Loading...
Festivals

Rock en Seine – Saint-Cloud, 24-26 août 2012

Cette année, malgré l’anniversaire des dix ans, et un beau record de fréquentation (plus de 110 000 spectateurs), rien ne ne va plus. Non, ni la pluie du premier jour, ni la constante poussière des trois jours ne sont en cause. Pas même une programmation de têtes d’affiche un peu à la ramasse (qui insisterait pour avoir Placebo ou Green Day en guests ? Heureusement The Black Keys sauve l’honneur). Alors quoi ? Ami lecteur, quand tu verras le compte-rendu éclaté, perclus d’égotismes contrariés, de ce festival, tu comprendras la triste vérité. C’est la POPteam qui est en mal, dépareillée, pas complètement invitée, pas même capable de se mettre d’accord sur l’essentiel. Les visions paradisiaques de l’un sont un enfer pour l’autre. Bref, une horreur. Mais l’appareillage brinquebalant est tout de même arrivé à bon port de la traversée clodoaldienne (un adjectif pour les riches), et se déclare prêt à décerner le premier prix (les Waterboys, de loin) et certains accessits enviables (The Black Keys, Grandaddy, Beach House). Pour ça et le reste, allons-y.

Vendredi 24 août

Christophe :
C’est armé des meilleures intentions du monde et d’un persistant mal de dos que nous pénétrons dans le Parc de Saint-Cloud. Notre mission : survivre à trois jours de festival et voir/entendre d’affriolantes performances. Commençons par notre petite Mélusine canad »art y »enne, Grimes, qui ouvre les hostilités (pour nous en tout cas), scène Pression Live. Il est 16 h, et après une balance en direct live (Pression ?) qui fait hurler les quelques fans agglutinés, Claire Boucher s’éloigne avant de revenir à l’heure dite pour un set à la brièveté surpuissante (35 minutes) encore renforcé par des outros à rallonge. Tendue sur ses machines comme une skieuse en descente, Grimes délivre les morceaux phares de « Visions » (« Circumambient », « Genesis », « Oblivion ») avec charme et aisance. Elle est flanquée d’un comparse à lunettes noires droit comme un I et qui fait penser à un homme de main Matrixien hésitant devant un futur changement de sexe.

Grimes 1

De temps à autre, le pseudo-Front 242 contribue au rythme en tapotant sur ce qui ressemble à un iPad. Faufilé du fond, un danseur zombie blondasse à cheveux longs sinue des côtes à l’avant-scène. Tout ça est furieusement tendance, plus que décent, mais manque le morceau-phare « Vanessa », remplacé in extremis par la collaboration avec Blood Diamonds, « Phone Sex », qui est juste mignonne. Nous quittons la scène, un peu déçus donc, mais confiants dans l’avenir de la jeune Canadienne.

Grimes 2

Direction la Grande Scène avec un arrêt à l’Industrie pour écouter quelques morceaux de Yeti Lane, duo qui, sur disque, nous laisse de marbre. On se surprend à apprécier réellement trois morceaux de prog-new-wave, mais un ami désirant voir un « vrai groupe et pas deux musiciens avec des bandes », nous suivons docilement comme déjà lobotomisés par un week-end de crapahutage sur des sentiers pelés (le record d’affluence sera battu pour les dix ans du festival, ce qui doit faire brandir leurs poings au ciel à tous les jardiniers du domaine).

Comme prévu, la pluie s’en mêle, et nous atterrissons devant Asteroids Galaxy Tour dans une floraison champignonnesque – si c’est possible – de parapluies s’ouvrant en choeur. Les Danois se sont adjoints une section de cuivres qui tombe un peu à plat avec la chute de la température. L’ami mélomane trouve qu’on dirait des Cardigans dub. Pas faux, mais nous penchons de notre côté pour des No Doubt de bar lounge. Mette Lindberg – mi-Farah Fawcett, mi-Debbie Harry – saute partout et remue son popotin moulé dans un mini-short à paillettes évidemment seyant mais peu adapté à la configuration météo de mi-octobre.
On s’interroge toutefois avec une amie sur le diktat du mini-short, pièce d’habillement phare chez les jeunes filles cette année (quoiqu’on ait vu une quadra avancée en porter sous un poncho en laine), et dans un moment de réflexion « gender studies », nous essayons d’en trouver un équivalent masculin : non pas ces abominables tee-shirts à décolleté V plongeant, mais plus simplement le torse-poil arboré de ça, de là. Sur ces considérations capitales, Lindberg entame « Major » avec un couplet purement décalqué de « Wonderwall » qui nous fait dresser l’oreille. La pluie s’intensifie et nous décidons d’errer jusqu’à des lieux protégés, frôlant la Cascade où la pop de Get Well Soon, symphonisée et walkerienne dans l’idée, ne nous paraît qu’amphigourique (mais Vincent qui a suivi en long et en large le concert en parlera mieux que nous ; lire plus bas).

Un passage au Rock’n’Roll Circus, nouvelle attraction, nous permet d’assister à un concours de rodéo sur vache mécanique avec des candidates bien plus douées que ces messieurs. Nous découvrons sous une tente la terrifiante Femme Sans Tête qui tricote avec une ampoule en guise de gargoulette, après avoir été alohaïsés par des Tahitiens à collier de fleurs synthétiques (nous, pas la femme).

Dionysos

Cette pause non-rock (quoique) se termine ainsi que la pluie et traînant les pieds, nous voilà devant la Grande Scène pour le show de Dionysos qu’on prend en cours. Avouons une gêne : on a toujours trouvé l’univers de Mathias Malzieu débiloïde et auto-satisfait ; ses paroles doivent orner les murs de l’enfer sartrien genre Huis Clos qu’on nous réserve peut-être (pitié…). A partir de là, deux constatations : a) le groupe est incontestablement une bête de scène, ou plutôt un cirque, qui emballe son rock de fantaisie avec un panache certain, b) les adresses au public de Malzieu donnent l’impression d’un animateur de centre de loisirs pour enfants mentalement déficients, ce que l’on n’est pas encore ; subséquemment, nous peinons malgré une ambiance du tonnerre.
La fatigue aidant, on suit The Shins dans un aimable brouillard (plus d’infos auprès de Vincent, lire plus bas) et finissons la première journée avec Bloc Party dont la reformation surprise ne nous fait ni chaud ni froid. En terme d’échanges avec le public, Kele Okereke fait globalement le kéké. On peut penser que c’est secondaire, mais non ; démarré groupe indé raidasse et froid-chaud du rock, Bloc Party est devenu une grosse chose pompoïde et assez grasse (« Banquet » est servi froid, et « Helicopter » s’emmêle le rotor). D’où – dommage collatéral – les éructations qui vont avec et – ça devrait faire jurisprudence – un morceau dédié à Pussy Riot. Plus convaincant sur les plages dance (dont un « One More Chance » qui semble une reprise inconsciente d’un morceau à même titre des Pet Shop Boys), Okereke fait lourdement la publicité de leur quatrième album (« Four », originalité…) dont les quelques extraits proposés ne passionnent pas. On assiste à la fin du concert avec une indifférence soulagée et prenons la poudre d’escampette pour éviter Sigur Rós dont la musique ornera imparablement l’enfer présumable dont on parlait plus haut.

Vincent :
Les Allemands de Get Well Soon n’ont pas eu de chance avec la météo : la seule véritable averse de cette édition plutôt ensoleillée a coïncidé avec leur concert. Pas de quoi pourtant nous gâcher le plaisir de les entendre, exceptionnellement accompagnés par l’Orchestre national d’Ile-de-France. Le sympathique et talentueux Konstantin Gropper – costume trois pièces noir, raie sur le côté –, qui a suivi une formation classique (en plus d’études d’arts et de philo), est visiblement ravi. Le résultat est à la hauteur de ses ambitions, sans jamais sonner pompeux. Sous les capuches et parapluies, un beau moment.

Get Well Soon

The Shins avaient déjà joué il y a quelques années à Rock en Seine, en fin d’après-midi sur la grande scène, et leur bref concert n’était pas franchement resté dans les mémoires. Leur prestation d’une heure sur la scène de la Cascade, aux dimensions plus appropriées, s’est avérée nettement plus convaincante. Il ne s’agit plus vraiment du même groupe, d’ailleurs, James Mercer ayant totalement renouvelé le personnel. Ce qui ne l’empêche pas – heureusement – d’aller piocher assez largement dans les anciens albums entre des morceaux de l’agréable mais un peu plat « Port of Morrow ». De « Saint Simon » à « New Slang » en passant par « Phantom Limb » et « Kissing the Lipless », la setlist est idéale. Le sextette est à la limite de la surcharge, avec parfois pas moins de trois guitares, mais reste vif et alerte, et Mercer, sans être vraiment une bête de scène, mène efficacement sa barque. Très plaisant.

 

Sigur Ros

Il y a deux ans, Jónsi avait dû donner sur la scène de la Cascade un concert sans électronique pour cause de matériel resté bloqué au Portugal. Cette année au même endroit, avec ses camarades de Sigur Rós, rien ne manquait, ni les cordes, ni les cuivres, ni les vidéos à tendance subaquatique (en fond de scène et sur les côtés), ni les loupiotes un peu partout. Ah si, il manquait nos morceaux préférés (notamment ceux de l’album “Ágætis Byrjun”), mais il y avait quand même plein d’accents et de lettres bizarres dans ceux que les Islandais ont joué, couvrant une bonne partie de leur carrière. A défaut de surprendre, le groupe fait toujours très bien ce qu’on attend de lui : créer pendant une heure une musique qui défie les lois de la pesanteur.

Laisser un commentaire

Votre adresse e-mail ne sera pas publiée. Les champs obligatoires sont indiqués avec *