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Disques

BD Harrington – The Diver’s Curse

BD Harrington - The Diver's Curse

Avec son troisième album, BD Harrington livre  11 chansons modestes et attachantes, chargées d’empathie et de sincérité.

 

On n’a finalement pas besoin de grand-chose pour rendre heureux un amateur de musique. Une guitare folk, une voix éraillée et hop, emballé, c’est pesé… Oui, sauf que cela ne marche pas comme cela, ou alors ce serait trop simple. On pourrait vite s’autoproclamer le nouveau Dylan, le nouveau Springsteen. Malheureusement ou heureusement pour nous, tout est une question de point de vue et d’angle de perception, il faut bien plus que cela. Que seraient les grands disques de Neil Young, de David Bowie ou de Kurt Wagner s’ils ne recelaient sans le dire cette part de sincérité, cette empathie à leur contemporains ? 

Pourquoi les disques de Johnny Cash nous parlent tout autant que ceux de Bonnie Prince Billy ? Pourtant, l’un comme l’autre sont le fruit de deux temps différents. Sans doute parviennent-ils à mettre en évidence des choses qui n’existent pas encore. On ne peut tromper avec la sincérité. Quand c’est frelaté ou mensonger, cela ne passera pas l’étape de la rencontre avec le public. On ne parlera pas ici des petits opportunistes qui encombrent notre industrie du divertissement pour s’attarder sur les petits artisans modestes qui n’ont que faire des multinationales ou des grands centres commerciaux. Eux cultivent leur petit lopin de terre, à l’abri du cynisme et du calcul.

BD Harrington revient avec un troisième album, « The Diver’s Curse », rôdant sur les mêmes chemins que Smog ou South San Gabriel. Mais ce qui maintient la singularité du monsieur, c’est cette tendresse évidente pour ses sujets, loin de la distanciation d’un Bill Callahan.  

De « Resusci Anne » qui réconcilie le Velvet Underground et Leonard Cohen, à « Black Waves » comme une prolongation sans la haine des disques solo de Michael Gira, BD Harrington semble nous décrire les petites routes qu’il emprunte, ces paysages mentaux, cette imagination d’une vie rêvée. Il raconte aussi les fatigues du boxeur ou les souvenirs qui se diluent trop vite. Il se fout pas mal de ce mirage qu’est la virilité car ce qu’il veut viscéralement, c’est dire les choses avec cette honnêteté de celui qui a traversé le désespoir et la résilience.  Il faut avoir vécu beaucoup pour écrire une merveille comme « Contamana ». Chez BD Harrington, on retrouve ce que l’on aime chez Nick Cave, ce talent de conteur, de metteur en scène d’ambiances, de nez connaisseur des fragrances qui font ces éclairs de vie. Il y a aussi ces petites évidences, cette mandoline comme une nécessité de légèreté face au chant profond et grave de l’Irlandais. BD Harrington est un artisan besogneux qui, à force de sincérité, nous confie ces petites peurs que nous traversons tous. Il sait aussi se donner des temps de répit dans les bras de celle qui lui est indispensable. Cela peut sembler usé jusqu’à la corde et sans doute cela l’est-il, mais le monsieur y parle de cet acier forgé dans les saules pleureurs, dans le ciel finissant avec cette clairvoyance inédite qu’une fois encore, on se laisse dompter par ce repos du guerrier.

Chez lui, on retrouve du Bruce Springsteen, celui de Nebraska, entre folk, country et  blues. Il distille une mélancolie rurale, bourlingueuse, de celles que l’on ne trouve plus sur les dernières productions de Tony Dekker ou que l’on aimerait entendre chez Papy Young qui n’en finit pas de se fourvoyer en s’accouplant dans une valse incestueuse avec Donald Trump. BD Harrington est bien loin de ces calculs d’apothicaire, de ces discours autocentrés, de ces navrants monologues entre moi et soi. Il raconte les cascades qui descendent dans les vallées, les hauts pâturages dans « One Match Left ». Tout cela peut sembler toucher à l’anecdote mais il n’est pas un théoricien, il peint plus qu’il ne pense, il décrit plus qu’il ne dit. Il est un peu à l’image de ces films sans péripéties, sans dialogues, presque taiseux. Ceux de Kelly Reichardt, « Old Joy » par exemple, qui n’impose pas à la vie le rythme des mots mais qui la laisse courir, cheminer, prendre sens comme un sourire dans un miroir.

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