enfin vaincu, volons au secours de la victoire, ce tout dernier PJ Harvey, un accomplissement qui rejette dans l’oubli quinze années d’une production erratique quoique régulièrement vantée. La question la plus prosaïque sera ici de doser les trémolos et d’évaluer le degré d’excellence de « Let England Shake ». Duraille ?

Commençons par nous fâcher avec pas mal : PJ Harvey n’est en rien une grande chanteuse, et ses meilleurs disques en prennent acte avec une réelle intelligence d’adaptation. Elle n’a ni la puissance de Janis Joplin, ni la suavité de Kate Bush, pour ne rien dire du guttural psalmodié de Patti Smith. Parmi les icônes rock de féminité viscérale, c’est la bonne copine montée en grade, un marchepied indie sauvé par son sens du cru-pète-sec et l’abrasion relative de riffs tenus bas sur le front. La redite guettant dès « Rid of Me« , Harvey s’en sortit d’un atout gagnant, le capital « To Bring You My Love » où des avatars vocaux déclinaient sa flamme amoureuse subtilement tempérée. Mais depuis, les vaches maigres, chaque album se concentrant sur une seule facette : le blues vintage, le classic-rock pour college-boys blanchis, le piano-voix victorien, même l’expérimental à la Beefheart. Mouaif.

Hosannah, « Let England Shake » voit plus loin : une autopsie de l’Angleterre contemporaine diffractée dans son passé impérial et guerrier. Pas sûr que les paroles soient le sommet de poésie que l’on prétend – les jolies zimages du morceau-titre sont à cet égard assez tourte – mais la musique est là pour suppléer, soutenue qu’elle est par l’incroyable traitement des voix. PJ Harvey râle, dégoise, sussure et ironise d’un morceau à l’autre. Femme-enfant ou Pythie ? Veuve ou Fembot ? Protée enchanteresse en tout cas, à son plus emblématique sur « Written on The Forehead » que l’on condamne d’abord pour son usage emplâtré d’un sample exotico-temporel à la Moby, avant de succomber au refrain final repris mezzovoce par John Parish et Mick Harvey. Pléthore de samples ici et mixés très en avant ; autant de marqueurs temporels en ce vieux royaume qui agacent d’abord avant de se révéler indispensables (la sonnerie de cavalerie sur le grandiose « The Glorious Land »). Nous n’aurons toutefois aucune réserve sur les guitares au cristallin médiéval à peine amplifié qui plonge les racines de l’album dans le folk anglais mémoriel ; le plus bel exemple en est certainement ce « The Words that Maketh Murder » colère et sans âge qui utilise à leur meilleur les timbres masculins des compères cités plus haut. Un cartoon de drôlerie, là où « On Battleship Hill » s’époumone tragiquement entre deux gambades instrumentales : le ciel mais pas plus haut, et Icare retombe. Sur cet album qui ne se rattache au rock que dans la demi-mesure (la belle moitié finale de « In the Dark Places », « Bitter Branches » très Cure pré-Seventeen Seconds), Harvey ménage un morceau de bravoure un rien marqué, « All & Everyone », qui renvoie directement à l’une de ses influences probables, le dionysiaque « This Is the Sea » des Waterboys, à notre avis d’un souffle plus ample et plus long. Mais nous pinaillons. « Let England Shake » est beau comme les films de guerre anglais de Michael Powell, aussi coloré et singulier qu' »Une Question de Vie ou de Mort », aussi profond et bouleversant que « Canterbury Tale ». Nous le recommandons absolument et serons fort marris si vous ne le goûtez point.

Christophe Despaux

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A lire également, sur PJ Harvey :
la chronique de « To Bring You My Love » (2010)
la chronique de « 4 Track Demos » (2010)
la chronique de « Rid of Me » (2010)
la chronique de « Dry » (2010)
la chronique de « White Chalk » (2007)
la chronique de « Hu Huh Her » (2004)
la chronique de « Stories from the city, Stories from the sea » (2000)
la chronique de « Is this Desire? » (1998)

Let England Shake
The Last Living Rose
The Glorious Land
The Words That Maketh Murder
All & Everyone
On Battleship Hill
England
In the Dark Places
Bitter Branches
Hanging in the Wire
Written on the Forehead
The Colour of Earth

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