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Disques

Martin Gore – The Third Chimpanzee EP

Le compositeur de Depeche Mode laisse libre cours à ses envies d’expérimentation sur un EP instrumental inspiré par les rapports entre l’homme et le singe.

Artisan majeur de l’identité sonore de Depeche Mode depuis quatre décennies, Martin Gore profite des pauses (toujours un peu plus longues) de son groupe pour se concentrer sur des projets parallèles. Après deux beaux recueils de reprises sortis en 1989 et 2003, l’artiste signait en 2015 un album entièrement instrumental, sous l’alias MG. Seize titres relativement courts, qui, bien qu’inévitablement liés à l’esthétique sonore des Mode, offraient une approche plus cinématographique à sa musique. On la retrouve de manière plus ciblée, dans “The Third Chimpanzee”, sorti chez Mute.

Tirant son nom du célèbre essai de Jared Diamond, publié en 1991, l’EP évoque le lien entre l’homme et le singe. Une frontière que Gore s’amuse à brouiller sur un disque sombre et mimétique, où l’homme tend à imiter l’animal, et inversement. Ainsi, chacun des titres composant l’EP est nommé selon une race de singe différente. La pochette elle-même a été peinte par un capucin (Pockets Warhol). Subtil dans son exécution, le concept se retrouve également dans la musique. Notamment par l’effet de modulation opéré sur la voix de l’artiste. Sur les titres “Howler” et “Mandrill”, les cris métalliques, semblables aux hurlements du primate, proviennent de samples vocaux de Gore, transformés à partir d’un module d’effets (Panharmonium).

Ceci étant dit, l’attrait principal du disque ne réside pas tant dans son concept, plutôt secondaire, mais bien dans la musique elle-même. A bientôt 60 ans, l’artiste britannique propose une expérience instinctive parmi les plus étranges, sombres et excitantes de sa carrière. Un mélange de musique industrielle et de sonorités vintage qui crée une atmosphère lugubre et magnétique. Si les textures peuvent sembler ici et là familières, la manière avec laquelle il façonne cette jungle sonore est fascinante. Elle témoigne d’une grande liberté créatrice, mais aussi d’une volonté de s’aventurer sur un terrain plus expérimental. Et pour un artiste qui a influencé plusieurs générations de musiciens, c’est tout à fait remarquable !

Dès les premières notes de l’ouverture “Howler”, le ton est donné. Basse lourde, rythme saccadé, hurlements et grincements métalliques, sur une construction crescendo, jusqu’à l’arrivée presque surprise du thème principal (que l’on retrouve en clôture). Ces quelques notes de synthétiseur, répétées en boucle, résonnent alors comme une sorte de récompense. Une manière de conclure le morceau sur une tonalité nostalgique, mais surtout profondément humaine. L’accalmie est cependant de courte durée : “Mandrill”, titre le plus immédiat de l’EP, se révèle aussi être le plus agité et menaçant, et donne le ton du le reste du disque.

De manière générale, Martin Gore opte ici pour des tempos lents et des constructions progressives, offrant à ses compositions le temps et l’espace pour se dévoiler.  Le meilleur exemple est assurément ce “Vervet”, longue pièce hypnotique de plus de 8 minutes, certes moins imagée, mais qui s’avère être un enchevêtrement d’idées excitantes. Simplement envoûtant. Alors que l’on aurait pu s’attendre à une nouvelle montée en puissance, le disque se termine sur le motif de “Howler”, dévoilé de manière isolée.

Là ou “MG” ressemblait à une collection de chutes de sessions de Depeche Mode, “The Third Chimpanzee” existe en tant que tel et constitue le travail le plus cohérent de son auteur. Finalement, le seul défaut du disque réside dans sa durée. Reste alors à savoir si nous avons affaire à une sortie isolée, ou à la première partie d’un projet plus important.

 

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