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Disques

Raretés confinées (8) : “Keep Me in Mind” de Little Joy

Ce confinement est pour beaucoup d’entre nous l’occasion de nous replonger dans quelques disques obscurs et oubliés. Et, parfois, d’y retrouver des chansons qui ont compté, et qui nous évoquent des souvenirs. Aujourd’hui, “Keep Me in Mind” de Little Joy (2008).

Ça devait bien finir par arriver. L’actualité culturelle est si réduite ces temps-ci qu’on s’oblige à monter en épingle des “événements” qui n’en valent pas forcément la peine, histoire d’avoir des choses à raconter sur les réseaux sociaux. Le nouvel album des Strokes, par exemple. Ne sonne-t-il pas trop années 80 et “synthétoc” ? Est-ce que le groupe n’était pas meilleur au début des années 2000, quand il se croyait au CBGB en 78 ? Ça leur a coûté combien de recadrer un Basquiat pour la pochette ? Est-ce qu’ils sont toujours potes, ou ont-ils surtout des crédits à rembourser ? Et est-ce encore un vrai groupe, ou les quatre autres ne sont-ils plus que les larbins de Julian Casablancas ?
A ces questions ô combien essentielles, on se gardera bien de répondre (parce qu’on s’en fiche un peu, à vrai dire, même si le disque est assez plaisant, et même plus que ça par moments). En fait, cette actualité autour du club des cinq New-Yorkais nous a plutôt donné envie de nous replonger dans leurs albums précédents, mais aussi dans leurs side projects et aventures solo qui les occupent entre deux sessions en studio, de plus en plus espacées. Et comme on avait la flemme d’explorer les tréfonds de notre disque dur pour y repêcher quelques morceaux de Casablancas ou Hammond Jr., on s’est tout de suite dirigé vers l’étagère à CD, où l’on était sûr de trouver entre Joel Henry Little et les Little Rabbits l’unique album de Little Joy, featuring le batteur à belle gueule Fabrizio Moretti, sorti en 2008 – soit à mi-chemin entre “First Impressions of Earth” et “Angles”.

Pour Moretti, le but n’était pas vraiment de prouver qu’il pouvait exister en dehors du groupe responsable du retour du rock et des Converse montantes, mais plutôt de prendre du bon temps avec ses nouveaux amis. Tout part de sa rencontre en 2006 avec le Brésilien cosmopolite Rodrigo Amarante, membre du groupe Los Hermanos, lors d’un festival à Lisbonne où ils jouent tous deux. Ils sympathisent et évoquent l’idée de faire de la musique ensemble, un projet qui se concrétise avec l’arrivée de la photogénique chanteuse Binki Shapiro, qui devient la girlfriend du Fab – je ne suis pas absolument sûr de la chronologie, mais passons. Little Joy tire son nom du (dive) bar à cocktails situé en face de la maison d’Echo Park, à Los Angeles, où le trio avait enregistré des démos. Ce qui donne une idée assez juste d’un album réalisé à la bonne franquette, avec quelques verres dans le nez sans doute, et à siroter confortablement installé dans un fauteuil club, ou plus simplement au comptoir.
Ici, les ego envahissants sont restés au vestiaire. La plupart des titres sont cosignés par au moins deux des trois membres du groupe, et Moretti ne tire pas vraiment la couverture à lui : s’il joue, outre la batterie, d’une demi-douzaine d’instruments, sa voix reste confinée aux chœurs avec ses potes Nick Valensi (des Strokes), Noah Georgeson (également producteur), Adam Green ou Devendra Banhart. Shapiro chante lead de temps en temps, et c’est charmant, mais c’est surtout la voix indolente d’Amarante qu’on entend, et qui insuffle à ce disque d’une grosse demi-heure son mélange de coolitude un peu cossarde et de légère saudade. Il annonce l’unique album du Brésilien, le très beau “Cavalo” qui arrivera cinq ans plus tard (produit par Georgeson, avec des contributions de Moretti). Comme le Little Joy, ce disque sera publié en Grande-Bretagne par le fameux label Rough Trade, qui avait révélé les Strokes.


Un groupe auquel on pense assez peu en réécoutant le disque qui nous occupe ici, dont le grand Nick Hornby avait fait son album de l’année. Sauf sur “Keep Me in Mind”, dont la musique est pourtant écrite par Amarante, et qui, avec un son plus tranchant, aurait pu aisément figurer sur “Is This It” ou “Room on Fire”. A l’inverse, la magnifique et très dépouillée version démo de “You Only Live Once” (intitulée “I’ll Try Anything Once”) par Casablancas laisse à penser qu’il pourrait sortir un jour un album solo pas très éloigné des ambiances en demi-teinte de Little Joy. Je proposerais bien aux principaux intéressés une soirée au bar éponyme – apparemment il existe toujours – pour discuter de tout ça devant une caïpirinha et faire deux ou trois parties de billard, mais je crains qu’il ne faille attendre encore quelques mois.

Une version acoustique, à trois sur le sofa :

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