Loading...
Disques

Chapi Chapo et Les Jouets Électroniques – Collector

Pour son quatrième album, Chapi Chapo fait du buzz et des basses en farfouillant dans sa collection de synthétiseurs-jouets. Quelque part entre Mario Kart et François de Roubaix, le Breton Patrice Élégoët explore des contrées inédites et pourtant étrangement familières. Addiction assurée.

Avertissement. Chapi Chapo et les Jouets Électroniques n’a rien à voir avec “Oui Oui au pays des jouets” ! Certes d’obédience ludique, la musique proposée par le doux touche-à-tout Patrice Élégoët, installé du côté des mythiques monts d’Arrée, est référencée mais juste ce qu’il faut, ni enfantine ni infantilisante, et jamais ô grand jamais distanciée ou goguenarde. Bref, Chapi Chapo, c’est du sérieux (cependant très digeste).
Pour ce bien nommé “Collector”, Patrice Élégoët a pioché dans sa collection de plus de 600 instruments-jouets amassés durant plus de quinze ans, et s’est concentré pour la première fois sur les synthés des années 70 et 80 plutôt que sur les toy pianos, moulins à musique ou flûtes acoustiques qu’il utilisait surtout jusqu’alors : des synthés-jouets certes, mais parfois pas beaucoup moins sophistiqués que les “vrais” instruments utilisés par le Depeche Mode des débuts ou Taxi Girl… du début à la fin. Cependant, ça ne l’a pas empêché d’introduire, parmi les 73 instruments présents sur l’album, des mini-guitares en plastique ou l’inoubliable “Dictée magique” (remember, amis quadras et quinquas).

Donc, logiquement, tout cela sonne très 80’s, et l’on s’amuse à dénicher ça et là des sonorités qui rappellent un peu tel ou tel artiste, mais jamais vraiment de façon précise. En vrac : on décèle, ou croit déceler du Denim, le projet très synthé de Lawrence ; du Roxy Music – en plus (capitaine) Flam rock que glam rock – ; du François de Roubaix – à qui le projet Chapo Chapo doit son nom, puisqu’il fut le compositeur de la musique du générique de la fameuse série animée des années 70 – ; du Mathématiques Modernes ou même… du Joy(stick) Division et du New Order.

Pour ce quatrième album depuis 2009, Chapi Chapo a donc composé, avec les moyens du bord de la synth-pop éternelle, neuf morceaux. Pour sept d’entre eux (deux restent instrumentaux), il a fait appel à des chanteurs et chanteuses ami(e)s, et non des moindres : par ordre d’apparition, Maxwell Farrington (Dewaere), Laetitia Shériff, Jad Fair, Rachel Barreda Horwood (Trash Kit, Bamboo), G.W. Sok (ex-chanteur des légendaires The Ex), Tiny Feet et enfin le grand Troy Von Balthazar. À cet aréopage, Élégoët a donné carte blanche : sur ses musiques, les artistes ont écrit leurs propres textes, selon leur inspiration, aux thèmes évidemment multiples. Le résultat est forcément décousu, mais c’est peut-être ce qui rend “Collector” encore plus passionnant.

Si la voix de baryton de Maxwell Farrington fait des merveilles sur le morceau d’ouverture “When We Was Older”, porté par une rythmique qui aurait pu être piquée à Neil Hannon, G.W. Sok défouraille un vrai hymne punky avec “No No No No No”, tandis que Jad Fair, plus laidback que jamais, s’amuse sur le joyeux bien que fataliste “It’s Fate” (ou quand “Le Manège enchanté” rencontre Taxi Girl). Quant à l’exaltant, picaresque, sautillant et tubesque “Seller Keller” scandé par Tiny Feet, il nous laisse sur les genoux avec ses chœurs portant la fin du morceau jusqu’à son point de folie paroxystique.

Mais la mélancolie n’est jamais loin sur cette collection idéale, et “The Hurdles”, chanté par Rachel Barreda Horwood un peu à la manière de Lana Del Rey (c’est un grand compliment), et surtout le crépusculaire “Old Toys”, qui signe la fin de cette émouvante toy story en rappelant un Pink Floyd fin 70’s, nous abreuvent de tristes mais doux frissons. « I keep my fingers crossed », chante Troy Von Balthazar sur ce morceau-chair de poule. Nous aussi, nous croisons nos doigts, pour que tous les vieux jouets reprennent vie et nous offrent ce genre de voyage dans le temps et dans les sons qu’on n’a jamais entendu ailleurs, tout en l’ayant entendu partout.

“No No No No No”, éructe comme un beau diable le magnifique G.W. Sok sur le morceau éponyme. On le démentira catégoriquement concernant “Collector” et l’incroyable projet Chapi Chapo : pour nous, de toute évidence, c’est “Yes Yes Yes Yes Yes” !

Laisser un commentaire

Votre adresse e-mail ne sera pas publiée. Les champs obligatoires sont indiqués avec *