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Interviews

Hot Chip – Interview

Une fois de plus, Hot Chip est arrivé à nous surprendre avec son sixième album « Why Make Sense ? ». Passés maîtres dans l’art de se renouveler sans perdre leur identité, les cinq Londoniens vont à coup sûr figurer dans le haut du classement de nombreux tops de fin d’année. POPnews a rencontré Joe Goddard, l’une des têtes pensantes du groupe, pour un entretien passionnant où il se livre sur leurs multiples influences, leur goût pour les instruments vintage, et comment ne pas reproduire l’erreur de la pochette de « Blue Monday ».

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Votre nouvel album donne l’impression de rendre hommage à différents styles de musiques tout en sonnant très moderne, et très Hot Chip au fond. Qu’est ce qui vous a donné envie de prendre cette direction ?

On ne discute pas vraiment d’une direction à prendre pour nos albums. Pour répondre à ta question, le son de chaque album est plutôt le reflet de nos expériences en tant que DJ, des disques que nous écoutons à la maison et des sons qui nous obsèdent sur de vieux morceaux que nous passons pendant l’enregistrement. C’est une combinaison de ces trois éléments plutôt qu’un concept très clair que nous aurions prédéfini. C’est pour ça qu’il y a pas mal de références au hip hop et au r’n’b sur le disque. “Love Is the Future”, par exemple, fait spécifiquement référence à “Caught Up”, une chanson d’Usher sortie il y a quelques années. 

Justement, pourrais-tu nous en dire plus sur ces disques qui vous ont inspirés ? Ces influences sont tellement diverses d’un titre à l’autre que la liste doit être variée !

Oh oui, elle est très variée ! Par exemple, le nouvel album de D’Angelo est sorti alors que nous finissions de travailler sur “Started Right”, qui est la dernière chanson que nous ayons enregistrée pour le disque. On a été ébloui par la qualité de la production de l’album et il nous a servi de référence pour terminer le morceau. “Dark Night” est un titre avec un feeling vraiment différent. C’est un morceau de disco assez lent et épique de Claudja Barry qui s’appelle “Love for the Sake of Love”. Je l’ai découvert en écoutant un mix de DJ Harvey. J’ai trouvé ce titre génial et j’ai voulu que « Dark Night » s’inspire de ce genre d’ambiances. “Easy to Get” sonne très début des années 80, avec un son assez lisse et plutôt similaire à celui de  “Saturday Night” d’Oliver Cheatham. Étrangement, je n’ai découvert l’existence de ce titre qu’après l’enregistrement d’”Easy to Get”, mais il représente parfaitement ce que nous avions en tête. Je pourrai te citer un morceau différent pour chaque titre, mais ça reflète bien ce que je vous disais précédemment sur la diversité de nos influences.

Avez-vous utilisé des instruments vintage ?

Nous avons utilisé une très grande variété d’instruments vintage. Des synthés, des basses, des batteries, etc. Mais aussi du matériel plus récent. Nous ne voulons pas nous fixer de règles, donc nous avons mélangé les deux sur l’album. On se tient informé de toutes les nouveautés qui sortent. Ce qui fait que certains de nos synthés ont un son très moderne. A côté de cela, j’ai une véritable obsession pour les synthés vintage. Je me ruine pour du matériel qui risque de rendre l’âme d’un moment à l’autre. Mais leurs sons sont tout bonnement fantastiques.

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Achètes-tu des synthés en fonction de sonorités que tu recherches pour des chansons ?

Non pas du tout. Mes achats sont uniquement motivés par les sonorités de l’instrument. Un des synthés que nous utilisons le plus est le ARP 2600 qui date des années 70. Il produit des sons très disco, à la Giorgio Moroder. Au lieu de m’en servir pour un titre aux sonorités disco, je préfère en tirer quelque chose d’inhabituel, de très moderne. A l’inverse, et contrairement à la norme, je me sers souvent de synthés récents pour essayer de créer des ballades intéressantes, qui sonnent à contre-courant de ce qui se pratique. C’est ce qu’on a fait sur “White Wine and Fried Chicken” par exemple. C’est important pour nous de ne pas céder à la facilité et d’utiliser nos instruments d’une manière inhabituelle.

La batterie sur le titre « What Makes Sense ? » est très lourde. Mélangée aux sonorités synthétiques, elle apporte quelque chose d’inédit au son de Hot Chip. Qu’en penses-tu ?

C’est un morceau que nous avons composé d’une manière inhabituelle. J’ai commencé à m’amuser avec un son synthétique de staccato sur mon ordinateur. Ça a donné le corps du morceau. J’avais pour idée qu’il commence sur une rythmique inhabituelle puis que chaque membre du groupe rajoute ses propres sons avec des fichiers Midi. On a donc installé tous ces synthés dans le studio et on a bidouillé le résultat pour donner de la structure au morceau. Il fallait réussir à former un tout cohérent avec ces synthés qui produisaient des sons très basiques. Pour une fois, je n’avais aucune référence en tête pour ce titre. J’ai juste expérimenté un peu sur mon synthé. Avec du recul, le son de batterie me fait penser à du Led Zeppelin. 

Le morceau me faisait plutôt penser à du Depeche Mode !

Je suis un grand fan de Depeche Mode, donc je le prends comme un compliment ! (rires) Ce groupe est une référence pour nous, c’est une source d’inspiration depuis le début. Mais non, nous n’avions pas Depeche Mode en tête quand nous avons travaillé sur ce titre.

Les musiciens accompagnant le groupe sur scène ont participé à l’enregistrement de l’album. Pourquoi ce choix ?

C’était un choix évident parce que Sarah Jones et Rob Smoughton sont quasiment devenus des membres à part entière de Hot Chip après toutes ces tournées passées ensemble. A vrai dire, on ne s’est pas vraiment posé la question. Leur présence sur l’album était une évidence. Ce sont des musiciens tellement fantastiques… Ils sont beaucoup plus efficaces que nous à la basse et à la batterie. Sarah, par exemple, est capable de jouer de la batterie en simultané avec la boite à rythme sur un morceau qu’elle découvre pour la première fois. Elle a un sens du timing et une précision exceptionnels. Leur présence a été importante pour des titres enregistrés dans les conditions du live. J’espère vraiment qu’ils vont faire partie du groupe encore très longtemps.

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Il y a des samples de voix sur l’album, c’est une nouveauté pour le groupe. Comment vous est venue l’idée ?

Ce n’était pas une décision consciente d’utiliser ces samples. Cela s’est fait naturellement lorsque je cherchais de nouvelles idées pour ne pas nous répéter. C’est très important pour moi de tenter de nouvelles approches, d’essayer des instruments que nous n’avions pas utilisés sur nos précédents albums. C’est parfois utile pour débloquer le processus créatif. De cette façon, chaque membre du groupe se sent libre d’essayer de nouvelles choses. Lorsque nous avons joué à São Paulo avec le groupe, j’ai acheté ce vinyle de chants a capella issus de vieux morceaux disco. Quand je travaillais sur la démo de “Huarache Lights”, je cherchais une ambiance extatique. Comme une sorte de morceau disco avec une touche très moderne. Je me suis dit, pourquoi ne pas utiliser ce sample de First Choice, “Let No Man Put Asunder” extrait du fameux vinyle déniché à São Paulo ? J’ai utilisé un autre extrait pour “Need You now” et par pure coïncidence, les harmonies fonctionnaient à merveille avec la démo.

Les morceaux sonnent plus dépouillés, ce qui, malgré les sonorités électroniques, donne une dimension très humaine à l’album.

Oui, bien sur. C’est quelque chose que j’avais clairement en tête. Quand j’écoute de la vieille pop music, c’est la simplicité de la structure des chansons qui me séduit, que ce soit du rock ou du disco. J’adore les productions aux sonorités puissantes, claires et avec beaucoup d’espace. Pendant l’enregistrement, on supprimait tout ce qui ne nous paraissait pas nécessaire pour que les chansons respirent. Le côté humain vient du fait que nous avons enregistré dans les conditions du live, et que nous avons volontairement laissé quelques imperfections. C’était vraiment important pour moi car plus rien n’est laissé au hasard dans les productions actuelles, et ça s’entend trop. Du coup, on s’est senti plus libre en studio. Bien entendu, si une ligne de basse est complètement ratée, on ne va pas la laisser en l’état (sourire), on va tout de même essayer d’arranger le problème !

Vous faites tous régulièrement des DJ sets. Qu’apportent ceux-ci à la musique de Hot Chip ?

Nous faisons tellement de DJ sets que nous sommes forcément influencés par la réaction des gens sur certains morceaux. Cela nous permet également d’être au courant de toutes les nouvelles sorties sur les labels de dance et de musique indépendante. On a une bonne vision de ce qui se passe musicalement aux quatre coins de la planète. L’avantage, c’est qu’en passant pas mal de temps dans les clubs, on est témoin des dérives de la dance music moderne, et ça permet de tout faire pour nous en éloigner ! J’ai par exemple du mal avec le mouvement EDM qui est une forme de dance music très agressive, enregistrée uniquement sur ordinateur. On en entend tellement en club que l’on a qu’une envie, c’est de produire une musique qui s’en éloigne le plus possible (rires). Il nous arrive de faire des DJ sets tous ensemble, on joue des disques à tour de rôle et ça te permet de découvrir ce que les autres membres écoutent à ce moment-là. C’est souvent le point de départ de nos démos qui sont influencées par ces instants où l’on passe des disques ensemble.

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Votre musique est à la fois dansante et mélancolique. Comment l’expliques-tu ?

C’est une combinaison que j’apprécie dans la musique en général. C’est génial de voir des gens danser en club sur des chansons qui n’ont pas vraiment un message positif. Souvent les morceaux trop euphoriques ne sont pas convaincants, ça tourne vite au mielleux. Depeche Mode est pour moi une référence en la matière. Sur notre album, “Love Is the Future” ou “Stared Right” sont assez positives dans leurs messages, mais ça reste des exceptions.”Dark Night” est l’exemple parfait d’un morceau à la fois mélancolique, épique et dansant. Je trouve que ce mélange donne toujours un côté plus efficace à une chanson.

Pourrais-tu nous en dire plus sur l’idée folle de créer une pochette unique pour chaque exemplaire du disque ?

C’est une sorte de mode en ce moment de produire des objets uniques. L’impression 3D par exemple se banalise, les gens commencent à avoir des imprimantes 3D à la maison. On peut tout personnaliser et je trouve ça intéressant. C’est Nick Relph, le designer de la pochette, qui nous a proposé l’idée. Il avait entendu parler d’une imprimante capable de créer des pochettes toutes différentes. C’est une idée intéressante car chaque exemplaire est de fait une édition limitée.

Vous êtes vous assurés que, contrairement à New Order avec le maxi “Blue Monday », vous n’allez pas perdre de l’argent sur chaque exemplaire vendu ?

(il éclate de rire) C’est marrant, j’ai lu un article sur ce sujet dans le train ce matin. Je t’avoue que j’ai eu peur que ça revienne trop cher. Mais en fait pas vraiment, car la technologie évolue vite et c’est quelque chose qui n’est pas si compliqué que ça à réaliser. L’imprimante choisit pour chaque pochette une couleur sur 501 disponibles et les lignes dessinées sur la pochette se mélangent de façon aléatoire. C’est un algorithme très simple. Mais ce qui nous a le plus séduits, c’est l’idée que quand les gens iront chez un disquaire, l’album leur sautera aux yeux avec les pochettes de différentes couleurs. Nous aimons tellement les disques que nous regrettons que les gens préfèrent la musique dématérialisée. Nous passons tellement de temps chez les disquaires que c’est une sorte d’hommage aux passionnés du disque que nous avons voulu réaliser. De plus, l’idée de la pochette colle à merveille avec le titre du disque. “Mais pourquoi ont-t-ils voulu créer des pochettes différentes, ça n’a aucun sens !” C’est confondant et ça nous amuse !

Tu partages le chant avec Alex sur vos albums. Quelles sont les origines de cette façon de fonctionner ? Comment décidez-vous qui chante quoi ?

Tout remonte à notre adolescence, quand nous avions 15 ou 16 ans et que nous étions à l’école ensemble, et c’est réconfortant pour nous car nous avons toujours fonctionné en binôme. En fait, c’est celui qui écrit les paroles qui les chante. On ne se dit jamais : “Tiens j’ai écrit ces paroles et tu pourrais les chanter.” Le processus est intuitif et on ne remet jamais en cause ce que l’autre fait.

 

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