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Disques

Bill Fay – Who Is the Sender ?

Bill Fay - Who Is the Sender? 

Sur la pochette du nouvel album de Bill Fay, le label Dead Oceans a apposé un sticker rassemblant des citations riches en dithyrambes signées Nick Cave, “Uncut”, “Mojo” et le “Guardian”. Le contraste est frappant entre cette unanimité critique et la faible renommée de celui qui en est l’objet, à tel point qu’il n’est sans doute pas inutile de rappeler les chapitres précédents, somme toute peu nombreux. Il y eut donc deux albums entre la fin des années 60 et le début des années 70, “Bill Fay” et “Time of the Last Persecution”, dans une veine folk-pop-(ba)rock assez typique de l’époque, mais dont l’inspiration empreinte de tragique, de visions d’apocalypse et de recherche spirituelle reste unique en son genre.

L’insuccès de ces disques, qui n’intéressèrent pas grand monde alors, incita le Londonien à quitter le monde de la musique. Quelques rééditions et compilations d’inédits et de démos, ainsi que les hommages rendus et les reprises par des artistes des générations suivantes (outre ce cher Nick, donc, David Tibet de Current 93, un fidèle soutien, AC Newman des New Pornographers, Jeff Tweedy de Wilco, Jim O’Rourke, The War on Drugs, Dan Bejar de Destroyer…) permirent d’entretenir le culte à partir des années 90, jusqu’à un come-back aussi inattendu que sublime il y a trois ans avec “Life Is People”. Auquel succède cette année ce “Who Is the Sender?” tout aussi chérissable.

Le très discret Fay, qui a depuis longtemps passé la soixantaine, continue à creuser une veine éminemment personnelle, se préoccupant peu des tendances actuelles. Piano, orgue, cordes, guitares tout droit sorties des seventies, batterie mate tissent une trame douce et mélodieuse sur laquelle vient se poser une voix fragile, légèrement tremblante, parfois éplorée (le morceau-titre, sommet émotionnel du disque), rappelant une version plus terrienne de son contemporain Robert Wyatt. Des chœurs sont parfois appelées en renfort, emmenant ces ballades pop intemporelles du côté d’un gospel blanc – de là-haut, Dieu veille sur tout cela, mais son disciple n’est heureusement jamais confit en dévotion.

Si quelque chose distingue ce nouvel album du précédent, c’est sa tonalité générale, plus sombre, pessimiste ; après l’affirmation (“Life Is People”) vient l’interrogation, le doute (“Who Is the Sender?”). Pourtant persiste toujours un timide espoir, une petite lumière, “a frail and broken one” comme dit l’une des chansons. Si les thèmes sont grands et graves, le barde n’est jamais sentencieux. Dans leur simplicité, les textes pourraient même paraître naïfs, comme ce “War Machine” dont le début rappelle un peu le “Final Day” des Young Marble Giants : “All the leaves are falling/Where the hedgehog’s hiding/And a bee buzzes by/Makes me feel like crying” (on croise beaucoup d’animaux). Sur “Bring It on Lord”, Bill Fay appelle le Seigneur à apporter la paix sur terre, avec le soutien vocal de J. Spaceman alias Jason Pierce, habitué à ce genre d’incantations chez Spiritualized. “Give peace a chance”, donc : franchement, on n’a rien contre.

Bill Fay mérite-t-il le même piédestal qu’un Lennon, ou qu’un Dylan, un Cohen, un Brian Wilson ? On n’irait pas forcément jusque-là, ne serait-ce que parce que son œuvre est plus modeste, dans tous les sens du terme. Cela n’empêche pas “Who Is the Sender” d’être un disque absolument bouleversant – un de plus.

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