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Interviews

Andy Shauf – Interview

Nous sommes nombreux à être passés à côté des premiers enregistrements d’Andy Shauf. C’est pourquoi personne ne s’attendait à prendre une telle claque avec son troisième album, “The Party”, teinté d’influences 70’s bien digérées. Interviewé au lendemain de son concert Lillois, le canadien revient sur la genèse de son nouveau disque, et nous avoue à demi-mot qu’il n’est pas si éloigné que ça des freaks qu’il aime décrire dans ses paroles.

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Quel est ton processus d’écriture habituel ? Commences-tu par les textes ou la musique ? As-tu changé de méthode pour “The Party” ?

Je commence principalement par la musique. J’ai parfois une vague idée de sujets que j’aimerais aborder, mais je préfère attendre d’avoir des titres bien avancés pour ne pas m’éparpiller.

Pourquoi avoir choisi ce type de textes ?

Car tu t’ennuies rapidement à chanter des paroles tous les soirs qui parlent de toi. Les années passent et tu as tellement changé que tu ne te reconnais plus dans tes chansons.

Tu avais commencé à travailler sur ton deuxième album avant de décider que tu voulais repartir de zéro. Pourrais nous dire ce qui s’est passé ?

J’ai enregistré ces chansons sur une très longue période. Il existe des tonnes de versions différentes pour chaque titre. A un moment le disque était quasi finalisé, j’avais neuf morceaux enregistrés. Il y avait pourtant quelque chose en moi qui me faisait penser que je pouvais faire mieux que ça. J’ai laissé du temps s’écouler pour prendre du recul. Quand j’ai réécouté les bandes il m’est cette fois apparu comme une évidence que ces titres étaient plus que moyens. Je suis retourné en studio pour composer deux autres titres et en retravailler d’autres.

L’album a été enregistré entre l’Allemagne (Dresden) et le Canada. Pourquoi le choix de l’Allemagne, un changement de cadre était-il nécessaire ?

Les propriétaires du studio où j’ai mes habitudes au Canada sont souvent en relation avec les propriétaires de celui de Dresden. Je venais d’obtenir un prêt donc je me suis dit que ce serait sympa de changer de cadre et de pouvoir me rendre en Europe pour la première fois de ma vie. Nous avions dix jours pour commencer à enregistrer l’album et ça ne s’est pas super bien passé. Je ne vais pas rentrer dans les détails, mais je n’ai rien gardé des dix titres enregistrés là bas. C’était encore avant la deuxième tentative dont je te parlais plus tôt.

Ta maison de disque a été plutôt cool avec toi, car tout ça coûte de l’argent !

Je ne sais pas si c’était par amitié ou parce qu’ils n’aimaient pas l’album non plus. Je pense que c’est  plutôt la deuxième option.

Tu as joué de presque tous les instruments seul. Te considères-tu comme un control freak ?

(Ayant du mal à lâcher le morceau) Je suis un peu un control freak sur les bords. Il n’y a rien de mieux que d’être seul pour mener ses idées à terme. Les gens autour de moi se lassent de mes expérimentations, car je peux passer des heures avant de trouver la bonne formule. Ils ne comprennent pas toujours ce que j’ai en tête, veulent faire des pauses pour déjeuner… Je n’ai plus aucune notion du temps quand je travaille en studio. Ça peut être énervant pour les autres.

Tu préfères le studio aux concerts ?

Clairement. J’adore composer et enregistrer. Même si je galère parfois pour que mes morceaux prennent forme, je trouve que c’est la partie la plus fun.

Tu  affirmais tout à l’heure tenter beaucoup de pistes lors de l’écriture de tes chansons. Certains titres existent dans des versions complètement différentes. Y a t-il une part d’incertitude qui rentre en compte, ou bien as tu envie de tenter chaque idée qui te vient en tête ?

Je ne pourrais jamais être le type de musicien qui se contente d’enregistrer une version par titre. Je veux tenter toutes les pistes possibles. Il y a un côté excitant car à chaque nouvelle approche tu as l’impression de découvrir un nouveau titre. Mais je ne suis pas très sûr de moi. Parfois j’adore la première version d’un titre, pourtant je ne peux m’empêcher d’en enregistrer trois autres. Dans ces cas là, c’est souvent la première tentative qui finit sur l’album. Je me sens quand même rassuré car j’ai essayé de faire encore mieux, même si ça n’a pas marché.

Certains de tes disques ont en commun une narration un peu glauque qui tourne autour de personnages pas très sains (“The Bearer Of Bad News” parlait de marginaux dans une petite ville). Observes tu beaucoup le monde autour de toi ou bien tes textes sont-ils de la pure fiction ?

Un peu des deux car mon environnement m’inspire énormément. C’est le cas pour “The Party”. J’habite dans une petite ville dans laquelle j’assiste parfois à des soirées. J’ai donc une bonne source d’inspiration.

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Dans quel environnement est censé se dérouler “The Party” ? La musique et la pochette jouent entre un cadre un peu rétro et quelque chose de plus moderne qui quelque part rend l’album intemporel.

Je ne sais pas moi même quand cette soirée se déroule, je n’y ai pas vraiment réfléchi à vrai dire. Tout est censé se passer dans ma maison, on peut donc imaginer que cette fête est plus ou moins récente. Il faudrait que je relise mes paroles pour y trouver des références. Ma seule volonté était que le disque sonne musicalement un peu 70’s.

Avec “The Party”, tu passes encore à une étape supplémentaire par rapport à tes deux premiers albums, au niveau des arrangements et de la production. L’utilisation de cordes est plus abondante. L’album paraît plus ambitieux. Pourrais tu nous expliquer pourquoi ?

Oui, car jusqu’à présent j’ai toujours enregistré mes disques dans la cave de mes parents. Les conditions n’étaient pas vraiment idéales. Je devais tout arrêter quand mes parents allaient se coucher, ou s’ils recevaient du monde. Pour “The Party”, les conditions étaient idéales pour la première fois de ma carrière. Un véritable studio avec de l’équipement professionnel dans lequel je pouvais rester 24h d’affilée si j’en avais envie. Par contre je n’ai pas joué les instruments à cordes cette fois-ci. C’est probablement mieux comme ça car mon jeu de violon est catastrophique (rire). Les cordes viennent appuyer ce côté folk 70’s que j’adore chez les artistes de l’époque.

Quel artiste par exemple ?

Randy Newman. Il a été ma plus grosse influence récemment. Particulièrement l’album “Sail Away”. C’est pour moi l’un des meilleurs storyteller.

Il se dégage à l’écoute une mélancolie évidente. Ne serais tu pas tenté un jour de composer des titres plus upbeat tout en continuant à écrire des textes plutôt sombres ?

Je l’ai fait sur cet album, mais à ma façon. Je ne pense pas enregistrer un jour de titre au rythme plus rapide et joyeux. Ce serait tomber dans la facilité.

Tu décris des personnages, mais si l’on parle de toi, comment te comportes tu en soirée. Es-tu le timide un peu seul dans son coin ou bien le premier à danser ?

En début de soirée je serais le gros timide, mais après quelques verres tu ne me reconnaîtrais plus (rires).

Essaies tu de me dire que tu es un peu Dr Jekyll et Mr Hyde ?

Malheureusement oui ! (rires)

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Y a t-il une part autobiographique dans certains titres ?

En quelque sorte, car même si j’invente des histoires, c’est toujours de mon point de vue. Je tente de me mettre dans la tête des personnages. C’est pourquoi certains me ressemblent.

Tu as pourtant affirmé ne pas réaliser que les personnages assistant à cette soirée étaient tous un peu étranges. Pourtant, à l’écoute, cela paraît évident. En gros tu viens de m’avouer que tu étais toi même un peu bizarre comme type !

(rire un peu gêné) Je t’assure que pour moi ces personnages n’avaient rien d’anormal. Je dois avoir un léger problème.

“The Party” aurait pu être un concept album, pourtant tu as préféré le concevoir autrement. Même si tous les titres parlent de la même soirée, chacun raconte une histoire bien distincte avec des perspectives différentes. Pourquoi ce choix ?

Je voulais laisser suffisamment d’espace à mes personnages pour qu’ils puissent s’exprimer. Créer un lien entre chaque titre aurait rendu ça impossible. C’était un challenge car chaque chanson devait être percutante en tant qu’unité, mais pourtant se coller à un cadre général.

Tu dois être un amateur de nouvelles. As-tu des auteurs préférés ?

J’adore ça ! Mes préférés sont Raymond Carver et Denis Johnson pour leur côté sombre et tordu.

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