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Disques

Sylvain Chauveau & Stephan Mathieu – Palimpsest

Sylvain Chauveau - Palimpsest

Un palimpseste est à l’origine un parchemin (souvent profane) que l’on a gratté afin de s’en servir (un recyclage avant l’heure) pour écrire un nouveau texte (souvent religieux). Outre le fait d’être une très belle chanson de Smog, on comprend aisément que l’idée ait séduit Chauveau et Mathieu pour leurs reprises, préférons ici l’anglicisme « covers », de l’œuvre de Bill Callahan.

On connaît l’intérêt de Sylvain Chauveau pour les reprises (réécouter son « Down To The Bone », relectures électroacoustiques de Depeche Mode avec l’ensemble 0) et son intérêt pour Smog. On renverra ici à son 45 tours chez Alienor Records pour son projet Watermelon Club qui reprenait « Bathysphere » en mode post-rock, alors que Cat Power en tirait l’année suivante une version décharnée.

Bref, ce projet à quatre mains nous rendait fébrile : qu’allait-il rester de ces chansons choyées après le passage dans le filtre expérimental de nos deux tritureurs de sons, habitués aux camaïeux de gris ?

Dès « Palimpsest », cela saute aux yeux : le texte ressort grandi par cette sorte de mise à distance qu’est le parler-chanter de Sylvain Chauveau et prend une autre coloration. « Why’s everybody looking at me, like there’s something fundamentally… wrong » résonne tout à fait autrement (et doublement juste) sous les drones qui remplacent la guitare acoustique de Bill.

Lorsque Sylvain chante « I wanted to ride that wild horse… into the sun » dans « Chosen One », un drone lumineux s’inscrit dans la brume des nappes ouatées mystérieuses, difficiles à caractériser (orgues ? guitare et delay ? ebow ?). La chanson devient mystérieuse comme l’instrumentation et nous perd dans le brouillard du son et du souvenir de la chanson de Smog avec la voix chaude de Chauveau comme seul fil d’Ariane.

On ne peut s’empêcher de penser à David Sylvian même si on a dit ici même, pour « Singular Forms », qu’on préférait le résultat résolument pop (malgré tout) et les options de Sylvain dans l’étroit chemin entre musique populaire et ambitions de recherches sonores.

« Soaking the Pages in tea » permet au duo de tremper sa musique dans une infusion de captation d’ondes radiophoniques et de plonger dans les eaux profondes des mariages des genres (on apprécie le côté  sonar sous-marin avec les ponctuations d’un hypothétique piano lointain).

La doublette « The Floating World/Your Wedding » conjugue les délices de mini flocons gelés balayant le visage (bruits de vents, de sable, sons suraigus) et les paroles désespérées, tellement humaines « I’m gonna be drunk, soo drunk at your wedding » avec un joli trémolo dans le fond de la gorge.

« Prince Alone in the studio » n’a jamais sonné aussi lugubre avec ses paroles étirées (plus de huit minutes), seules traces humaines dans le magma indéfini de drones acides et de souffles électroacoustiques finissant sur une pulsation devenant de plus en plus sourde.

« I break horses » ressemble le plus à du Smog pur jus de brouillard, comme porté par un orgue callahanien mais dont les notes ondulent et scintillent comme les rayons verts qui lacèrent le gris sur la pochette du disque.

Le disque va bien au-delà du simple exercice mais on doute, malheureusement, qu’il satisfasse les fans purs et durs de Smog. En revanche, pour les fans de Smog qui ont troqué leurs chemises à carreaux contre les bandes du Groupe de Recherches Musicales, cet album est un véritable must, idéal en ce mois de septembre pluvieux. Pour les autres, les chemins de traverse de Mathieu et Chauveau leur permettront d’appréhender d’une manière bien élégante les sentiers douloureux de Bilou par temps de bruine sonore.

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