Loading...
Disques

Joep Beving – Prehension

Joep Beving - Prehension

Certains auront découvert le travail du hollandais Joep Beving avec un premier disque, »Solipsism » sorti en 2016 dans une parfaite discrétion. Ce n’est pas le cas avec « Préhension » seconde collection de miniatures au piano éditée par la prestigieuse maison Deutsche Grammophon. On ne se privera pas du plaisir d’une musique apaisante et riche.

Sans doute, connaissez-vous ces compilations de vulgarisation au langage de la musique classique, ces « Je n’aime pas la musique classique mais ça j’aime bien » qui tutoient allègrement le vulgaire et le commun. Deutsche Grammophon prend un peu le contrepied de cette allégation par quelque chose qui relève un peu de la paraphrase, « Je n’aime pas la Pop mais ça j’aime bien ». En effet, depuis quelque temps, le prestigieux label accueille dans ses rangs des artistes pas totalement dévoués à la seule Grande Musique, je pense à Max Richter et son adaptation passionnante de Virginia Woolf ou encore à « Orphée » vu par Johann Johannsson. C’est au tour du presqu’inconnu Joep Beving d’entrer au sein de cette grande maison. Plus classique dans le sens de plus académique que les deux autres précités plus tôt, le Néerlandais propose tout au long de « Préhension » 15 mélodies aussi fuyantes que dilatées qui raviront ceux que la musique de Lubomyr Melnyk transporte. Moins percussif dans son jeu qu’un Nils Frahm, Joep Beving convoque le lyrisme d’une école romantique. On pensera souvent aux « Harmonies du soir » de Liszt sans pour autant deviner ici une once de pâle copie ou de répétition. « Préhension » est plus du territoire du point de suspension, du trait d’union.

« Préhension » dégage une impression paradoxale de légèreté chargée. Pouvant être à la fois cristallin et sépulcral au sein d’un même morceau comme sur l’inaugural « Ab ovo », Joep Beving distille les émotions en se jouant de nous. Osons le vilain mot souvent mal employé, il manipule la délicatesse comme un Dandy fin de siècle. Prenez « The Gift » et sa torpeur nonchalante à la Mompou ou l’orientalisme subliminal et Ambient d' »Impernanence ». Il évite clichés inhérents au genre comme le jeu avec le silence en dilatant parfois à l’extrême ses notes comme sur « A Heartfelt silence » pertinent et superbe introduction au joyau de ce disque, le sublime « Sonderling ». On chemine ici dans un paysage fin de siècle, égrenés ici et là de bouleversantes touches de Piano, toujours au bord du vide comme sur « Le Souvenir des temps grâcieux » ou « Pippa’s theme ». 

Jamais intimidante, virtuose ou déroutante, sa musique est d’une tranquillité bonhomme, d’une bienveillance nécessaire sans pour autant être transparente. De « The Man Who Carried The Wind » à « Seelenkind » ou encore « 432 », Joep Beving tisse un lien ténu mais évident entre lui et nous. Jamais, il ne nous perdra de vue tout au long de cette heure-là que forme « Préhension » car il ne tombe pas dans une expérimentation foireuse, comme si la seule complexité suffisait à vous rendre légitime. 

Au contraire, Joep Beving joue avec les sentiments les plus forts mais aussi parfois les plus triviaux, la fragilité ici avec « An Amalgamation Waltz 1839 » où la boucle qui poursuit son cercle vicieux dans « Every Ending Is A New Beginning ». Il signe un second disque sans génie mais terriblement sincère, d’une chaleur aveuglante, osant le classicisme absolu pour en tirer quelque chose qui, à la fois, nous arrache le cœur et nous rassure.

One comment
Laisser un commentaire

Votre adresse e-mail ne sera pas publiée. Les champs obligatoires sont indiqués avec *