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Adieu Pat Fish

Même si on le savait malade – il ne le cachait pas sans pour autant s’appesantir, pas son genre –, la nouvelle de la disparition de Patrick Huntrods, alias Pat Fish, alias The Jazz Butcher, nous peine autant que celle d’Olivier Libaux il y a quelques jours. Au-delà d’un goût pour une pop ouvragée aux guitares aériennes, joyeuse ou plus mélancolique, les deux musiciens nous semblaient partager les mêmes qualités : l’humour, l’absence de prétention, le sens du partage et l’ouverture d’esprit, comme en témoignent les hommages émus et sincères de fans et musiciens amis qui ont fleuri sur les réseaux sociaux à l’annonce de leur décès (au hasard, celui-ci pêché sur Facebook : « Jazz Butcher had the thing where you just feel like this band is mine. I found this rare thing at the right time, this will always be part of who I am. »).


Né le 20 décembre 1957 à Londres mais vite installé à Northampton, ville où il reviendra toujours et où il a passé ses dernières années, Pat Fish avait sorti en 1983 son premier disque sous le nom The Jazz Butcher, l’excentrique “In Bath of Bacon”. Suivront une douzaine d’albums de plus en plus aboutis et de nombreux singles, publiés essentiellement chez Glass puis Creation, enregistrés avec une ribambelle de collaborateurs réguliers ou plus occasionnels. Parmi eux, Max Eider, des futurs membres des Woodentops, David J de Bauhaus ou le batteur Dave Morgan (ex-The Loft et Weather Prophets), le Jazz Butcher entretenant par ailleurs des rapports de camaraderie avec des groupes à l’écart des modes comme The Perfect Disaster, les Spacemen 3 ou les Blue Aeroplanes.

Dans un genre qu’on peut qualifier d’indie pop, héritier du Velvet Underground ou de Jonathan Richman, Pat se permettait toutes les libertés et les fantaisies, de la ballade crève-cœur (“Partytime”, “Keeping the Curtains Closed”, “Angels” ou “Never Give Up”, plusieurs fois joué sur scène mais toujours inédit sur disque) à des titres presque baggy (“Our Friend the Filth”), voire carrément electro (une cover du “We Love You” des Stones sous le nom de JBC, pour Jazz Butcher Conspiracy), en passant par des chansons en français (“La Mer”, qui sera repris par les Little Rabbits, ou “Tombé dans les pommes” sur son dernier album, le bien nommé “Last of the Gentlemen Adventurers”), des classiques instantanés qui semblaient écrits sur un coin de table mais révélaient une grande maîtrise de son art (“She’s on Drugs”, “Southern Mark E Smith”…) ou même des tentatives rap bizarroïdes (“The Best Way”, “Burglar of Love”), sans oublier quelques sonorités exotiques et touches de saxo. Avec, toujours, l’impression d’entendre un chanteur – et un guitariste – “de proximité”, le type avec qui on serait volontiers aller descendre quelques pintes au pub du coin de la rue.

Producteur occasionnel (notamment du deuxième album du groupe français Chelsea, “Tramway”), Pat Fish n’a jamais eu de véritable tube, mais ses disques obtenaient suffisamment de succès pour qu’il puisse jouer régulièrement en Europe et aux Etats-Unis (sur les deux côtes, du moins) jusque dans les années 90. Les tournées étaient parfois chaotiques et plus ou moins alcoolisées, mais les concerts souvent marquants grâce au charisme et à la générosité du maître de cérémonie.
Pendant le confinement, comme d’autres, il se produisait seul en vidéo depuis chez lui (les “Fishy
Mansions” !), revisitant son riche répertoire. Un peu avant, c’est aussi en solo qu’on l’avait vu, invité par quelques fans à se produire à Malakoff, dans le sud de Paris. Dans la matinée, nous l’avions interviewé au soleil en compagnie de Tim Keegan (Departure Lounge) qui assurait sa première partie.

Après avoir réédité en deux coffrets les huit albums studio sortis entre 1983 et 1991, Fire records publiera prochainement une dernière anthologie rassemblant l’intégralité des singles (faces A et B), diverses raretés et une session radio enregistrée en Californie. On sait aussi qu’un nouvel album pour l’excellent label allemand Tapete était terminé. De quoi passer encore beaucoup de temps avec l’un des musiciens les plus attachants et originaux de ces quarante dernières années.

En attendant, une petite sélection de morceaux studio et live pour se rappeler la grandeur du Jazz Butcher.

Photos : V.A.

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