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Disques

Ben Chasny – The Intimate Landscape

2021, une année Ben Chasny : alors qu’on découvre son album somnifère (vraiment), “Sleep Tones” publié en catimini l’an passé (celui de la grande guerre, celui du confinement) et un brûlot punk-new wave-cheulou-ambient, “The Veiled Sea”, les deux chez la maison Six Organs of Admittance, Ben Chasny se dévoile en guitare acoustique solo, et rejoint de fait les Delia Derbyshire, Alan Parker et consorts pour un album de bibliothèque sonore publié chez KPM Music Library. 

Il nous fallait bien ça.  Pour que Ben Chasny (Six Organs of Admittance) reprenne sa guitare en bois abandonnée depuis “For Octavio Paz” (2003, réédité sur Hermit Hut en 2019) il aura fallu une proposition de la mythique KPM Music Library. On imaginait simplement que cela n’arriverait plus. Que Ben gardait ce petit plaisir pour les longues soirées d’hiver, les matinées en solitaire sous le porche ou les concerts en solo. Comme un jardin secret, ouvert à la magie de l’instant. Alors on vivait depuis sur nos souvenirs et nos disques.

Cette proposition d’entrer dans le catalogue choyé des collectionneurs (un rapide coup d’œil sur eBay suffira pour convaincre) n’est pas seulement une bénédiction ni une incartade. Ben Chasny, souvenons-nous, avait déjà fourni de la matière musicale pour des images, en l’occurrence un porno gay, bear qui plus est (nous l’évoquions ici lors de la sortie de “Ascent”, Ben en cause davantage avec son pote Richard Bishop), c’est donc assez naturel de le voir fournir un album pour la célèbre bibliothèque sonore.

Dès la première écoute, on sent que Ben Chasny n’est plus le même homme. C’est un enregistrement chiadé, très propre, beaucoup moins torturé que par le passé, qui regarde très ostensiblement vers l’ouest. C’est une plongée dans ce qui fait le fond de l’âme américaine. D’où un album, certes méditatif, il ne serait en être autrement, mais beaucoup plus léger, moins profond que les enregistrements de Six Organs autour des années 2000. Les démons se sont évanouis, la tête s’est éclaircie. 

Ce disque signe donc des retrouvailles attendues avec un vieil ami, qui se serait rangé des bagnoles. On s’y sent bien, on y a toutes nos marques mais il manque le petit grain de folie. 

Ben s’est visiblement contraint à lisser son jeu, éliminer ses aspérités qui nous plaisaient tant. Pour qui voudra tendre l’oreille, on retrouvera des orgues qui trainent par-là (“6 Diamonds”, “Second Moon”, “On the Way to the Coast”) ou des rythmes incantatoires sur “Water Dragon”, qui laissent échapper un fumet d’antan, un reste de vieil encens oriental (“Star Cascade”), une trace un peu punk.

On a souvent souligné l’aspect bipolaire de Chasny. On ne trouve ici que sa part solaire, d’où un sentiment d’incomplétude qui laisse sur sa faim.

Pour des choses plus absconses, on se tournera vers “The Veiled Sea”, tout a fait propre à décoller le cérumen et faire vaciller nos cœurs, paru cette année chez Three Lobed Records ou encore son album numérique anti-insomnie téléchargeable en prix libre sur son propre label Hermit Hut : “Sleep Tones”.

Reste qu’on est heureux à l’idée qu’un jour peut-être, nos parents gâteux regarderont un National Geographic sur le Grand Canyon ou, mieux, un 30 millions d’amis avec la musique de Chasny derrière des petits chats trop mignons*.

Avec l’aide de Johanna Déshexadiquée.

“The Intimate Landscape” sort le 5 novembre chez KPM Sound Library /Drag City.

* un petit détour sur Twitter nous apprend que les enregistrements de Ben Chasny sont déjà dans la bibliothèque depuis quelques années et que des morceaux ont déjà accompagnés des reportages sur la pêche.

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